Jean Kacou Diagou (Fondateur et président du Groupe Nsia): ‘’Nsia Banque fait partie du top 5 des banques de notre pays”

Jean Kacou Diagou (Fondateur et président du Groupe Nsia): ‘’Nsia Banque fait partie du top 5 des banques de notre pays”

Monsieur le Président, pouvez-vous faire, en quelques chiffres, une présentation succincte de l’établissement dont vous présidez le Conseil d’Administration, NSIA Banque Côte d’Ivoire ?

NSIA Banque Côte d’Ivoire est la première filiale bancaire du Groupe NSIA. Son réseau d’agences se compose de 83 points de services couvrant tout le territoire national. L’effectif de la banque est de 1000 personnes, et la parité hommes-femmes est quasiment assurée, y compris au niveau du comité de direction. Nous avons une taille de bilan de plus de 1000 milliards de francs Cfa et le dernier exercice social s’est soldé par près de 20 milliards de bénéfice. NSIA Banque Côte d’Ivoire est donc un établissement en progression constante et qui se porte bien.

NSIA Banque Côte d’Ivoire a décroché récemment le Prix d’Excellence 2018 du meilleur établissement du secteur financier dans notre pays. Qu’est-ce qui a milité, selon vous, en faveur de ce choix ?

Votre question me donne l’occasion de féliciter nos équipes dont les mérites et les efforts ont été ainsi reconnus. J’en profite également pour remercier nos clients et nos partenaires pour leur confiance qui constitue le vrai moteur de nos actions. Le Prix d’Excellence qui a été décerné à notre établissement est la reconnaissance de notre engagement à fournir à nos clients un service et des produits de qualité. Je pense que le comité de sélection a été sensible à la qualité de la gouvernance de la banque, à l’évolution positive de nos performances et à l’importance des investissements faits en matière de cadre de travail, d’équipements et de formation des équipes. Ce sont aussi ces éléments qui nous ont permis d’obtenir la Certification ISO 9001 version 2015 sur tous nos métiers et toutes nos agences. Pour nous, le Prix d’Excellence est une incitation à persévérer dans notre quête de la qualité. Nous l’avons reçu à la fois avec fierté, humilité et responsabilité car nous savons que beaucoup reste à faire et que l’exigence attendue de nous sera forte.

La bonne nouvelle du Prix d’Excellence a été annoncée le 6 août 2018. Et dès le mois suivant, la presse a fait état du dossier SAF Cacao dans lequel NSIA Banque Côte d’Ivoire a été présentée comme un des établissements les plus concernés. Quelle lecture doit être faite de ce dossier, du point de vue de votre banque ?

Ce dossier ne doit pas être présenté comme celui de NSIA Banque Côte d’Ivoire. Il concerne douze banques parmi lesquelles on retrouve toutes les grandes banques locales et deux banques internationales. Nous considérons qu’il est la conséquence d’une combinaison de facteurs défavorables qui ont rendu inévitable cette situation. Notre établissement en a tiré des leçons et a déjà procédé à une refonte profonde de son dispositif de financement des matières premières. Cette refonte vise à assurer un meilleur suivi des financements, une meilleure maîtrise des risques liés aux matières premières agricoles, une collaboration plus forte avec les organismes nationaux de régulation. Dans ce secteur, l’information est essentielle pour anticiper et réagir efficacement. Nous nous donnons donc les moyens d’avoir les bonnes informations. Pour ce qui est de la suite, je tiens à souligner que nous suivons de très près les travaux qui sont conduits par le syndic des sociétés en liquidation en vue de favoriser une reprise réussie des activités ou des actifs. Nous avons bon espoir de recouvrer l’essentiel de notre créance. En attendant, nous avons appliqué la réglementation bancaire en constituant les provisions nécessaires. Notre niveau de fonds propres est suffisant pour supporter ces provisions sans entraver la poursuite de nos activités.

Confirmez-vous le chiffre de 38,5 milliards de francs Cfa donné par la presse comme montant de la créance de NSIA Banque ?

