Myss Belmonde Dogo : « Les femmes constituent une réelle force de production »

Myss Belmonde Dogo, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, chargée de l’Autonomisation des Femmes.
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Myss Belmonde Dogo : « Les femmes constituent une réelle force de production »

Vous avez été nommée, le 4 septembre 2019, secrétaire d’Etat chargée de l’Autonomisation des femmes. Quel constat faites-vous de la situation de la femme, après deux mois de fonction ?

Nous exprimons toute notre gratitude à Son Excellence le Président de la République Alassane OUATTARA pour la confiance placée en notre humble personne pour le poste de Secrétaire d’Etat. En deux mois de fonction, nous sommes allées à la rencontre des femmes afin de nous imprégner de leur quotidien.  Nous avons noté avec satisfaction que ces femmes ont pleinement conscience de leur rôle majeur dans la chaîne de développement. Les Ivoiriennes constituent une réelle force de production, nous pouvons l’affirmer avec fierté. Il nous revient donc en tant que secrétaire d’Etat chargée de l’autonomisation des femmes, d’encadrer cette force, de la former et de trouver des mécanismes qui permettent l’éclosion de ce potentiel que nous estimons sous-exploité. Ce qui nous a été donné de voir à Mondoukou dans la commune de Grand-Bassam, avec les femmes qui produisent le charbon à partir de la noix de coco, ou encore à Korhogo avec les apicultrices et les actrices de la filière karité, et bien plus ailleurs, achève de nous convaincre de l’existence d’un véritable génie féminin.

Vous organisez, le 14 novembre à Zoukougbeu, une journée de la femme rurale. Que vaut encore cette journée pour la femme ivoirienne dans une société où l'homme continue d'être au centre de toutes les décisions ?

Il faut déjà noter que la Journée de la femme rurale est une institution des Nations unies. Elle doit être célébrée chaque année le 15 octobre. Mais pour des raisons de calendrier, elle a été différée en Côte d’Ivoire au 14 novembre. Pour nous, c’est l’occasion de rendre hommage à cette armée silencieuse, mais vaillante de femmes qui assurent entre 60 et 80% de la production agricole des pays en voie de développement. Si en Côte d’Ivoire on estime que le succès du pays repose sur l’agriculture, on peut alors affirmer sans risque de se tromper que ce succès repose sur les femmes. Le gouvernement dirigé par le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly l’a si bien compris, qu’il a entrepris de donner à la femme toute sa place dans l’œuvre de développement du pays. Et l’un des actes forts est bien évidemment la création d’un secrétariat d’Etat chargé de l’autonomisation des femmes, en plus d’un ministère dédié. A noter aussi que dans le cadre du Programme social du gouvernement, la composante femme se retrouve dans la quasi-totalité des chapitres. C’est dire que la place de la femme dans toutes les politiques est indéniable. Il y a une réelle prise de conscience tant au niveau institutionnel qu’au niveau des femmes elles-mêmes qui refusent désormais les seconds rôles.

"Investir dans les compétences pour accélérer l'autonomisation de la femme rurale". Pourquoi le choix de ce thème ?

Ce thème répond à la volonté du Gouvernement d’améliorer dans un délai assez raisonnable les conditions de vie et de travail de ces femmes qui représentent tout de même une part importante de la population et une main-d’œuvre de premier choix.  Les besoins ont été clairement identifiés. Il va s’agir, entre autres actions, de moderniser les moyens de production pour réduire la pénibilité du travail et faire face au changement climatique, de faciliter le transport des produits agricoles des champs vers les marchés, de multiplier les débouchés. Il va s’agir surtout de se tourner vers la transformation pour capter l’essentiel des ressources de l’activité agricole.

Comment va se dérouler concrètement cette journée de célébration des femmes rurales à Zoukougbeu?

La célébration commence le mardi 12 novembre par une campagne de sensibilisation aux droits de la femme. Nous estimons qu’il est nécessaire pour ces femmes qui vivent dans les campagnes et n’ont pas forcément accès à ces informations, ou qui ne les comprennent pas d’être outillées sur les questions de droits. Nous mettrons l’accent sur des aspects tels que la propriété foncière, pour faire comprendre aux femmes, souvent lésées, qu’elles ont aussi droit à la terre. Nous prévoyons également des rencontres d’échanges avec des groupements de femmes avant la célébration officielle. Au cours de laquelle une exposition du savoir-faire local féminin est prévue, avec également une visite à une coopérative de femmes.

Malgré les nombreux efforts du Gouvernement, les femmes sont les plus touchées par l’analphabétisme, avec un taux avoisinant les 80%. Elles sont encore tributaires d’un faible taux de prévalence estimé à 12,28% pour la contraception, quand le taux national est de 15,15%. Que vous inspirent ces chiffres ?

Je suis convaincue qu’en Côte d’Ivoire, les chiffres se sont améliorés, quoique beaucoup reste à faire. La politique de l’école pour tous et la gratuité du cycle primaire contribuent à résorber la question du taux de petites filles non scolarisées.  Nous félicitons d’ailleurs la ministre Kandia Camara pour tous ses efforts. Cela ne saurait cependant être la panacée, nous en convenons. Il faut une réelle implication des populations elles-mêmes, et un véritable changement de mentalité sur ces questions liées à la femme. Certains parents restent convaincus de la transmission intergénérationnelle de l’analphabétisme. Le fait que les parents n’aient pas fait des études ne devrait pas condamner les enfants au même sort. Malheureusement, ce sont les petites filles qui payent le plus lourd tribut. Pour le gouvernement, aucune raison, fût-elle d’ordre culturel, économique ou social, ne justifie que les filles ou les femmes se voient refuser l’accès à l’éducation. C’est un droit fondamental et une condition sine qua none pour atteindre les objectifs de développement durable. Le manque d’éducation et de formation constitue, à notre avis, la racine de tous les maux.

Quelles sont vos stratégies pour améliorer le quotidien des femmes ivoiriennes d’ici à 2020 et peut-être même au-delà ?

Beaucoup a déjà été fait, et là vous me donnez l’occasion de rendre hommage à la Première dame Dominique Ouattara qui, grâce au Fafci (ndlr, Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire), a permis à au moins 200 mille femmes de se lancer dans des activités génératrices de revenus. A côté de cela, d’autres initiatives émanant du gouvernement apportent des solutions à cette problématique. Je veux citer le Fonds de l’entrepreneuriat féminin au ministère de la Promotion des Pme et le projet de gestion novatrice du Fonds national femme piloté par le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant. Nous nous inscrivons dans cette vision, et pour apporter notre pierre à l’édifice, dès notre prise de fonction, nous avons opté pour la proximité. Cela nous permet de nous imprégner véritablement du vécu des femmes, d’échanger avec elles afin d’identifier clairement leurs difficultés et partant, leurs besoins. Il faut nécessairement faire passer les activités économiques des femmes, du niveau de subsistance au niveau d’économie solide. Cela passe par une meilleure organisation de ces femmes et de leurs activités, et c’est bien cela la vision du gouvernement. Pour nous, la femme est le grenier du pays. Elle doit devenir le levier du développement. L’accession des femmes à une participation pleine et entière au devenir de notre société, à la vie civique, sociale, politique et économique constitue une priorité. Quant à la femme rurale, elle ne saurait jouer son rôle de maillon de la chaîne de production qu’en se tournant vers la modernisation de son activité, puis vers la transformation.

Interview réalisée par
Marc Yevou