Institut français /Elisa Villebrun: « Yamay est à la fois reflet de la vie et monde imaginaire »

Institut français /Elisa Villebrun: « Yamay est à la fois reflet de la vie et monde imaginaire »

 

Comment êtes-vous arrivée à la littérature jeunesse ?

Disons que je suis venue à l’écriture par l’histoire ! C’était à une période où je n’avais plus de livre à lire. Alors je me suis mise à observer la vie des gens autour de moi. Mais en même temps, je me suis souvenue que ma mère me disait quand j’étais petite, qu’il ne fallait pas dévisager les gens. J’habitais encore à Paris, et dans le métro j’ai commencé à observer la vie des gens autour de moi. Mais je le faisais surtout à travers les vitres du métro. C’est ainsi que m’est venue l’inspiration avec laquelle j’ai écrit Yamay. Pour éviter donc de regarder les gens et de les dévisager, je faisais beaucoup plus attention à leurs reflets dans les vitres du métro et je me suis dit, est-ce qu’en fait, il n’y aurait-il pas d’autres gens derrière ces reflets ? Est-ce que les personnages des reflets n’étaient pas, dans la journée, prisonniers de notre image et que la nuit, c’est nous qui étions leurs prisonniers via nos rêves qu’on ne maîtrise pas. A partir de là, j’ai commencé à imaginer tout le monde de Yamay et tout ce qu’il y avait autour des personnages de Nathan et d’Anna qui, à la fois, se complétaient et s’opposaient. Et tout est parti de là pour la saga Yamay.

Doit-on comprendre que vous entraînez le jeune lecteur dans un monde parallèle ?

Effectivement, on est complètement dans un monde parallèle. Yamay est à la fois miroir de notre vie et monde imaginaire. Du coup, dans tous les livres de la série Yamay, il y a toujours un chapitre dans la réalité, un chapitre qui se passe toujours les nuits dans le monde imaginaire de Yamay. En ce moment-là, on est complètement dans un monde parallèle qui se trouve derrière les miroirs, derrière les vitres. C’est un monde qui est à la fois miroir du monde réel et en même temps différent et complètement imaginaire. Dans le monde de Yamay, on ne fabrique pas de choses, on réalise par exemple des imagamis. Les imagamis, c’est par quelque chose que l’on fabrique avec son imagination. Par exemple il y a des animaux imaginaires qu’on appelle des scroteurs qui sont des sortes de petites boules de poils qui peuvent être méchantes ou pas. J’ai aussi imaginé beaucoup de figures mythologiques, à partir de ce qu’on avait dans la vraie vie. C’est l’exemple avec les moires qui sont, dans la mythologie grecque, trois femmes qui filent le destin des hommes. J’ai imaginé le pendant de ces moires dans le monde de Yamay et qui sont devenues des seriom. C’est pour cela que dans mes livres, je joue beaucoup avec les mots. Quand vous lisez moires à l’envers, vous avez le mot seriom. C’est un peu comme si on lisait moires dans un miroir. Dans Yamay, les seriom sont aussi trois femmes qui filent le destin des hommes et des femmes. C’est comme si les deux mondes étaient perpétuellement liés et l’un répondait à l’autre. Comme si toute la mythologie qu’on a dans le monde réel provenait en fait de réalités qui avaient leur essence dans Yamay.

Vous dites écrire pour la jeunesse de 8 à 88 ans. A quoi cela renvoie-t-il ?

Le fait que ces deux mondes s’opposent et se réunissent en même temps traduisent, pour moi, la lutte du bien contre  le mal. Quelque part, le bien se définit souvent par rapport au mal. Du coup, il faut être courageux parce que d’autres vont être lâches. C’est pour cela que je définis mon livre comme un roman qui parle aux enfants de 8 à 88 ans ! Car quelque part on a toujours en nous une âme d’enfant. En lisant Yamay, je m’adresse aux enfants mais en même temps aussi, aux adolescents qu’on a en nous et toutes les premières fois qu’on a connu. Il y a par ailleurs des thèmes universels comme le sacrifice, l’honneur, le don de soi, l’amour impossible. Ce sont des thèmes qui touchent aussi bien les enfants que les adultes qui prennent aussi plaisir à tomber dans ce monde imaginaire.

Quelles sont les grandes lignes du rendez-vous à l’Institut français de Côte d’Ivoire qui vous reçoit le 23 novembre, à l’occasion de la présentation officielle du tome trois de votre série Yamay?

L’Institut français accueillera un temps d’échange avec les enfants le 23 novembre. Pour les différents jeux littéraires, les enfants seront répartis en équipe ; ensuite il y aura de petites épreuves que l’institut français a appelées la chasse aux livres. Il y aura donc dans la bibliothèque, des livres à chercher, de petits textes à apprendre, des vidéos. Tous ceux qui veulent jouer avec les mots seront les bienvenus. On finira par des séances de dédicace.

Vous offrez un autre livre « Secret d’éternité », où vous parlez du cordon ombilical qui lierait l’enfant à la mère quel que soit le temps. De quoi s’agit-il ?

C’est un livre qui m’a été inspiré par la mort de mon grand-père. Et cela m’a inspiré une métaphore, avec cette sorte de fils de couleur qui nous unissent à travers des générations. J’en parle dans ce livre avec l’idée d’un petit garçon qui a peur que sa maman parte. Il y a certes les petits départs du quotidien du genre je rentre de l’école, j’ai peur d’être tout seul, mais derrière l’album on pourrait imaginer que sa maman pourrait partir, mourir et le laisser tout seul. Sa maman lui explique qu’elle a créé dans son cœur un tiroir dans lequel elle mettait tous les jours un fil de couleur. Par exemple, quand il est né, la première fois qu’elle lui a lu un poème au-dessus de son berceau, il y a un fil de couleur qui est allé se mettre dans son cœur. La première fois où il est tombé et s’est fait mal également. La fois aussi où il s’est fait gronder et qu’elle a dû être sévère. Les fils de couleur vont s’amonceler et former un arc-en-ciel de couleur entre eux et quand elle va partir au ciel, rien ne les séparera puisqu’il y aura toujours cet arc-en-ciel entre eux. On se rend compte dans ce livre que la mère détient de sa mère à elle, les fils de couleur qui la lient à son enfant. C’est vraiment un album sur la transmission ; j’explique comment on transmet les valeurs, de génération en génération.

Chaque fois que nous avons écrit, il nous a fallu préciser que vous êtes une Française vivant en Côte d’Ivoire.  Pourquoi ?

C’est important de le préciser parce qu’en France ou en Côte d’Ivoire, j’écris dans des contextes complètement différents. Mais ce qui est amusant c’est de voir à quel point l’imaginaire est universel et à quel point les lecteurs se retrouvent dans le livre et le monde de Yamay. Avec Bayard Afrique, nous apprenons à lire aux enfants et à se perfectionner. Dans ma série Degnan, je parle de l’Afrique comme je l’explique à mes propres enfants. Je suis arrivée en Côte d’Ivoire et je suis mère de quatre enfants qui me posent toujours plusieurs questions sur la culture et autres réalités de l’Afrique. Je trouvais ainsi mon inspiration pour cette série que j’anime avec Bayard Afrique. Je prépare aussi une série avec l’Unesco, sur les réalités de Grand-Bassam par exemple. Pourquoi son inscription au patrimoine mondial et pourquoi on doit la défendre ! Il y a donc toute cette série que j’écris en Côte d’Ivoire et que je n’aurais pas pu écrire si j’étais en Europe.

Interview réalisée par

BRIGITTE GUIRATHE