Beaucoup d’approximations ont été avancées sur ce dossier. Nous avons produit nos bordereaux de créances au syndic. Les créances déclarées, par société, sont de 4 549 667 222 francs Cfa pour Choco Ivoire et de 16.171.146.845 francs Cfa pour SAF Cacao. Ces créances sont garanties par des gages de stock, des cautions et une hypothèque. La société CIPEXI, qui ne fait pas encore l’objet d’une décision de liquidation, est débitrice envers notre établissement de 3.905.347.935 francs Cfa. Le total des créances de notre établissement sur les trois sociétés du Groupe dit SAF Cacao est de 24,5 milliards de francs Cfa. Nous sommes loin des montants qui ont circulé. À ce jour, NSIA Banque Côte d’Ivoire n’est pas concernée par les créances détenues par DIAMOND Bank Côte d’Ivoire, succursale de DIAMOND Bank Bénin. Ces créances s’élèvent à 921.424.385 francs Cfa pour Choco Ivoire et 6.248.448.865 francs Cfa pour SAF Cacao. DIAMOND Bank Côte d’Ivoire a aussi une créance de 882.664.708 francs CFA sur la société CIPEXI. Même en cumulant les créances des deux banques, NSIA Banque et DIAMOND Bank, le montant consolidé auquel on arrive est de 32,5 milliards de francs Cfa, qui ne correspond pas au montant abusivement attribué à la seule NSIA Banque Côte d’Ivoire. Nous considérons que, sur ce dossier, il faut allier précision et transparence. C’est la raison pour laquelle je vous communique toutes ces informations. Elles permettront, je l’espère, de corriger toutes les approximations dont nous avons été l’objet.

Dans la même période, NSIA Banque Côte d’Ivoire a été au centre de plusieurs rumeurs faisant état de fraudes commises par des agents de l’établissement. Que s’est-il passé exactement, et où en est la banque avec cette affaire ?

L’activité bancaire est exposée à des risques opérationnels de formes diverses, qui vont jusqu’à la cybercriminalité. Pour mieux les maîtriser, nous avons renforcé de façon considérable les équipes dédiées aux contrôles de nos activités. Ce sont justement les actions de ces équipes qui ont permis de découvrir des opérations suspectes constitutives de cas de fraudes. La banque a saisi les services de police et ce sont leurs enquêtes qui ont permis de situer les responsabilités. Des mesures ont été prises pour éviter toute possibilité de récidive et je peux dire que nous sommes mieux organisés maintenant et que nous avons une meilleure vue sur toutes les activités sensibles. Dans toutes ces affaires, les avoirs de nos clients ont été protégés. Ce sont des incidents qui ont concerné uniquement la banque et en aucun cas les clients.

Les réseaux sociaux qui ont beaucoup relaté ce que vous appelez ces «incidents » ont tout de même avancé le chiffre d'un milliard et demi de francs Cfa détournés, ce qui n'est pas rien ! Et ils ont parlé de plusieurs responsables et agents mis aux arrêts et/ou limogés. Quel est le montant précis du préjudice subi par la banque ? Combien d'agents ont été en cause et quelles sanctions les ont frappés ?

Nous avons été confrontés à deux cas de fraudes, l’un interne, l’autre externe. Le cas de fraude interne concerne le département Partenariat d’assurances. Il a entraîné un préjudice de 163 millions de francs Cfa et le licenciement, pour faute lourde, de trois agents de la banque. Ces trois agents ont été placés en détention provisoire par la justice, en compagnie de deux autres personnes, anciennement salariées de la banque, également liées à la fraude. Le deuxième cas de fraude, la fraude externe, est relatif au service de carte prépayée. Il a causé à notre établissement un préjudice de 1,2 milliard de francs Cfa. Les enquêtes de police, qui se poursuivent, ont abouti à la mise en cause de plusieurs personnes actuellement placées en détention provisoire. Au niveau de la banque, des responsables ont été licenciés pour défaillance dans leur mission de supervision. Le préjudice subi au titre de ces deux dossiers a été intégralement provisionné par la banque. Nous avons saisi nos assureurs et attendons d’être totalement ou partiellement indemnisés.

Est-ce que cette crise est vraiment terminée ? Quelles assurances pouvez-vous donner aux clients de la banque ?

Il me paraît exagéré de parler de crise, mais puisque c’est ce terme que vous avez utilisé, je suis en mesure de vous dire que la crise est définitivement derrière nous. Sur notre activité de carte prépayée, la reprise sera effective au cours de ce mois de novembre. Tous les travaux de sécurisation ont été réalisés avec l’aide d’experts et nous nous sommes assurés de tout maîtriser avant de décider de reprendre l’activité. Les équipes ont travaillé sans relâche à cette fin et je tiens à les féliciter. Je salue aussi la grande compréhension de nos clients qui ont saisi très rapidement que les mesures prises visaient à protéger leurs avoirs.

