Guy Kalou (Acteur, producteur, réalisateur): «‘‘Kamissa’’ est mon engagement contre les grossesses en milieu scolaire»

Guy Kalou (Acteur, producteur, réalisateur): «‘‘Kamissa’’ est mon engagement contre les grossesses en milieu scolaire»

Guy Kalou (Acteur, producteur, réalisateur) : « ‘‘Kamissa’’ est mon engagement contre les grossesses en milieu scolaire »

L’acteur a signé sa première réalisation avec « Kamissa », un film tourné en milieu scolaire pour sensibiliser aux grossesses en milieu scolaire. Avant la présentation qui aura lieu le 30 avril, à 20h, à la salle Lougah François du Palais de la Culture de Treichville, il s’est confié à Fraternité Matin.

Acteur, producteur et aujourd’hui réalisateur. Qu’est-ce qui fait courir Guy Kalou ?

C’est tout simplement le désir d’apprendre. Il y a tellement de métiers dans le cinéma qu’on se sent toujours incomplet chaque fois qu’on atteint une étape. Il me reste maintenant à m’essayer à la scénarisation parce que pour faire un film, il faut partir d’une idée, la transcrire par écrit, ensuite définir une stratégie de production et trouver les moyens de produire et enfin trouver un réalisateur pour mettre en scène ce qui a été écrit.

Votre actualité est la sortie de ‘‘Kamissa’’, votre première réalisation. D’où vous est venue l’idée de ce film ?

En 2013, quand nous avons sorti notre première production ‘’Et si Dieu n’existait pas (1)’’, nous avons été invités à Yamoussoukro pour projeter ce film lors de la 7e session internationale des œuvres pontificales et missionnaires. Nous avons profité de cette occasion pour faire des projections au Lycée Mamie Adjoua. Grande a été notre surprise de voir l’engouement qu’a suscité le film auprès des jeunes filles de l’école. Ensuite, nous sommes arrivés au Lycée Sainte Marie, à Cocody Abidjan. Là encore, l’engouement et le soutien a été total. Une histoire d’amour est donc née entre nous et les jeunes lycéennes. Il nous fallait donc leur renvoyer l’ascenseur. C’est donc ce devoir de reconnaissance qui nous a amené à faire un zoom sur un phénomène qui met en péril leur avenir, notamment les grossesses en milieu scolaire.

Et comment cela s’est-il scénarisé ?

J’ai contacté mon épouse (Valérie Kalou) qui est ma scénariste attitrée afin qu’elle me produise une histoire pour sensibiliser sur le phénomène. Nous avons fait d’énormes recherches sur le sujet et cela s’est d’abord traduit en un roman ‘’Kamissa’’ et ensuite le film qui est donc une adaptation de ce roman écrit par mon épouse. Ce sont ces deux projets que nous allons présenter en grande première, le 30 avril, à 20h, à la salle Lougah François du Palais de Culture de Treichville, en présence de la ministre de l’éducation nationale, kandia Camara, la marraine du film. Ce sera donc une double sortie : Le roman et le film.

De quoi parle Kamissa ?

C’est l’histoire d’une jeune adolescente de 15 ans, née dans une famille bourgeoise, prédestinée à un avenir brillant. Malgré la perte de sa mère, à l’âge de 12 ans, Kamissa qui est en Seconde C, est Tableau d’honneur depuis la classe de Sixième. Son père, Pokou, effondré par le décès de sa femme, se réfugie dans son boulot d’auditeur financier, au point de négliger l’éducation de sa fille. Kamissa s’éduque toute seule. Poussée par la recherche du réconfort paternel, elle finit par commettre l’irréparable. Elle tombe enceinte de son petit ami… Pour la suite, prenons rendez le 30 avril.

Au niveau des acteurs, comment s’est déroulé le casting ?

L’originalité de Kamissa se situe aussi à ce niveau. Il était important pour nous de faire camper des rôles important par des amateurs. Il fallait surtout avoir des adolescents qui parlent naturellement de leur problème. La raison première de cette démarche est que je suis moi-même directeur général d’une école de cinéma et la première promotion attendait depuis 2015 de faire ses premières armes dans un film. Quoi donc de plus normal que cela se fasse dans ma production que je réalise. Nous avons donc fait un casting à l’école que nous avons ouvert à l’extérieur parce que nous savions que nous n’allions pas trouver tous les profiles recherchés avec nos étudiantes. Le casting est donc un cocktail entre des tout-nouveaux et des anciens comme moi-même, Franck Vleï, Laurette Koffi, Evelyne Aiby, le doyen Bienvenue Néba, Désiré Begro, Joséphine Tagro pour ne citer que ceux-là.

Quels sont les tableaux que présente le scénario ?

Kamissa pose les problèmes sur différents tableaux, notamment les questions de l’insouciance de l’adolescence, la démission parentale, l’irresponsabilité au niveau de l’encadrement du système éducatif et l’ignorance de leur sexualité par les adolescents. Il faut éduquer sexuellement nos enfants. Mais cette éducation part de la maison. Or, les parents pensent que l’école est seul responsable du combat. Pourtant, ce n’est pas à l’école que les filles tombent enceinte. Des chiffres de 2014-2015 montrent que sur 100% des cas, il y a seulement 4% d’auteur de grossesse dans le système éducatif. Les 96% sont donc à l’extérieur. La société entière doit s’engager dans le combat pour préserver l’avenir des jeunes filles. Ce lundi 30 avril, il s’agit, pour nous, de demander aux Ivoiriens de venir non pas pour regarder un film, mais, s’engager à nos côtés pour la lutte de la refonte des relations entre les parents et leurs filles. Il s’agit aussi de briser le tabou du sujet de la sexualité en famille. C’est à cela que Kamissa nous invite tous.

