Artistes, jeunes filles: Elles choquent pour plaire

Artistes, jeunes filles: Elles choquent pour plaire

Les artistes, les filles d’Abidjan, anonymes ou stars du showbiz prétendent être à la mode. Et pourtant, elles sont presque nues dans les rues, à la télévision et autres points chauds d’Abidjan.

Effet de mode, manque de pudeur, perversion ? Telles sont les questions que se pose l’opinion, à la vue des tenues vestimentaires de nos artistes chanteuses et jeunes filles dans les rues, sur les réseaux sociaux et même à la télévision.

Habillées dans des accoutrements aux antipodes de la décence, elles offrent, au plaisir ou au dégoût, c’est selon, des regards, les parties intimes de leur corps. Comprendre leurs motivations profondes commande une vraie incursion dans un univers dont elles seules ont les codes.

La modernité, l’émancipation, la mode, les influences occidentales sont des arguments mis en avant pour expliquer cette façon d’être, de se faire voir, de se mettre en valeur, selon leur entendement. Pourquoi donc cette grande obsession des tenues vestimentaires qui dénudent plus qu’elles habillent ?

Quand les chanteuses font la promotion de la nudité

L’artiste doit être un modèle pour la jeunesse. A ce titre, il se doit de véhiculer un message empreint de sagesse qui concourt à favoriser la bonne éducation des masses. Il se doit également de présenter une image décente et agréable.

Aujourd’hui malheureusement, le constat est que la plupart des artistes de la nouvelle génération ont un style vestimentaire dénué de toute élégance. Surtout, les chanteuses qui se réclament du mouvement Coupé-décalé. Non seulement les textes de leurs chansons sont légers, pire, elles arborent des accoutrements à la limite même de la décence.

Des textes grossiers ou vides de tout sens, soutenus par une musique bruyante, avec en prime, des coiffures extravagantes, des tenues hyper sexy qui dévoilent outrageusement leur intimité. Voici le modèle artistique qu’elles proposent. La  nudité, le sexe, la vulgarité sont les ‘’valeurs’’ qu’elles offrent au public. « Un artiste doit créer, faire preuve d’originalité. Moi, mon style, c’est ‘’choquer pour plaire’’. Si les filles apprécient cela et font comme moi, alors, c’est que mon concept est bon. Mon style est loin d’être vulgaire. C’est tout simplement chic, choc et sexy », explique l’artiste Shayna Bobaraba, au sortir d’un concert coupé-décalé au Palais de la Culture Bernard Dadié de Treichville.

Sa consœur, Vitale, rencontrée sur le même site, ne dit pas le contraire. La ‘’Beyonce d’Afrique’’ comme elle se fait appeler, n’a rien à envier aux stars hollywoodiennes. Et quand il s’agit de ‘’choquer pour plaire’’, elle s’y connaît. Mèches blanches, piercing, tatouage, tenues très sexy. « Quand ce sont les stars américaines qui s’habillent ainsi, ça ne choque personne. On dit que ce sont des stars. Eh bien, nous aussi, nous sommes des stars. En plus de la chanson, je mets en avant mes atouts physiques pour séduire le public », a-t-elle confessé.

Claire Bahi, Bamba Amy Sarah, Sandia Chouchou, Annick Choco, les stars féminines du moment ne sont pas loin des arguments développés par celles qui les ont précédées. Elles pensent qu’une carrière artistique a ses exigences. Pour elles, on peut avoir un talent incontestable, mais il faut qu’il soit accompagné d’accessoires comme la chorégraphie, l’encadrement et surtout la tenue de scène. Elles aussi donc, pour capter l’attention des mélomanes, ont choisi de ‘’choquer pour plaire’’.

Lady Glamour, désormais Lady Lunik, est la pionnière de ‘’l’érotisme musical’’ en Côte d’Ivoire. C’est elle qui, sous l’appellation de Tina Spencer, dans les années 1990, a lancé ce concept. Pour elle, ce style participe à la mise en valeur de la chorégraphie scénique.

