Fougnigué Edmond Coulibaly (Directeur général du Conseil Hévéa-Palmier à Huile): ‘’Cet organe de régulation se donnera les moyens de faire respecter les prix sur le terrain’’

Fougnigué Edmond Coulibaly, Directeur général du Conseil Hévéa-Palmier à Huile.
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Fougnigué Edmond Coulibaly (Directeur général du Conseil Hévéa-Palmier à Huile): ‘’Cet organe de régulation se donnera les moyens de faire respecter les prix sur le terrain’’

A l’instar des filières café-cacao et coton-anacarde, l’hévéa et le palmier à huile disposent désormais d’un organe de régulation en Côte d'Ivoire. Pourquoi  une telle structure ?

La  création de cette structure  entre dans le cadre d’une politique d’organisation générale  de  l’agriculture voulue par l’Etat ivoirien. En ce sens que lors  des visites d’Etat du Président de la République  dans les régions, les producteurs, notamment ceux de l’hévéa ont souhaité que l’Etat mette en place un mécanisme qui puisse soutenir les prix de cette culture.

Nous étions, alors, dans une tendance baissière des cours. Les planteurs  de cette filière ont dû constater que les réformes entreprises dans les secteurs du coton, de l’anacarde, du café et du cacao, ont permis de maintenir des  prix rémunérateurs pour les planteurs.

C’est donc tout naturellement qu’ils ont souhaité   voir le gouvernement  se pencher  sur leur cas ; et ce au travers des mécanismes qui leur permettent d’avoir des prix rémunérateurs. D’autre part ces deux filières étaient en proie à une crise organisationnelle, en raison de diverses mutations et de l’apparition d’acteurs nouveaux ; crise accentuée par l’évolution des cours mondiaux. C’est donc  en réponse à ces difficultés et à la demande des planteurs, que le Conseil hévéa-palmier à huile a été créé.

Comment se porte alors aujourd’hui,  ces deux filières?

Elles traversent encore des situations un peu difficiles.  Concernant l’hévéa, les cours continuent de baisser ; à cela s’ajoutent depuis juin 2018, des difficultés d’écoulement de la production.  A ce niveau, il faut rappeler qu’avant 2017,  toute la production nationale  d’hévéa était usinée localement. Du planteur, donc du bord champ, l’hévéa entrait à l’usine était transformé sous forme de caoutchouc naturel granulé spécifié.

L’embellie des cours des années antérieures a amené beaucoup d’ivoirien à s’intéresser à cette culture, et les superficies plantées ont considérablement augmenté. L’absence de données fiables sur le verger n’a pas permis d’anticiper sur la forte augmentation de la production observée en 2018 et qui va sans doute se poursuivre avec l’entrée en production des plantations immatures. Conséquence, les capacités industrielles locales sont dépassées.

Le gouvernement a alors autorisé que l’hévéa puisse être exporté sur forme brut, c’est ce qu’on appelle « les fonds de tasse ». Un arrêté a été signé dans ce sens en décembre 2017, puis un autre en mars 2018. Beaucoup d’entreprises se sont essayées à cette spéculation. Malheureusement, certains chargements ont connu des problèmes. Quand l’hévéa n’est  pas bien sec, lors du transport, il y a de l’eau (serum) qui s’écoule.

A partir de juin 2018, il est revenu que certains bateaux ont   subi  des avaries lors du transport à cause de cette perte d’eau mais aussi de problèmes phytosanitaires ; ce qui a entrainé la suspension des embarquements par la plupart des compagnies maritimes. Le surplus de production ne pouvait donc plus sortir, consécutivement à ces problèmes de transport ; ce qui affecte considérablement l’achat bord champ.  Cette situation perdure jusqu’à ce jour. Le gouvernement a pris à bras le corps la  question.

Qu’en est-il pour la filière palmier à huile ?

S’agissant cette filière, vous vous rappelez, la baisse du prix avait  provoqué des remous à l’Est du pays. Nous estimons pour notre part que  ces deux filières sont dans  une situation économique telle que cela nécessite de redéfinir des règles de jeux claires pour restaurer une dynamique de croissance et de développement harmonieuse.

Quelle est  la tendance des prix bord champ ? Et peut-on avoir une idée du tonnage produit par la Côte d’Ivoire ces trois  dernières années ?

Selon les statistiques de l’Association des professionnels du caoutchouc naturel de Côte d’Ivoire (Apromac), le prix moyen annuel champ du caoutchouc humide qui était à 766 Fcfa le kilogramme en 2011, est passé à  273 Fcfa en 2016 pour descendre à 267 Cfa en 2017. Tout cela explique le désarroi des producteurs d’hévéa.  La production de caoutchouc humide est, lui, passée de 1 000 000 tonnes en 2017 à 1 200 000 tonnes en 2018.

Concernant la filière palmier à huile, la production nationale de régimes de palme qui était de 1 733 389 en 2015 a atteint les 1 518 386 en 2018, sur les 4 premiers trimestres. Quant à la production nationale de l’huile brute qui était estimée à 407 060 en 2015, elle est passée à 337 368 en 2018 (les 4 premiers trimestres). En ce qui concerne le prix moyen des régimes de palme, estimé à 41,13 Fcfa le kilogramme en 2015, on n’était qu’à 37,92 Fcfa en 2018.

L’accès au financement est aussi un vrai problème dans les filières hévéa et palmier à huile. Qu’est-ce qui est prévu à cet effet ?

Dans le programme agriculture sous contrat, il est question de voir pour ces filières et pour d’autres, comment mettre en place une ligne de refinancement. Il s’agit de financer des établissements de crédit afin qu’ils puissent faire des crédits aux agriculteurs, mais à des conditions plus avantageuses que celles du marché. Cela veut dire que le problème a commencé à être traité  grâce à un programme du ministère de l’Agriculture avec l’appui de la Coopération allemande. A ce stade, il faut passer par des projets pilotes.

Quelles sont  les priorités pour l’année 2019 ?

Le conseil vient d’être installé. Nous travaillons avec la Primature, le ministère de l’Agriculture. L’objectif à ce niveau est  de faire en sorte que les soubresauts que nous avons connus ces derniers temps, notamment les blocages sur l’exportation des fonds des taxes, soient désormais derrière nous et que l’activité puisse reprendre correctement. On comprend l’impatience des producteurs. Mais je voudrais  les assurer qu’à compter de janvier, le conseil sera en mesure d’apporter les réponses aux situations urgentes. Le conseil se donnera les moyens de faire respecter les  prix bord  sur le terrain.

Interview réalisée par
EMELINE PEHE AMANGOUA