Showbiz/Marc Piékoura alias Marco SFR: ‘’Nos artistes ne doivent plus être exploités en Europe’’
Quel regard portez-vous sur l’environnement du showbiz à Paris ?
C’est un regard mitigé du fait que je suis heureux de constater qu’il y a de jeunes promoteurs talentueux qui ont envie de bien faire. Mais en même temps, je note une insuffisance liée à la formation et au professionnalisme. Il faut que ce milieu soit organisé, structuré et professionnalisé.
L’actualité, c’est l’affaire Eudoxie Yao qui secoue le milieu du showbiz en France. Quel est votre réaction sur cette affaire ?
Ma première réaction est que je condamne fermement la violence qui a été faite à l’artiste. Dans le fond, je n’aimerais pas m’étaler pour dire qui a tort ou qui a raison. Je voudrais tout simplement tirer une leçon de cette malheureuse affaire. Nous, Ivoiriens, et acteurs culturels de la diaspora devons, à partir de cet exemple, comprendre qu’il est temps de professionnaliser notre milieu.
Pour moi, la lecture est simple. Un artiste qui quitte Abidjan pour un spectacle en Europe doit avoir un contrat bien stipulé, un manager qui suit l’exécution de ce contrat et protège les droits de l’artiste en prenant attache avec des structures comme la nôtre. D’ailleurs, en décembre 2018, lors d’un séjour ici, j’ai discuté avec le président des managers de Côte d’Ivoire, en l’occurrence Guess Gervais. Je lui ai dit que nous allons signer un partenariat afin que les droits de tout artiste qui part de la Côte d’Ivoire soient garantis par l’Amppc-Diaspo.
A l’endroit des promoteurs de spectacles de France, je dis qu’il est de leur devoir de mettre dans de bonnes conditions les artistes. S’ils n’ont pas les moyens pour garantir les droits de leurs artistes. Alors, il faut qu’ils se mettent ensemble. Voilà pourquoi ma vision est que nous nous mettions ensemble pour former une seule entité forte pour faire les choses comme il se doit.
Quels sont les grands axes de vos actions ?
Dans le milieu du showbiz ivoirien en France, la majeure partie des managers, producteurs et promoteurs de spectacles pèchent souvent par ignorance. C’est pourquoi, la formation est un axe important de nos actions.
A cet effet, nous avons signé un partenariat avec la Sacem, l’équivalent du Burida en Côte d’Ivoire, pour former nos acteurs. Ensuite, nous sommes en train de mettre en place des mécanismes pour accompagner techniquement ou financièrement nos membres dans l’organisation de leurs évènements. Et troisième axe, nous œuvrons pour une étroite collaboration avec les autorités de l’État de Côte d’Ivoire afin de professionnaliser ce milieu, sortir du désordre et présenter notre association comme un interlocuteur crédible.
Nous comptons rencontrer le ministre de la Culture pour partager avec lui notre idée selon laquelle, pour qu’un artiste quitte le pays pour l’Europe, obligation lui soit faite, pour l’obtention du visa, d’un avis de validation de la structure mère qui est l’Ampp-Diaspora. Elle viendra ainsi confirmer le professionnalisme et la crédibilité du promoteur qui invite l’artiste. De sorte à mieux garantir ses droits.
Quelle est la place réelle de la musique ivoirienne en France ?
La musique ivoirienne est connue, mais elle n’a pas de valeur aux yeux des autres parce que les gens ne retiennent de la musique ivoirienne que les clashs, les problèmes d’organisation. Du coup, on préfère écouter cette musique sans avoir envie d’avoir l’artiste en face. Conséquence, la musique ivoirienne est communautaire. Elle n’évolue que dans le milieu ivoirien.
Notre bataille aujourd’hui, c’est qu’on puisse vous écouter et avoir envie de vous voir. C’est pourquoi dans nos projets, nous avons en ligne de mire le Festival international de la musique ivoirienne dans la diaspora et le Salon international de la culture ivoirienne, de sorte à faire la promotion de la culture ivoirienne dans toute sa dimension et sa diversité.
Quels sont vos projets immédiats ?
Notre vision aujourd’hui avec l’Amppc, c’est de lancer en France, avec le ministère de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, les états généraux de la culture ivoirienne dans la diaspora. Nombreux sont les artistes ivoiriens qui résident aujourd’hui en France. Mais notre environnement culturel est dans un état lamentable. Que faut-il faire pour redonner ses lettres de noblesse à notre musique qui ne manque pas de talents ? C’est à cela que nous devons réfléchir lors de ces états généraux.
Notre deuxième ambition, c’est de créer un pont qui va garantir l’échange culturel entre l’Afrique et l’Occident. Nos artistes ne doivent plus être exploités en Europe. Et nous voulons être cette structure qui garantit leurs droits et leur permet de travailler dans de bonnes conditions. C’est pourquoi, fort de 500 membres, l’Amppc-Diaspora a des représentations partout en France, en Italie, en Belgique, en Angleterre, au Maroc, au Bénin, au Burkina.
ENTRETIEN REALISE PAR
SERGES N’GUESSANT