Jazz: Samy Thiébault fait voyager les mélomanes

Jazz: Samy Thiébault fait voyager les mélomanes

Dans une sorte de warming up, le Directeur délégué de l’Institut français, Zié Coulibaly a présenté le week-end, « Mike Abe band », pour chauffer la salle. Trois amis, Mike à la batterie, Ezekiel à la  basse et Achille Kouassi transfuge lui de l’univers classique au piano se sont fait apprécier de la salle.

Avec juste trois titres dont « Voyages » sur lequel Mike a tenu à ce qu’on admette que la Côte d’Ivoire est un sol fertile pour la batterie tant il a fait songer par le spectacle à Paco Séry ou à Manu katche par sa  sérénité ou encore à lui-même tout simplement.

Pour la reprise de « Spain » de Chic Corea, Achille s’est plu à user des deux claviers le Roland pour les solos de la main droite au moment où l’autre clavier assurait de sa main gauche les accords. Juste après, place à celui pour lequel les 400 mélomanes ont effectué le déplacement.

Et il arrive le plus simplement du monde. Au gré des 7 étapes de sa tournée régionale dans les Instituts français d’Afrique, Samy Thiébault proposera des titres de son sixième album Rebirth, malheureusement indisponible lors de l’étape de son sol natal : la  Côte d’Ivoire. Pour cette première étape, avant le Sénagal et la Mauritanie, le quartet fait son entrée.

Philippe Soirat interroge sa batterie qui a été sollicitée par Mike. Celle qui hurlait, il y a peu, va bien. Adrien Chicot, le pianiste vient avec sa partition et s’installe presqu’en même temps qu’Elysée Côte d’Ivoire dont le djembe qu’il tient à la main, vient à porter  à 3 le nombre de perçu qu’il va  jouer.

Gérard et sa contrebasse impressionnent autant que le pupitre porte partition et en disent long sur la rigueur dont ils vont faire preuve. Ce sont les instruments traditionnels classiques, le boîtier du navire. Quand Samy Thiébault rentre, certains sifflent : il est chez lui et prend les commandes du navire.

On a l’impression de voguer partout dès le deuxième titre pour lequel il troque son sax tenor contre une flute. Il s’en sert pour des mélodies simples et orientales, une invitation vers l’ailleurs, vers une île spirituelle, vers le VIIIe siècle, date de création de Fes, à qui cette musique andalouse « Raqsat Fes » est dédiée.

S’en suit « Amor Bonito » une adaptation d’un titre du musicien vénézuélien Enrique Hidalgo et pour lequel Samy retrouve son sax ténor, pour ensuite nous conduire en perse à l’autre bout du monde, et nous en proposer la moitié avec « Nesfé Johan ».

Le  pianiste jusque-là discret fait montre  de sa sensibilité et laisse courir ses  doigts sur la bête à sons. On s’aperçoit de sa justesse et de  l’important rôle qu’il joue au  sein du groupe. Auteur de deux albums perso co-réalisés avec Sylvain Romano, contrebassiste remplacé sur la scène abidjanaise par Gérard, Adrien Chicot aura été plaisant par son jeu sobre et efficace.

Après ce mouvement septentrional vers le Maroc dont la mère de Samy est originaire, et l’Amérique, le navire accoste à Abidjan avec le titre éponyme. Ça tombe bien et c’est le moment choisi pour convoquer le père d’ « Abidjan groove », Isaac Kemo. Malin sur scène, le sax alto intègre le quartet et par sa transformation de  l’instrument mélodique en un instrument rythmique, il contamine toute  la  scène. Gérard use du pizzicato en pinçant avec les doigts, les cordes qui offre une plus-value à la section rythmique.

Le  titre « Abidjan » de Samy, groove comme le growl de Kemo l’y invite. Les animateurs de service de cette section s’en donnent à cœur joie et en chœur joyeux. Et Philippe et Elyssée, les  batteurs et djembéfola dans des chorus tantôt à l’unisson tantôt individuel affolent la salle qui danse se trémousse tout en restant assise.

C’est  que nourri d’influences diverses, le jazz de Samy Thiébault est relevé sans brûler toutefois les palais auditifs. Il est populaire, charitable mais conserve toute sa minutie, sa diligence et son exigence. Avec un faux air de Bossanova « Chant du très loin » par exemple qui a clos la soirée, le jazz de Samy, aux mélomanes, offre du bien-être, de l’hilarité et une quiétude profonde.

ALEX KIPRE