NSIA Banque Côte d’Ivoire est cotée en bourse depuis octobre 2017, c’est-à-dire depuis un an aujourd’hui. Quel bilan vous pouvez faire de cette opération un an après ?

L’introduction en bourse de la banque a été pour nous un défi. Nous l’avons abordé en ayant la volonté d’illustrer cet enseignement de Saint Augustin selon lequel « il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme». Le bilan que vous m’invitez à faire doit être réalisé pour la banque et pour ses actionnaires. S’agissant de la banque, on peut clairement parler d’une réussite. En choisissant de procéder à l’introduction en bourse par augmentation de capital et non par cession d’actions, les actionnaires ont en effet permis de renforcer les fonds propres de la banque de près de 28 milliards, la plaçant ainsi en situation de faire face aux évolutions règlementaires qui étaient annoncées pour 2018. Le changement de statut a également permis d’améliorer la gouvernance de la banque, celle-ci étant désormais soumise à des obligations de transparence, notamment en matière de communication financière. Pour les actionnaires, nous avons noté un réel engouement au moment des souscriptions à l’offre publique de vente. Cet engouement a été suivi de quelques interrogations liées à l’évolution du cours de l’action. Sur ce point, il me paraît utile de rappeler qu’investir en bourse, surtout dans des valeurs bancaires, doit être un projet inscrit dans la durée. J’en veux pour preuve la présence dans notre capital, depuis plus de dix ans, d’investisseurs institutionnels qui considèrent aujourd’hui que la banque constitue leur meilleur actif. Ils ont perçu en dividendes des sommes dépassant bien largement le montant de leur mise de départ. Ce qu’on devrait regarder, au-delà du cours de l’action, c’est la solidité de l’établissement, ses perspectives, sa capacité à se transformer et à faire évoluer son offre, ses promesses de résultats. Sur toutes ces questions, NSIA Banque Côte d’Ivoire est une valeur sûre. J’allais oublier un point important qui est celui de l’actionnariat salarié, une réalité depuis cette introduction en bourse.

Le taux de bancarisation dans notre pays reste encore très faible aujourd’hui : 20 % d’après les chiffres officiels. Quelle part NSIA BANQUE prend dans la bancarisation de la Côte d’Ivoire ?

NSIA Banque Côte d’Ivoire a bien pris sa part dans les efforts visant à améliorer le taux de bancarisation dans notre pays. Cet objectif se retrouve clairement dans l’évolution de notre réseau d’agences. Entre 2013 et aujourd’hui, c’est-à-dire en cinq ans, nous sommes passés de 30 à 83 agences, en investissant plus de 15 milliards de Francs Cfa. Dans plusieurs régions du territoire national, nous avons été les premiers à nous installer. Nous avons d’ailleurs 42 agences en région et 41 à Abidjan. Ce sont des investissements lourds qui ont été faits. C’est la preuve d’une volonté de proximité avec les clients pour faciliter leur accès aux produits et services bancaires. Ces efforts s’accompagnent du développement de solutions digitales permettant les services de banque à distance. Comme vous pouvez le noter, avec NSIA Banque Côte d’Ivoire, la bancarisation n’est pas un slogan, mais une réalité.

NSIA Banque Côte d’Ivoire n’est qu’une entité dans le grand Groupe NSIA dont, je le rappelle, vous êtes le président. Je voudrais évoquer avec vous à présent le Pôle Banque du groupe. Il a été constitué, pendant longtemps, d’une banque en Côte d’Ivoire et d’une banque en Guinée Conakry. Puis il s’est étendu, depuis peu, au Bénin, au Togo et au Sénégal par l’acquisition de DIAMOND Bank. Trois questions : quels étaient les mobiles de l’extension ? Comment, actuellement, cette extension se déroule concrètement ? Et, dans ce domaine, quelles sont les perspectives ?

