Félix Anoblé (Secrétaire d'Etat chargé de la Promotion des PME): ‘’Le succès de la Côte d’Ivoire doit être basé sur un développement fort des Pme’’

Félix Anoblé, Secrétaire d'Etat chargé de la Promotion des PME
Félix Anoblé, Secrétaire d'Etat chargé de la Promotion des PME
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Félix Anoblé (Secrétaire d'Etat chargé de la Promotion des PME): ‘’Le succès de la Côte d’Ivoire doit être basé sur un développement fort des Pme’’

Il existe plusieurs catégories de PME en Côte d’Ivoire. Quelle différenciation faites-vous entre ces entrepreneurs ?

La loi n°2014-140 du 24 mars 2014 portant orientation de la Politique Nationale de Promotion des PME définit La Petite et Moyenne Entreprise, en abrégé PME, comme toute entreprise, productrice de biens et /ou de service marchands, qui emploie en permanence moins de deux cents (200) personnes et qui réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxes n’excédant pas un milliard de francs CFA.

Cette loi subdivise les PME en trois catégories ; la micro entreprise qui emploie en permanence moins de 10 personnes et qui réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxe inférieur ou égal à 30 millions de francs Cfa ; la petite entreprise qui emploie en permanence moins de 50 personnes et qui réalise un chiffre d’affaires annuel de hors taxe supérieur à 30 millions de francs Cfa ; la moyenne entreprise qui emploie en permanence moins de 200 personnes et qui  réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxe supérieur à 150 millions de francs Cfa et inférieur à 1 milliard de francs Cfa.

En plus de ces trois catégories, le Législateur Communautaire, à travers l’Acte Uniforme de l’Ohada du 15 décembre 2010 portant droit commercial général, a institué un nouvel opérateur économique dénommé l’entreprenant. En conformité avec cet acte, le décret  n°2017-409 du 21 juin 2017 portant modalités d’acquisition et de perte du statut de l’entreprenant, définit l’entreprenant comme une personne physique qui réalise un chiffre d’affaires n’excédant pas 10 millions de Fcfa (pour les prestataires de services), 20 millions de Fcfa (pour les artisans et assimilés), 30 millions de Fcfa (pour les commerçants).

Cette classification va évoluer, vu le poids de notre économie. Au niveau des Pme, nous envisageons de créer une quatrième catégorie, les Entreprises de Taille Intermédiaire (Eti) ayant un chiffre d’affaires compris entre 1 et 5 milliards de F Cfa. Car, vouloir loger toutes les Pme à la même enseigne, le risque est de créer des problèmes aux plus faibles et qui ne pourront, en conséquence, pas émerger. Au niveau de l’entreprenant, le chiffre d’affaires devrait passer de 30 à 50 millions Cfa.

Beaucoup d’entrepreneurs restent encore dans l’informel etfrileuxà cause de la fiscalité. Que dites-vous pour les rassurer ?

Le Statut de l’entreprenant a été justement créé pour régler cette question de l’informalité.Ce statut va permettre à toutes les unités de production informelle de sortir de cette situation. En effet, le décret n°2017-409 du 21 juin 2017 portant modalités d’acquisition et de perte du statut de l’entreprenant stipule en son article 6 que « l’entreprenant bénéficie des avantages fiscaux et sociaux prévus par la législation en vigueur ».

Avec mon collègue en charge du Budget, nous travaillons à faire en sorte que tous les entreprenants ayant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions Cfa soient assujettis à la taxe forfaitaire des petits commerçants et artisans.

Que gagnent concrètement les PME et les entreprenants ?

Les entreprenants disposeront d’une carte qui va leur offrir les mêmes avantages que les autres entreprises. Ils pourront alors soumissionner aux marchés publics tels que les fournitures de bureau, les prestations de services, etc. Un champ énorme s’ouvre ainsi à ces entreprenants, en termes d’opportunités d’accès aux financements et aux marchés publics.

Par ailleurs, les entreprenants pourront bénéficier des prestations de la Cnps, de la Couverture Maladie Universelle (Cmu), d’appuis leur permettant d’accéder facilement aux centrales d’achats. L’Etat à travers le département chargé de la Promotion des Pme a défini un programme pour renforcer les capacités des entreprenants à travers la mise en place d’incubateurs et de programmes de formation.

Au niveau des incubateurs, il y aura des sites Internet de façon générale pour permettre aux entreprenants de s’ouvrir au monde entier. Il s’agit de faire en sorte que toute personne exerçant une activité économique, aussi petite soit-elle, sur l’étendue du territoire national ne puisse le faire, sans être déclarée.  J’invite alors l’ensemble des opérateurs économiques à ne pas voir le recensement des petits commerçants, artisans, transporteurs, exploitants agricoles etc. comme un dénombrement des services des impôts.

Ils doivent plutôt voir les avantages qui y sont liés. Car, l’Etat ne peut pas faire de prévisions et de programmations, s’il ne connaît pas leur existence. Au niveau des Pme un autre programme d’accompagnement a vu le jour à travers plusieurs incitations fiscales. La loi qui entoure tout le système, et qui accompagne les Pme, leur offre la possibilité d’exonération de la Patente, pendant deux ans. Il y a également la réduction de l’impôt foncier de 25 % pour les entreprises qui ont un chiffre d’affaires en dessous de 200 millions de F Cfa.

