Palais de la culture d’Abidjan: “ 24 milliards de FCfa pour le transformer en une véritable industrie ’’

Koné Dodo
Koné Dodo
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Palais de la culture d’Abidjan: “ 24 milliards de FCfa pour le transformer en une véritable industrie ’’

Quartorze ans après son ouverture, le palais de la culture d’Abidjan est fermé. Comment expliquez-vous cette situation ?
Quand nous sommes arrivés à la tête du palais de la culture, l’édifice était dans un état de dégradation avancé à cause de la crise post-électorale de 2011. Des soldats ont occupé les locaux pendant un certain temps. Des jeunes du quartier ont saccagé les installations. Il n’y avait même plus de mobiliers pour s’asseoir. La climatisation n’existait plus, et il n’y avait qu’une seule salle fonctionnelle, la salle Anoumabo. Nous avons pu rééquiper ce qu’on pouvait. L’Etat a estimé qu’il était important que ce palais soit réhabilité et rénové, puisque c’est le principal lieu de culture en Côte d’Ivoire. En réalité, des espaces culturels comme le palais de la culture, on n’en trouve pas dans cette zone. Ou du moins, c’est très rare d’en trouver. C’est un véritable joyau architectural. C’est pourquoi l’Etat de Côte d’Ivoire a entrepris sa réhabilitation avec la Chine, pays qui l’avait construit. Le financement est assuré par les deux Etats, et s’élève à 24 milliards Fcfa. Un appel d’offres a été lancé en Chine, et c’est une entreprise chinoise, autre que celle qui l’a construit, qui a la charge des travaux de réhabilitation.

Durant les travaux qui durent maintenant 18 mois, comment gérez-vous le personnel ? Ces locaux provisoires accueillent -ils tous vos employés ?
Nous avons souhaité avoir un local beaucoup plus grand pour que tout le monde y soit logé. Malheureusement, c’est ce local qu’on nous a donné. Le personnel administratif y est logé, et nous tous, sommes à la tâche. N’oubliez pas que le palais de la culture a pour vocation, la promotion des arts et de la culture, tant en Côte d’Ivoire que sur le plan international. Et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas beaucoup de spectacles que nous ne travaillons pas !

Que faites-vous donc pendant la période de fermeture ?
Nous participons à la réalisation de certains festivals ici et à l’étranger, à certaines activités du ministère de la Culture et de la Francophonie à la demande de notre ministre de tutelle. Ceux qui n’ont pas pu avoir de bureau ici, en l’occurrence les techniciens, travaillent au palais chaque fois qu’il y a des spectacles. Vous remarquez que les espaces extérieurs continuent d’abriter des activités socioculturelles. Nous en sommes heureux, même si nous estimons que ce n’est pas suffisant. Parce que de nombreux promoteurs ont arrêté à cause de la saison des pluies qui a commencé depuis mars et qui ne finit pas. Donc ces aléas climatiques font qu’il n’y a pas beaucoup de spectacles sur les espaces extérieurs. Les techniciens, eux, sont toujours présents sur le site du palais. Et on leur fait appel toutes les fois qu’il y a des activités culturelles. En ce moment, ils sont en stage avec l’équipe technique chinoise pour l’après réhabilitation. De nouveaux matériels sont installés, de nouvelles canalisations ont été faites. Il faut qu’ils sachent comment tout cela a été fait, surtout les installations électriques, pour pouvoir réagir après. Ceux qui s’occupent du poste de contrôle de sécurité reçoivent, eux aussi, la formation. Donc la formation a commencé et va se faire sur environ 6 mois, pour que notre équipe technique soit opérationnelle dès l’ouverture.

Quel est l’état d’avancement des travaux ?
A ce mois de décembre 2014, nous sommes à 75% de réalisation. Les équipes chinoise et ivoirienne nous ont promis que le palais sera livré en juin 2015, comme prévu. En attendant que le ministère nous donne son accord pour l’inauguration officielle, il y a une réception provisoire qui se fera, et un an après, la réception définitive. Pendant cette année, des spectacles se tiendront et nous permettront de voir si tout fonctionne bien. Parce que nous avons déjà des réservations d’ici et de l’étranger, jusqu’à août 2015. Et nous sommes convaincus qu’à la fin du premier trimestre 2015, il n’y aura plus de places pour la période d’août à décembre 2015. Nous travaillons à faire de ce palais le centre culturel de l’Afrique de l’Ouest, comme le souhaite notre ministre ; Une véritable industrie, qui s’autonomise financièrement. Il faut parvenir à le rentabiliser pour que les subventions de l’Etat, à partir de 2016, baissent d’années en années. Et je crois que nous le pourrons, surtout avec l’outil que nous avons. Maintenant que nous aurons beaucoup de salles, nous allons enfin prouver de quoi nous sommes capables : faire fonctionner le palais comme de grandes salles en Europe et en Amérique.