La vision du Groupe NSIA a toujours été d’offrir des solutions innovantes en banque et assurance aux populations de nos pays d’implantation. Nous avons résumé cette vision dans le concept de bancassurance. Votre rappel indique que nous étions présents dans deux pays pour nos activités bancaires. Je voudrais ajouter qu’en assurance cette présence s’étendait à douze pays. Il y avait clairement un retard à corriger pour la banque. Pour y arriver, nous avions à choisir entre créer des filiales bancaires et acquérir des banques déjà opérationnelles. C’est la deuxième solution que nous avons retenue. Nous avons porté notre choix sur DIAMOND Bank Bénin, notamment parce que cet  établissement est détenteur de l’agrément unique qui lui permet de s’installer aisément dans tous les États de notre zone monétaire, la zone UEMOA. Depuis novembre 2017, DIAMOND Bank Bénin et ses succursales de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo ont rejoint le Groupe NSIA. Nous avons maintenant six entités bancaires couvrant cinq pays. En Côte d’Ivoire, il y aura prochainement une réorganisation en vue de la reprise de DIAMOND Bank Côte d’Ivoire par NSIA Banque Côte d’Ivoire. Dans les autres pays, octobre 2018 a été le mois du changement de dénomination des entités DIAMOND Bank. On parle maintenant de NSIA Banque Bénin, NSIA Banque Togo et NSIA Banque Sénégal, aux côtés de NSIA Banque Côte d’Ivoire et NSIA Banque Guinée. Cette configuration nous place en meilleure situation pour accompagner nos clients à l’international, pour participer à des financements importants et pour développer notre offre combinée de solutions de banque et d’assurance.

En dehors de l’acquisition de DIAMOND Bank, quels sont les autres faits marquants du Pôle Banque du Groupe NSIA ?

Nous avons créé NSIA Asset Management, la dernière-née des filiales du Groupe NSIA. Il s’agit d’une SGO, c’est-à-dire une Société de Gestion d’Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). C’est une création qui vient compléter notre offre de produits financiers. Le Conseil Régional de l’Épargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) vient tout juste d’agréer les deux premiers fonds communs de placement proposés par la SGO. La souscription à ces fonds pourra se faire aux guichets de nos banques dans tous nos pays d’implantation. Deuxième fait qui mérite d’être signalé, nous venons de conclure un accord de partenariat stratégique avec le Groupe Orange pour la création d’une banque digitale. Il s’agit d’une nouvelle aventure aux côtés d’un acteur majeur, leader dans son secteur d’activité, qui permettra d’accélérer la bancarisation de nos pays. Il y a un dernier fait que je voudrais évoquer : nous avons renforcé le rôle de la Société de Gestion et d’Intermédiation NSIA Finance dans les opérations de conseil et de structuration des syndications faisant intervenir nos entités bancaires.

Visiblement le Pôle Banque du Groupe NSIA s’est lancé dans une remarquable diversification des métiers de la finance. Quel est l’intérêt de cette stratégie et qu’est-ce que vous en attendez ?

Le Groupe a souhaité combler son retard dans le domaine de la finance. Notre objectif était double. D’une part, nous avons voulu couvrir tous les champs de la finance pour accompagner nos clients, entreprises, institutionnels et particuliers, dans tous leurs projets. D’autre part, nous avons œuvré à nous doter de structures permettant une prise en charge intégrale des besoins des clients et renforçant les synergies entre nos entités. Cette démarche doit aboutir à installer durablement le Groupe NSIA comme acteur de la finance dans nos pays. Cette diversification des métiers et des activités est aussi un moyen de nous protéger des conséquences des crises pouvant éventuellement affecter nos principaux métiers.

L’arrivée de NSIA dans le secteur bancaire remonte à 2006, c’est-à-dire à douze ans cette année. Est-ce que vous pouvez faire, à grands traits, un bilan de ces douze années ? 

Notre arrivée dans ce secteur n’a pas été aisée. Il nous a fallu lutter et vaincre les préjugés. Des assureurs dans la banque, c’était inédit dans notre zone. Douze ans plus tard, nous sommes satisfaits de cette expérience. Nous entendons d’ailleurs la poursuivre. Nous avons pris le contrôle de BIAO-CI qui était un établissement moqué pour la vieillesse de ses installations, de son personnel et de son offre. Le portefeuille de crédit était sinistré. Nous avons reconstruit l’édifice, et aujourd’hui NSIA Banque fait partie du Top 5 des banques de notre pays. C’est une vraie réussite ! Nos métiers sont complémentaires et nous donnent la possibilité de proposer à nos clients des produits et services de qualité. L’ADN d’assureur du Groupe a été utile pour comprendre et maîtriser les risques liés à l’activité bancaire. Nous avons pu disposer d’un large réseau pour la distribution de nos produits d’assurance. Nous avons su enfin composer des équipes jeunes mais expérimentées, qui ont permis de faire de NSIA, comme l’affirme un slogan du Groupe, le vrai visage de la Banque et de l’Assurance.

Interview réalisée par
Germaine Boni