Au-delà de cette réduction, ces entreprises vont avoir l’encadrement financier et fiscal de l’Etat. Durant leurs premières années d’exercice, ces entreprises peuvent solliciter les services des impôts sans frais et sans pénalités pour avoir des conseils d’encadrement. Après trois ans, on suppose qu’elles auront appris les rudiments du fonctionnement fiscal et, à ce niveau un encadrement particulier sera fait pour leur permettre de tenir la route.

Toutes les Pme qui acceptent de prendre les jeunes pour des stages, reçoivent un accompagnement fiscal et un accompagnement au niveau de l’Agence Emploi Jeunes avec une enveloppe de 45 000 F Cfa par mois pour payer le stagiaire. Nous avons créé l’Agence Côte d’Ivoire PME pour suivre l’application des décisions prises par l’Etat en matière d’accompagnement des Pme .Bientôt un fonds de garantie 30 milliards de FCfa sera mise en place pour soutenir les banques qui décident de prêter de l’argent aux Pme.

Ellesont tout un programme d’accompagnement au niveau de Côte d’Ivoire Pme, notamment la formation, le suivi, la conduite des projets, etc. Il s’agira d’apprendre à ces Pme comment monter des projets pour participer à des marchés.

L’Etat a pris un décret qui oblige chaque autorité contractante de réserver 20% de la valeur prévisionnelle de la commande publique aux Pme. Où en êtes-vous de  ce taux d’application ?

Pour le premier trimestre de 2019, le suivi de cette norme nous donne satisfaction. Nous étions à 18% de taux d’application au premier trimestre en 2018. Ce chiffre est passé à 43% pour 20% recherché en 2019. C’est dire que nous faisons en sorte que les PME soient accompagnées dans la politique des marchés publics.

Par ailleurs, les grandes entreprises bénéficiaires des marchés publics qui acceptent de donner 30% de la valeur prévisionnelle de leurs marchés à des PME locales bénéficient d’une marge de préférence de 5%. Cette mesure est une incitation à la sous-traitance.

L’Etat a mis en place un fonds d’innovation des Pme. Comment comptez-vous accompagner les Pme  à travers ce financement ?

Le Fonds de l’innovation de 20 milliards de FCfa va accompagner tous ceux qui apportent de l’innovationet sont des entreprises innovantes. En plus de cela, nous avons un fonds de 20 milliards de FCfa qui va accompagner les Pme pour leur équipement, avec des conditions souples etsans intérêt. Nous avons aussi le fonds de la Banque Atlantique de Côte d’Ivoire.

Destiné aux femmes entrepreneures, ce fonds est d’un montant de 5 milliards de FCfa pour des financements de 1 à 50 millions de FCfa ; le fonds Coris Bank destiné aux Pme offrant des prêts de 1 à 50 millions de FCfa . Idem pour la Société Générale pour accompagner les Pme sur quatre ans avec 350 milliards de FCfa. Cette société va ouvrir une Maison des Pme, qui sera équipée avec tout ce qu’il faut.

A savoir les cabinets conseils de Côte d’Ivoire PME, de l’INIE, des services juridiques. Elle prévoit également des programmes de formation pour les Pme  dans la conduite managériale et l’accompagnement pour transformer leurs idées en investissement.

Au niveau de la Société Générale, la question de la domiciliation se pose ?

C’est obligatoire d’ouvrir un compte dans cette banque. Parce que l’argent qu’elle vous donne doit être logé chez elle. Le prêt de la Société Générale fait obligation à la Pme intéressée d’y domicilier son compte.

Les banques ne sont pas des philanthropes, j’encourage les Pme à se loger dans les banques qui peuvent et acceptent de leur donner de l’argent. Les Pme  qui sont dans d’autres banques et qui demandent des prêts en vain, ont désormais la possibilité de loger leur compte à la Société Générale pour avoir gain de cause.

Comment comptez-vous utiliser le crédit-bail pour le financement des Pme ?

Le crédit-bail est un bel outil de financement des PME. Mais, les Ivoiriens n’utilisent pas assez cette formule pour s’équiper. Le crédit-bail ne donne pas de fonds de roulement, mais du matériel pour garantir le travail.

En outre, un fonds est en voie de création par l’Etat afin de permettre aux entreprises de faire des placements et présenter des projets à l’Etat dans l’optique d’être accompagnéesdans leur développement. Ce petites entreprises sont appelées à grandir pour remplacer demain, les grandes entreprises en vue d’attaquer le marché international.

Quel est, aujourd’hui, le taux de fréquentation de l’Agence Côte d’Ivoire Pme ?

Ce taux a augmenté. Et nous avons demandé à l’Agence Côte d’Ivoire PME d’aller vers les Pme. Un vaste programme de sensibilisation a démarré pour expliquer aux Ivoiriens ce que l’Etat est en train de faire à travers une Direction chargée de la promotion économique des PME et de leur encadrement.

Bientôt, dans tous les chefs-lieux de région et les Conseils régionaux, il y aura un Directeur des PME et de l’encadrement. Il sera chargé de suivre la politique de l’Etat en termes d’accompagnement des PME. Par ailleurs, il planifiera le développement avec les Communes, pour créer des zones spécifiques aux PME et artisans.

Comment voyez-vous l’avenir des PME en Côte d’Ivoire ?

Les Pme, c’est tout l’avenir de la Côte d’Ivoire. Le Président de la République, S.E Alassane Ouattara, a parlé d’émergence du pays à l’horizon 2020. Mais nous ne pourrons pas avoir cette émergence économique sans créer un tissu fort. Le Chef de l’Etat l’a bien dit, c’est à travers le développement des PME que viendra le succès de la Côte d’Ivoire.

Entretien réalisé par
Emeline P. Amangoua