Ismael Isaac : «Je ne suis pas malheureux»

Ismael Isaac, artiste chanteur de reggae
Ismael Isaac, artiste chanteur de reggae
Ismael Isaac, artiste chanteur de reggae

Ismael Isaac : «Je ne suis pas malheureux»

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Ismael Isaac : «Je ne suis pas malheureux»

Votre nouvel album «Je reste» est sorti 14 ans après «Black system». Pourquoi avez-vous mis un si long temps avant de revenir sur la scène musicale ivoirienne ?

J’ai toujours pris du temps pour sortir un album. Et pour celui-là particulièrement, j’ai voulu que mes fans digèrent bien le précédent «Black System». Je pense que cela a été fait. Le moment était donc pour que je sorte un nouveau produit.

N’est-ce pas plutôt parce que vous étiez en panne d’inspiration ?

Non, je n’ai jamais manqué d’inspiration. J’ai beaucoup de chansons qui n’ont pas été exploitées. Pour ce dernier album qui vient de sortir, j’ai d’ailleurs eu l’embarras du choix au niveau des compositions. Il faut surtout reconnaître que l’album «Black System» qui était de belle facture m’a permis de tourner un peu partout. Mais comme il fallait répondre à l’attente des mélomanes, j’ai sorti mon dernier pour leur faire plaisir et leur dire que je suis encore là. Mais je dois avouer aussi que j’avais voulu abandonner la musique. En pensant aux nombreux fans, j’y ai renoncé. Après 14 ans, il me fallait travailler dur pour sortir un produit potable. Avec les échos qui me parviennent je pense avoir réussi ce premier pari.

Pourquoi vouliez-vous mettre fin à votre carrière ? 

Je suis d’une famille noble. Il n’y a donc pas de chanteur chez nous comme c’est le cas chez les griots. J’ai eu énormément d’ennuis avec mon père qui ne voulait pas me voir faire de la musique. Cette raison a fait que j’avais voulu arrêter la musique. Mais après tout est rentré dans l’ordre. Aujourd’hui, je suis heureux de revenir sur la scène, quatorze ans après, avec un album de belle facture comme le précédent.

 

Des rumeurs faisaient état de ce que vous étiez en froid avec Georges Kouakou, un de vos arrangeurs préférés. Comment avez-vous réglé cette crise pour qu’il intervienne sur ce album ?

Rien que des rumeurs. Je n’ai eu aucun problème avec Georges Kouakou. Au contraire, il a contribué à mon évolution dans ce milieu. A mes débuts, à la Rti, les gens refusaient de me voir. C’est lui qui m’a emmené chez Roger Fulgence Kassy. Il compte beaucoup pour moi. C’est pourquoi à chaque album, je le sollicite. Il y a également Wouri Moctar, un grand arrangeur qui a travaillé sur mon dernier produit. Il était déjà intervenu les albums «Rahaman», «Heidji», «Terroriste», etc.

 

Vous chantez Lampedusa dans le titre «Je reste». Quels souvenirs vous inspire cette enclave italienne où meurent de nombreux aventuriers africains ?

J’ai perdu un de mes proches dans le drame de Lampedusa. J’en ai été très affecté. J’estime que ce n’est pas bien de prendre la pirogue et aller mourir en mer. Cette situation m’a inspiré. C’est une chanson pour dire aux jeunes de ne pas tenter cette aventure. Mais en même temps je lance un appel à nos autorités politiques pour qu’elles réussissent à créer les conditions du mieux-être dans nos pays respectifs.

 

Pensez-vous que cette chanson peut décourager les aventuriers du continent ?

Nous sommes dans la situation d’un père qui donne des conseils à ses enfants. Il y en a qui écoutent et d’autres non. Je suis un messager. Je sais que beaucoup m’écoutent.

 

Pour vous, les dirigeants africains sont-ils responsables de ce qui arrive à la jeunesse ?