Qui sont les acteurs de la réhabilitation ?
Un comité de réhabilitation est mis en place par le ministère de la Culture et de la Francophonie. Il comprend plusieurs ministères, notamment celui de la Culture et de la Francophonie, le ministère de l’Economie et des Finances, le ministère de la Construction, le ministère des Affaires étrangères, le Bnetd, la sécurité civile… En fait, il y a une équipe de compétences ivoiriennes qui tient des réunions hebdomadaires, et qui s’assure que tout se passe dans les règles de l’art. Tout est suivi avec un grand sérieux.

Les espaces extérieurs, notamment l’espace  ‘’L’oiseau - livres’’, abritaient les spectacles. Alors, avec du recul, cet espace rentrera -t-il dans vos plans de réhabilitation ?
Ces espaces vont toujours fonctionner, puisqu’ils fonctionnaient bien avant la fermeture du palais. Il y a des opérateurs culturels qui organisent des spectacles pour 7000 voire 10000 personnes. Or, notre plus grande salle, ne peut en contenir que 4000. Donc, ceux qui voudront organiser des activités culturelles d’envergure seront obligés de les faire à l’extérieur. En 2016, par exemple, le Masa utilisera les espaces extérieurs. Donc ils vont toujours fonctionner, même si le ministre a d’autres ambitions. Il faut rappeler que lors de l’ouverture du palais, le gouvernement avait prévu aménager tout  l’espace ‘’L’oiseau livres’’, afin qu’il y ait des hôtels pour les artistes, des restaurants… Le ministre Maurice Bandaman est à l’œuvre, tout comme l’ensemble du gouvernement, pour que nous ayons un espace culturel à la hauteur de nos ambitions.

De nouvelles salles seront-elles construites ?
Puisqu’il ne s’agit que d’une réhabilitation, nous améliorons seulement ce qui existe déjà. Toute la climatisation a été remise en état. Tous les salons Vip ont été réhabilités. Le mobilier est changé, la décoration du hall et des salles également… Je crois que nous aurons les meilleures salles de Côte d’Ivoire, avec le meilleur rapport qualité prix. Aujourd’hui, le besoin est très grand et nos salles sont beaucoup plus grandes et adaptées. Aussi, mettrons-nous un point d’honneur à l’entretien. C’est pourquoi de petits ajustements seront faits au niveau des tarifs.
 
Quelques innovations …
Le palais de la culture demeure dans sa vocation de centre d’intérêt  public. Et donc,  le rapport qualité prix sera adapté aux besoins de la population, avec des propositions pour que des expositions d’art, et de tout genre : sculpture, dessin, peinture…, se tiennent trimestriellement. Il y aura une salle dédiée au cinéma. A la réouverture, on pourra venir au cinéma tous les samedis. Nous en avons discuté avec le directeur de l’Office nationale du Cinéma en Côte d’Ivoire (Onac-Ci) afin de donner, de nouveau, l’habitude aux Ivoiriens de venir au cinéma. Les week-ends, il y aura aussi de l’humour, du théâtre ou de la danse dans une salle prévue à cet effet. Puisque c’est ce que les ivoiriens aiment. Nous allons auditionner des groupes qui seront retenus sur la base de leurs qualités, avec qui, on coproduira des événements. Nous allons trouver des tarifs adéquats pour le public, et définir les taux de répartition des recettes. Nous allons aussi coproduire de gros festivals. Il y a déjà, ‘’Abidjan festival’’ que nous produisons avec une Ong ; il y a aussi ‘’Afriky mousso’’. En décembre prochain, nous coproduirons, avec Gondwana production, le Festival du Gondwana, qui se déroulera sur 4 jours et qui verra la participation d’humoristes de toute l’Afrique et d’Europe. Il y aura un village qui sera ouvert en permanence où les gens pourront venir acheter le passeport du Gondwana. Et durant ces 4 jours, il y aura des choses extraordinaires. Nous allons collaborer avec la Rti pour offrir aux Ivoiriens des spectacles dignes de leur pays qui est sur la voie de l’émergence. Nous devons faire en sorte que la culture fonctionne dans les meilleures conditions possibles, et qu’elle devienne une véritable industrie. On voit le plus souvent les artistes tendre la main lorsqu’ils sont malades, parce qu’ils n’ont malheureusement pas d’argent. Alors nous ferons en sorte que les artistes s’autosuffisent financièrement. Le ministre fait déjà beaucoup pour les arts et la culture, et donc nous nous inscrivons dans sa lancée pour faire revivre l’art en Côte d’Ivoire.

Y aura-t-il des changements au niveau des prix de location des salles ?
Nous en discutons actuellement avec le comité de gestion. Et même s’il y a des changements au niveau des prix, l’écart ne sera pas grand.  Comme je l’ai dit, le rapport qualité/prix sera toujours le meilleur. C’est ce que veut l’Etat de Côte d’Ivoire, pour que la culture aille de l’avant. Notre rôle n’est pas d’étouffer, ni de faire tomber en ruine le palais, parce que nous ne voulons pas être toujours en train de tendre la main à l’Etat. Seulement, les frais en électricité et en eau s’élèvent à hauteur de 100 millions par an. C’est vraiment énorme et ils ne doivent pas être seulement à la charge de l’Etat de Côte d’Ivoire. C’est pourquoi nous œuvrons à ce que ce palais devienne autonome.

interview réalisée par
Faustin Ehouman
Correspondant communal