Cependant, dit-elle, « Il ne faut pas confondre la scène et la vie de tous les jours. Nous sommes des modèles et par conséquent, nous dévons faire attention à ce que nous présentons comme styles vestimentaires. Quand je faisais mes ‘’show-cage privés’’, je me laissais aller avec des tenues très sexy. Mais ça, c’est le spectacle, loin des regards innocents (rire). Quand je dois passer à la télé ou me produire sur une scène ouverte au grand public, je porte des tenues qui ne sont pas susceptibles de choquer. C’est pour vous dire que le style vestimentaire dépend des circonstances et du cadre dans lequel l’artiste doit se produire », clarifie-t-elle.

Sékongo Aboubakar, Pdg de ‘’Gmp communication’’, une structure de communication, d’évènementiel et d’édition, lui, a son avis. Pour lui, ces chanteuses mettent en avant leurs atouts physiques pour cacher leur carence musicale.

« A l’époque, on avait de très grandes chanteuses qui avaient fait leurs armes dans des orchestres ou même des chorales. Elles faisaient de la vraie et bonne musique. Elles mettaient un accent particulier sur le chant. Aujourd’hui, les bonnes chanteuses se font rares. La nouvelle génération est venue sur la scène musicale sans grande préparation. Pour combler cette insuffisance, elles mettent en avant leurs atouts physiques. Et comme le Coupé-décalé actuel fait plus de place au rythme qu’à tout autre chose, alors, elles suivent la vague. Mais pour combien de temps la beauté sera leur arme ? Il arriva forcément un moment où elles seront jugées sur leur propre valeur intrinsèque. C’est pourquoi, pendant qu’elles jouissent de cette notoriété, elles gagneraient à travailler pour devenir de vraies artistes chanteuses. Car, la mode, ça passe tôt ou tard », a-t-il confié.

L’on dira certainement qu’elle est révolue la belle époque où les artistes chanteuses, non seulement séduisaient par le chant mais aussi par un style vestimentaire irréprochable. Mais, la modernité ne signifie pas non plus sortir de la décence. La nouvelle génération, dont l’attitude influence la vie des mélomanes et même de la société entière, se doit de se vêtir de façon correcte.

En tant que modèles de la société, les chanteuses doivent montrer le bon exemple. Car, leur vraie valeur, c’est d’abord leurs talents artistiques et non leurs atouts physiques. En attendant cette prise de conscience, ce style vestimentaire qui dénude plus que n’habille, a dépassé les frontières artistiques pour faire des émules dans la population jeune. Dans les rues d’Abidjan et tous les points chauds, les jeunes filles ne s’habillent plus.

Le nu s’impose également dans la rue

Comme si elles s’étaient passé le mot, Larissa, Cécile, Fatou, Miss Koné, Bintou, Edwig que nous avons rencontrées au hasard d’une rue à Cocody, Riviera 2, Angré et aux Deux-Plateaux, étaient en mode petites culottes.

Cet après-midi de samedi ensoleillé, après les fortes pluies qui ont paralysé le tout Abidjan, en cette première semaine du mois d’octobre 2017, était le prétexte tout trouvé. « Aujourd’hui, il fait chaud. J’ai donc décidé de m’habiller en relaxe. Et puis, ça fait cool, sexy et ça met en valeur mes jambes ». Voici résumées leurs motivations pour justifier leurs petites culottes extra-courtes.

Si l’argument de la chaleur évoqué peut être acceptable, il n’en demeure pas moins que l’expression visuelle, qui transparaît de ces tenues vestimentaires, est très révélatrice de nudité. Ces culottes qu’elles portent sont non seulement extra courtes mais, elles sont conçues en modèle taille basse, assorties de petits hauts moulants à petite, mince ou sans manche, qui cachent difficilement les bras, le ventre, les hanches, les tatouages, les piercings, les chaînes aux hanches et autres bouts de fesses ou entre-fesses.

Regarder une fille s’asseoir aujourd’hui, dans certains endroits, est un moment de mise à nue de l’anatomie intime. « Ce sont les risques quand on s’habille très sexy. On fait avec et on assume. Les gens parlent, mais en réalité, ils aiment bien se rincer les yeux quand la situation se présente », rigole Anna, secrétaire de direction dans une entreprise, que nous avons rencontrée dans un café au Plateau.