L’Africain aime beaucoup voyager. Cependant il y des personnes a qui, même avec des billets d’avion offerts gracieusement, refusent d’aller à l’aventure. Un jeune africain qui s’en sort bien ici n’acceptera pas une telle expédition de voyager. Il est plus facile de s’en sortir ici que là-bas. Il y a trop de charges en Occident. J’ai vécu là-bas. Je sais  de quoi je parle. Contrairement à ce qu’on croit n’est pas le paradis. Aujourd’hui, les choses sont beaucoup plus compliquées qu’auparavant. A l’époque, il y avait des boulots qu’on pouvait faire au noir. Aujourd’hui, sans diplômes, on ne peut rien faire là-bas. Je demande aux jeunes africains de rester pour qu’on puisse construire notre continent. Je pense que mon message sera compris  

 

Vous dites dans une de vos chansons que relation est mieux que diplôme. Que voulez-vous insinuer ?

Je prends l’exemple de deux jeunes qui vont à l’école. Le plus intelligent est l’enfant du pauvre. Celui qui est moins intelligent a son père qui est riche en relations. Du coup, ce dernier arrive à ouvrir des portes à son fils. Seul Dieu va sauver les enfants des pauvres.

Deux semaines après la sortie du produit, avez-vous une idée du niveau de vente ?

Malgré la piratage, nous sommes déjà à plus de 20.000 ventes. Nous avons réussi à relever un grand défi. C’est la première fois qu’on atteint un tel score depuis que la piratage a atteint des proportions inimaginables. Je profite pour dire merci à tous mes fans. Ils empêchent les pirates de vendre mes Cd.

Votre talent est reconnu sur le plan national. Mais qu’est-ce qui fait que vous n’arrivez pas à exploser sur le plan international comme Alpha Blondy, Tiken Jah… ?  

Je tiens à souligner que j’ai été le deuxième artiste ivoirien à signer dans une major en France après Alpha Blondy. J’étais à «Iland record». Malheureusement, j’ai eu un problème d’encadrement. Vous savez, Dieu a un plan pour chacun. Je suis un croyant, j’attends mon heure. Seul Dieu sait ce qu’il me réserve. Je ne suis pas non plus un artiste malheureux. J’ai réussi à construire ma maison avec le fruit de mon travail. Et c’est parce que j’avais des ressources que j’ai pu tenir pendant 14 ans avant de sortir ce dernier album. La musique m’a beaucoup apporté et je m’occupe convenablement de toute ma famille.

Le contrat signé au début des années 1990 avec grande maison de disque n’est pas allé à son terme. Que s’est-il réellement passé ?

En plus du problème d’encadrement que j’avais, la maison de disque avait changé ma musique. Ce qui n’était pas à mon goût. Je crois à un bel avenir. Aujourd’hui, je suis heureux parce que le produit se comporte bien sur le marché. Les mélomanes ne cessent de m’appeler pour me féliciter et me dire qu’ils achètent les Cd originaux. C’est encourageant au moment où la piraterie fait rage.

Avez-vous déjà une idée de vos tournées ?

Non, pas encore. J’ai pris l’habitude de laisser mes fans s’approprier mes chansons avant de commencer à tourner. Quand on sort un album, il ne faut jamais se presser pour faire des concerts.

Il vous est souvent reproché de ne pas respecter vos engagements. Que comptez-vous faire pour redorer votre image sur ce côté ?

Non, j’ai toujours respecté mes engagements. On connaît les artistes qui ne respectent pas leurs engagements dans ce pays. Cela m’est arrivé  seulement une fois dans ma carrière. J’étais malade et je n’ai pas pu respecter mon contrat. Mais j’ai remboursé l’avance que les organisateurs m’avaient remise. Dans le showbiz, il n’y a pas de sentiment.

Au début de votre carrière, vous étiez avec des jumeaux ! les frères Kéïta. Que devient le frère Kéïta qui est en vie ?

Nous sommes toujours en contact. Il suit sa carrière en France. Quand il est de passage à Abidjan, il vient me voir. Quand je suis à Paris, je lui rends visite également.   

Vous étiez en froid avec votre femme. Quelle est votre situation matrimoniale aujourd’hui ?

Je suis père de 4 enfants. Aujourd’hui, je me consacre à mon travail avant toute chose. Je suis le premier célibataire de Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par ISSA T. YEO