Nanan Elisabeth Aga Nogbou ou l'émergence du leadership féminin dans la chefferie traditionnelle

Nanan Elisabeth NOGBOU prône l’implication des femmes dans la chefferie traditionnelle.
Nanan Elisabeth NOGBOU prône l’implication des femmes dans la chefferie traditionnelle.
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Nanan Elisabeth Aga Nogbou ou l'émergence du leadership féminin dans la chefferie traditionnelle

Et pourtant, la mobilisation communautaire et l'assentiment silencieux, mais très parlant des sages, l'ont porté ce jour du 26 juin 2008 à la tête de ce village.

A l'exemple de toutes ces grandes âmes qui n'échappent jamais à leur destin singulier. Le sceau de l’administration, à travers Mme Elisabeth Anderson, alors, sous-préfet de Bonoua , est venu tout simplement conférer sa légalité à un fait de gestion admis depuis plusieurs mois par la communauté villageoise, comme l'évidence d’une norme de probité dans la conduite des affaires locales.

Le notable N'guessan yao et l'époux de Nanan Aga rapportent que ce fut par la clameur populaire que les villageois accueillirent la nouvelle. Sans même laisser le temps à la représentante de l'administration de terminer ses propos.

Les raisons d'un tel soutien relèvent selon le notable, des enseignements tirés des précédents exercices du pouvoir dans le village. Tous, conduits par des hommes .Au premier rang des motivations: la recherche de l'efficacité qu'imposent les défis du moment. Après les hommes qui ont fait ce qu'ils pouvaient, reconnaît le notable, "nous avons décidé de changer pour servir d'exemple ".

Et à l'analyse des faits de développement et actes de paix que pose le chef depuis son avènement à la tête du village, le collaborateur de Nanan tranche net "si c'était un homme , on n'aurait pas connu autant de succès en si peu de temps".

Envie de changement, d'effectuer le saut qualitatif en se débarrassant du complexe du mâle dominant et omniscient. Unique détenteur des qualités à diriger. C'est le pari qu'a voulu réussir ce village, par la mise en pratique du concept "genre" dans l'exercice du pouvoir traditionnel. Mais pas pour la simple plaisir de sacrifier à l'application d'une théorie intellectuelle.

Ici, la valeur intrinsèque de la concernée ne saurait être diluée dans ces considérations, notent le sage et le secrétaire de la cour. Nanan Elisabeth est conciliante intelligente et femme de paix. Toute chef de village qu'elle est, avec ce que cela implique de contraintes sociales et de sacrifices, Nanan Nogbou Elisabeth n'en remplit pas moins ses devoirs de mère,d'épouse et de femme au foyer.

Sur le chapitre , son époux, M. Nogbou Aka Jules, ne tarit pas d'éloges à l'endroit de son épouse de chef. L'époux du chef n'a pas besoin de passer par une audience pour que Nanan son épouse lui fasse à manger, lui apporte de l'eau ou lui rende un quelconque service que toute femme rendrait naturellement à son époux. Et Nanan, non plus ne s'offusque guère de l'accomplissement de tels services qu'elle trouve naturels chez une femme fut-elle de souverain statut.

Tout aussi pénétré de l'idéal d'une égalité des genres dans les limites naturelles imposées par Dieu, l'époux admet que l'homme marié à une femme chef de village, ministre ou présidente, devrait se mettre au service de sa conjointe.

Comme savent le faire depuis toujours ces dernières. "Quand c'est un homme qui est président, sa femme est toujours à ses côtés l'inverse ne devrait poser aucun problème" argumente-t-il. Mieux, M. Nogbou Jules, tire une légitime fierté d'être aujourd'hui l'époux de la seule femme chef de village dans la région.

Poussant le sens du soutien jusqu'à l'abandon total de sa personne à la cause communautaire, l’ancien transporteur a laissé ses activités pour aider madame à gérer au quotidien le village.

Depuis plus d'un an maintenant, c'est monsieur qui gère les audiences, reçoit les visiteurs quand Nanan est absente. Le couple joue de solidarité pour la gestion, et des affaires de la famille et de celles de la communauté, selon un emploi du temps consensuel.

Ses rapports avec l'administration, Nanan Elisabeth les qualifie de très bons. A la vérité, le préfet, le sous-préfet, le député, le maire, le roi de Bonoua et les autres chefs du département ont beaucoup d'admiration pour la grande femme d'Abrobakro.

Avec conviction mais courtoisie, nous a-t-on confié, elle a toujours su donner son avis au cours des différentes réunions convoquées par les autorités administratives locales et départementales.

Des opinions reçues et traitées sans complaisance si ce n'est à la seule aune de leur propre valeur. Si notre chef bénéficie de beaucoup d'attention et du respect de certaines autorités, elle aussi, voue une grande admiration pour tous ses semblables qui lui apportent de tout temps soutien et encouragements.

Admiration qui semble être réciproque. Au vu des actes d'assistance que  ces derniers lui ont souvent apportés. A ce sujet elle dit leur traduire à la pleine mesure de ses sentiments sa gratitude pour le concours que tous- lui ont apporté dans l'électrification de son village.

Ce qui pourrait expliquer tout logiquement, la présence effective de l’ex  première dame à Abrobakro, lors de la cérémonie de mise sous tension dudit réseau électrique. Avec  d’autres grandes dames d’ici et d’ailleurs, elle dit partager le sens de la lutte pour l'émergence de la femme.

Et ce, par la prise en main de son destin par elle-même. L'âme et l'être tout entier formaté à l'émergence du leadership féminin, la chef pense que cette dernière devrait aller à l'expression de toutes ses potentialités. D'où son appel à ses sœurs du village pour la relance de son projet de production  de manioc et de fabrication du "placali" en vue de sa commercialisation à une échelle industrielle.

De même qu'elle érige en priorité de renforcement de  gestion, l'implication des femmes dans le conseil de direction des affaires du village. La notabilité, le secrétariat ou le pool des conseillers, dans cet élan, pourraient profiter de l'éclairage et des conseils avisés des femmes estime-t-elle.

Soucieuse de marquer positivement son passage à la tête du village d'Abrobakro, Nanan Elisabeth Nogbou veut dans la mesure de ses moyens, consentir les sacrifices que requiert la conduite des hommes et des femmes par une femme. Avec au bout, le succès, pour servir d'exemple.

Si et seulement si, certains obstacles qui freinent cet élan sont levés .Avec, confie-t-elle confiante, "le concours de ceux et celles qui partagent ma conviction". Au premier rang de ces préoccupations, l'obtention d'un véhicule, pour effectuer aisément les nombreux déplacements que lui imposent ses fonctions.

Elle pourrait ainsi, être épargnée du spectacle quasi humiliant de la course après les véhicules de certains invités ou des autorités après les réunions officielles. Qui, précise-t-elle, "se terminent souvent très tard".

Et puis, jusqu'à combien de temps encore, sera-t-elle en mesure de sonner la mobilisation de ses collaborateurs pour des cotisations quasi hebdomadaires levées pour pouvoir honorer ces nombreuses réunions de chefs, s'interroge-t-elle.

Si la chefferie vaut par sa capacité à instaurer la paix dans les villages et à servir de relais entre l'administration et les communautés villageoises, elle ne saurait pour exister, souscrire à la politique l'obole tendue à tout venant.

C'est pourquoi le chef d'Abrobakro en appelle à la bienveillante attention de l'administration centrale dont ils sont les collaborateurs, à aider la chefferie à l'aider .Leur permettant ainsi de penser libre, dire et agir vrai.

 

ARSÈNE KANGA

CORRESPONDANT RÉGIONAL