Cinéma : Un Ivoirien invité au Festival de Cannes !

Alain Philippe Lacôte : «J’aime la complexité, les récits déstructurés, les personnages avec des failles, les chocs entre images et sons».
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Cinéma : Un Ivoirien invité au Festival de Cannes !

Il s’appelle Alain Philippe Lacôte, il est réalisateur ivoirien et son dernier projet cinématographique, Run, avait été sélectionné par l’Atelier Cinéfondation au 65e Festival de Cannes l’année dernière. Puis a reçu dans la foulée le premier prix du scénario à Jérusalem. Aujourd’hui, ce projet est en voie de réalisation. Le film se tournera dans les mois de juillet et d’août à Abidjan avec la participation de l’acteur Isaach de Bankolé. Cerise sur le gâteau, la chaîne Arté s’engage comme coproducteur et diffuseur.

 «Cette année en revanche», annonce-t-il, «je me rends à la 66e édition du Festival de Cannes- à l’invitation des organisateurs- avec la société de développement de projets «Initiative films». Pour lancer une collection de 7 longs métrages qui viennent de toute l’Afrique mais également du Brésil et des USA. Des films pour lesquels nous sommes à la recherche de réalisateurs et de soutiens financiers de fondations internationales, éventuellement. La sélection des films qui bénéficieront d’appuis va être officiellement lancée au cours de  ce 66e Festival de Cannes ; voilà la raison de ma présence sur la Croisette», a affirmé le cinéaste ivoirien dont la carrière mérite sans aucun doute, le respect.

Un cinéaste libre

Philippe Lacôte, cinéphile et cinéaste, tient des propos que l’on aimerait voir associés à tous ceux qui tentent inlassablement de graver leurs intentions sur la pellicule : « Il y a beaucoup de réalisateurs que j’aime. C’est difficile d’en citer un seul. Je peux aimer un cinéaste pour un plan ou pour une phrase. J’aime notamment l’Américain John Cassavettes pour la manière dont ses personnages entrent dans le champ. Ils semblent poussés vers le vertige. Mais le réalisateur qui m’a le plus marqué ces dernières années par ses films et ses écrits, c’est le Russe Andréï Tarkovski ».

Le réalisateur ivoirien de la diaspora affirme, par ailleurs, sa liberté de ton : « En filmant, je ne cherche pas à ressembler à tel ou tel cinéaste, je cherche ma propre écriture. Tout ce que je peux dire, c’est que je ne suis pas un classique. J’aime la complexité, les récits déstructurés, les personnages avec des failles, les chocs entre images et sons», avoue-t-il. Interrogé sur son récent séjour en Egypte à la demande du Festival DCaf qui est un festival d’arts (théâtre, musique) et de cinéma, Philippe s’empresse de répondre : «Les Egyptiens m’ont demandé de venir leur présenter trois films de jeunes réalisateurs d’Afrique de l’ouest et de faire une intervention sur le cinéma africain aujourd’hui. C’était une vraie opportunité d’échanger avec le public égyptien autour de ces questions ; je dois le reconnaître. Bien sûr, ce n’est pas un état des lieux du cinéma africain, mais  juste ma vision des choses que je suis allé partager.

Revenant sur  Run, son prochain film, Lacôte affirme que c’est un projet ambitieux qui s’inscrit dans une envie délibérée de profiter pleinement des possibilités infinies du cinéma. «C’est l’histoire d’un jeune homme dont la vie est construite autour de trois courses. A travers sa trajectoire emblématique, je raconte les 20 dernières années de l’histoire tourmentée de la Côte d’Ivoire». Impossible d’en dire davantage pour le moment, «secret de scénario» oblige.

De la radio au cinéma

D’où vient Philippe Lacôte ? 

« Je ne viens pas d’une école de cinéma », avoue-t-il. «J’ai grandi à Marcory, mes parents habitaient non loin du cinéma Magic. Le cinéma est donc une envie que j’ai toujours eue. Déjà à Abidjan à travers les films d’arts martiaux que nous regardions tous lorsque nous étions gamins. Puis, j’ai fait mes études à Cocody notamment au Lycée classique avant de partir pour l’Europe. Je me suis retrouvé quelques années après, reporter radio au pied du mur de Berlin pour une radio libre. Par la suite, le cinéma est devenu une évidence. J’ai été projectionniste, assistant de production, tout en réalisant mes premiers courts métrages. Depuis 2002, je filme seul, d’une manière plus documentaire. Je reviens d’ailleurs d’Egypte, où j’ai fait un état des lieux de la révolution de la Place Tahrir. Pour moi, la fiction et le documentaire sont deux tempos d’un même mouvement. Intérieur et Extérieur. »

Après une fiction intitulée «Le Passeur» et un documentaire «Chroniques de guerre en Côte d’Ivoire», Philippe Lacôte  a renoué avec une envie militante et politique. «L’idée est de comprendre le monde dans lequel on évolue ou l’on régresse, à travers le prisme du cinéma. Cet art peut-il se rendre encore utile dans la captation de l’histoire en mouvement ? A-t-il encore la force et le langage nécessaires pour attraper au vol le regard d’un cinéaste ?» Avec «Run», ce sera- sans doute- un carnet de bord qui permettra sûrement et posément à cet Ivoirien de la diaspora de percevoir sa place d’artiste au sein d’un pays tourmenté. Aujourd’hui, Alain Philippe Lacôte est producteur au sein de la société Banshee Films à Paris et Wassakara Productions à Abidjan. Et ambitionne de porter le cinéma ivoirien dans les manifestations internationales de cinéma à travers le monde, avec des réalisateurs comme Isabelle Boni Claverie, Owell Brown et Jacques Tra Bi. 

Momo Louis

Correspondant permanent  à Paris