Plume et encre: D’une vie de rêve à une vie d’enfer

Plume et encre: D’une vie de rêve à une vie d’enfer

Plume et encre: D’une vie de rêve à une vie d’enfer

L’histoire de ce livre est celle de toutes ces jeunes filles ballotées par la vie sans qu’elle comprenne ce qui leur arrive. Quand elle quittait son pays pour la Côte d’Ivoire, Safora rêvait d’y cueillir les fruits d’une meilleure condition de vie et par conséquent, de s’échapper des serres de l’indigence. Mais une fois sur le terrain, la réalité est loin de son rêve. Elle se retrouve dans un taudis avec des amies à la merci de la précarité, du manque, voire de la prostitution.

Un jour, de façon inopportune, elle attire le regard de Sidy qui jure de l’aimer. Leur idylle prend un tournant inattendu. Safora devient l’épouse de son bien-aimé qui la fait surfer avec le monde du confort, de la richesse et de l’ostentation. Altruiste, elle devient le point de mire des griottes et de nombreuses admiratrices. Malheureusement, sa vie va brutalement chavirer lorsque vient à mourir par accident Sidy, son époux. La suite de sa vie est un enfer innommable.

Le parcours en dents de scie du personnage principal et surtout cette fin au registre pathétique posent le problème du destin ou encore de la fatalité. Pourquoi une jeune femme si affable et généreuse peut, du jour au le lendemain, connaître tant d’humiliations et de douleurs ? Safora était pétrie de qualités humaines et morales et pourtant, sa vie va prendre une tournure douloureuse et difficilement explicable.

On en est à se demander quel péché a-t-elle connu pour se voir précipiter dans cet abîme de contrariétés. Le lecteur, évidemment, ne manquera pas de se poser des questions et en voudra à l’auteure de n’avoir pas aménagé une fin moins dramatique à Safora.

Mais il ne s’agit pas pour l’écrivain de servir à son lectorat ce qu’il veut découvrir. Il faut souvent le bouleverser pour mieux susciter en lui l’éveil et la prise de conscience. La chute de l’histoire de Safora a l’avantage de faire réfléchir tous les lecteurs. Le bonheur et le malheur participent à la dualité de la vie humaine. Celui qui le sait saura mieux se comporter.

La Bible, à ce propos, prescrit: « Au jour du bonheur, sois heureux et au jour du malheur, réfléchis: Dieu a fait l'un comme l'autre, afin que l'homme ne découvre en rien ce qui sera après lui » (Ecclésiaste 7 : 14).

Par le drame de Safora, l’auteure dénonce l’ingratitude, les amitiés intéressées incarnées par Rockia et Sanatha. On comprend par l’ingratitude de ces deux femmes que l’amitié n’a de sens que par rapport au profit que l’on peut en tirer. En outre, le roman Safora remet au goût du jour l’image de la belle-mère acariâtre, indécrottable rivale de sa belle-fille. La génitrice de Sidy s’affirme, dans ce roman, comme une personne sans cœur et d’une aigreur tenace. Ce sont sa rancune et sa méchanceté qui ont causé la fin tragique de son fils.

Aanta Ouattara après Altiné mon unique péché offre à ses lecteurs un roman bouleversant qui prend sa source dans le quotidien africain. La narration est fluide et le récit bâti sur le schéma classique à trois étapes est d’une linéarité docile. Servi par une écriture limpide et digeste, le roman se laisse lire avec aise.

MACAIRE ETTY

Anzata Ouattara, Safora, éditions Mouna, roman, 2017