Avez-vous la caution du ministère de l’éducation nationale pour ce film ?  

Je voudrais, avant tout, rendre un hommage à madame la ministre de l’Education Nationale, Kandia Camara qui, depuis 2014, a pris sur elle, le combat avec l’opération ‘’Zéro Grossesse en milieu scolaire’’. Nous venons donc en appoint à cette belle initiative. Pour écrire le film, nous avons pris attache avec les services du ministère pour enrichir nos recherches documentaires afin d’être très proche de la réalité. La tutelle nous a donné son onction et nous apporte tout le soutien institutionnel dont nous avons besoin. D’ailleurs, la ministre Kandia Camara, est la marraine de la caravane ‘’Kamissa Tour’’ que nous allons lancer bientôt. Et le film est aussi sous son parrainage

Quel sera le contenu de cette caravane ?

Nous allons créer une plateforme pour permettre aux populations de comprendre le phénomène afin de mieux s’armer pour la lutte contre ce phénomène. On aura une foire d’exposition avec toutes les structures qui interviennent dans la sensibilisation sur les questions de l’éducation sexuelle. Elles vont animer des rencontres d’échanges et de sensibilisation. Ensuite, il y aura le volet dédicace du roman et projection du film suivis de débats.

Pensez-vous que le cinéma ivoirien puisse se poser comme un puissant moyen de sensibilisation sur des problèmes sociaux quand on sait qu’il n’existe pratiquement pas de salles pour les projections et que tout est à refaire au niveau de l’industrie du cinéma

Vue sous cet angle, votre question trouve tout son sens. Mais moi, je pense que les cinéastes ivoiriens doivent beaucoup plus se consacrer aux films qui sensibilisent sur les problèmes de la société. Il faut aller vers des thématiques qui intéressent les gens afin de combler les insuffisances de l’industrie. Pour moi, le Babiwood doit être un cinéma qui participe nécessairement de l’épanouissement psycho-social des masses et de la jeunesse en particulier. C’est l’engagement que nous avons pris depuis que nous faisons des productions. Et mes deux premières productions ‘’et si dieu n’existait pas (1 et 2) illustrent bien cet engagement. Avec Kamissa, nous touchons à l’éducation de la jeunesse qui est l’avenir de notre nation. Beaucoup de parents ont démissionné. Alors, si notre cinéma peut être un plus dans cette éducation, cela le placerait à un niveau utilitaire et non seulement distractif.

L’Etat accompagne-t-il suffisamment le cinéma ivoirien sur cette vision qui est d’utilité public ?

Pour moi, l’Etat crée le cadre juridique, fiscal et sécuritaire qui me permet de mener dans de bonnes conditions mes activités. Je n’attends pas de l’Etat qu’il m’apporte un soutien avant de démarrer mon activité. Je me donne les moyens de commencer. Maintenant, quand j’ai réuni une bonne partie des fonds, je me dirige vers les structures étatiques qui disposent de fonds en vue d’un éventuel soutien. J’insiste sur cette démarche parce que je souhaiterais que les jeunes qui viennent dans le cinéma ne se disent pas que parce qu’il y a un fonds, donc je me lance dans le métier. L’Etat oui, mais moi-même d’abord. Toutefois, il faut reconnaître que le soutien de l’Etat, même s’il a beaucoup évolué aujourd’hui, doit être davantage renforcé. Car, le Fonds de soutien à l’industrie du cinéma (Fsic) reste faible. Ensuite, dans sa gestion, je souhaiterais qu’on se fixe aussi pour objectif la création de salles. Cela ne sert à rien de financer les productions s’il n’y a pas de salles pour les projeter. Si chaque année, on construit deux salles, au bout de cinq ans, ça fait dix. Une fois qu’on aura des salles, les mécènes viendront investir dans le cinéma parce qu’il existe des lieux pour rentabiliser leur investissement. Mais déjà, l’Etat fait ce qu’il peut et quand on a un bon projet, on peut bénéficier d’un financement. D’ailleurs, pour Kamissa, nous avons bénéficié de ce fonds, même si nous aurions voulu un peu plus.

Le Babiwood, dont on parle depuis quelque temps, est-il aujourd’hui, une réalité à l’instar du Nollywood nigérian ?

L’idée que j’avais en lançant ce concept en fin 2012, était de donner une identité propre au cinéma ivoirien. Ensuite, il fallait créer une industrie cinématographique par la mise en place de mécanismes d’autofinancement de nos productions parce qu’on aurait créé, dans les régions, un vivier consommateurs comme au Nigéria. En clair, il est question pour moi qu’une team Babiwood puisse se développer dans chaque région, faire des films et que les populations accourent parce que les films parlent de leur réalité. Que les centres culturels ou les salles que disposent les municipalités soient équipées pour les projections. Un autre objectif était de professionnaliser le métier d’acteur afin que celui-ci puisse être respecté et vivre véritablement de son art, à l’instar de ceux qu’on connait ailleurs. Aujourd’hui, nous n’en sommes pas encore là. Mais nous ne nous décourageons pas. Déjà, Babiwood se définit comme le cinéma ivoirien ; maintenant, il faut aller au-delà et travailler pour amener les populations à consommer davantage nos productions afin de générer de la ressource pour produire nos films sans tendre la main.

INTERVIEW REALISEE PAR SERGES N’GUESSANT