Son pantalon Jean, très moulant, modèle taille basse, contenait difficilement les perles (baya) qu’elle portait aux hanches. Eliane, chargée de communication d’une structure d’évènementiel, une autre dame rencontrée dans ce même café, elle, est allée plus loin dans son analyse.

« Je savais bien qu’en portant cette robe moulante et courte je dévoilerais mes cuisses. Je comprends mal d’ailleurs ces filles qui passent leur temps à tirer vers le bas leur robe pour couvrir leurs cuisses. La vie c’est un choix et moi, j’assume mon style vestimentaire. C’est pourquoi, il faut savoir choisir sa tenue en fonction du lieu  dans lequel on se rend », a-t-elle confié. Avant, toutefois, d’inviter les jeunes filles à plus de pudeur dans le choix de leurs styles vestimentaires, car conclura-t-elle: « On peut s’habiller sexy sans toutefois donner dans la vulgarité ».

Mode, modernité ou dévergondage ?

‘’Chérie regarde mon dos’’, pantalons, culotte et jupe taille basse, tatouage intime furtivement dévoilé, ventre dehors, mini-jupes et mini robes parfois même fendues, petites culottes ultra-courtes, pantalons, collants et body moulants, décolletés, toges et hauts sautés transparents. Bref, la collection sexy est loin d’être exhaustive.

Les filles d’Abidjan choquent, provoquent, aguichent et perturbent les regards. Leur objectif principal : charmer, se mettre en valeur, séduire, s’affirmer, attirer les regards. Et ce n’est pas Prisca, étudiante en année de maîtrise de droit à l’Université FHB d’Abidjan qui nous dira le contraire.

Dans l’atmosphère endiablée d’une boîte de nuit célèbre de la rue Princesse, à Yopougon, elle a confié : « Aujourd’hui, il faut être de son époque, être à la mode. S’habiller sexy, c’est la tendance. Quand toi-même tu me regardes-là, ça te plaît non ? », lâche-t-elle avec un large sourire.

En effet, Prisca arborait une tenue assez légère. Une petite robe courte et transparente qui laissait entrevoir en filigrane son soutien-gorge et le minuscule string qu’elle portait. Sur la piste de danse, les jeux de lumières qui illuminent son corps, associés à ses déhanchements, elle était un régal visuel, à la fois sexy et choquant.

Sa copine Cyndy, elle aussi étudiante en Master communication et ressources humaines, dans une grande école, partageait avec nous le salon que nous avions occupé dans la boîte de nuit. Elle également était dans la ‘’tendance’’ : jupette ultra-courte et body largement décolletés qui mettaient en valeur ses gros seins. Assise en face de nous, Cyndy avait croisé les jambes dans une posture qui transportait le regard jusqu’à la lisière des fesses.

Pour elle, « Il n’y a pas de mal à mettre en valeur ses atouts physiques. J’ai porté cette jupe et ce body pour mettre en valeur mes seins et mes belles jambes. Et là, je sens que je fais effet sur les hommes. Tu vois comme on nous regarde ? », a-t-elle révélé, avant de rejoindre Prisca sur la piste de danse. Sans omettre de m’inviter, afin que je corrobore ses dires.

Depuis la piste de danse, alors que je sortais mes phases de grand danseur, pour la motiver à ‘’se mettre en valeur’’, j’ai pu jeter un regard panoramique dans la boîte. Les hommes dévoraient Prisca et Cyndy du regard. J’ai moi aussi pu constater que toutes les filles, chacune, dans son style, arboraient des tenues sexy pour, sans doute, exprimer leur ‘’personnalité’’ et ‘’se mettre en valeur’’ elles aussi.

Les hommes religieux ne cessent de tirer la sonnette d’alarme depuis quelques années sur ces tenues vestimentaires qui choquent le regard. Pour joindre l’acte à la parole, ils ont commencé par nettoyer leurs maisons. Les tenues indécentes sont interdites dans les lieux de culte. Cette détermination qu’ils affichent devrait interpeller les autorités ivoiriennes, les parents, en premier plan, car, ils constituent le socle de l’éducation des enfants.

SERGES N’GUESSANT