Exposition « Vents et marées »/Tadjo expose Tadjo : l’hommage de Véronique à Michèle

Exposition « Vents et marées »/Tadjo expose Tadjo : l’hommage de Véronique à Michèle

La Rotonde des arts contemporains d’Abidjan-Plateau abrite depuis le 12 septembre, pour un mois, une exposition d’œuvres picturales et sculpturales, intitulée « Vents et marées : Hommage à Michèle Tadjo (1932-1998). Une sorte d’in memoriam artistique de la fille Véronique Tadjo à sa mère Michèle Tadjo. L’écrivaine ivoirienne de renommée mondiale, Grand prix littéraire d’Afrique noire ouvrant ainsi, un pan de la collection familiale de tableaux et de sculpture de son artiste de mère, arrachée à l’affection de tous, il y a 20 ans, au regard des esthètes.

Le choix de cette exposition a été de montrer seulement les peintures et les sculptures. Mais elle a été tellement prolifique qu’elle montrait aussi ses bijoux, ses mobiliers. Petit à petit, elle a quitté la peinture pour aller à la sculpture », a confié Véronique Tadjo, au cours de la conférence d’avant-expo, le 11 septembre, tout en rappelant, par ailleurs, que sa mère écrivait aussi. Pour la fille, sa génitrice est « une créatrice dont le talent a dépassé le domaine des cloisons des genres avec un désir de laisser son empreinte dans l’environnement urbain en créant des sculptures monumentales pour l’espace public ». A ce jour, il faut le mentionner, on retrouve deux de ses œuvres au parc Bressoles à Abidjan-Plateau et une à la Base navale de Locodjro.

Quant au Pr Yacouba Konaté,  (philosophe, critique d’art), directeur de la Rotonde des arts contemporains, s’il argue avoir plus connu son œuvre sculpturale que sa peinture, il reconnaît de par sa démarche créatrice indépendamment de la discipline, que Michèle Tadjo était en avance sur son temps. Et d’indiquer : « Au moment où l’abstraction devient la peinture à l’ordre du jour, Michèle est déjà dans l’abstraction. Elle était un peu décalée, en avance. Elle développe ses trames en discutant avec les Vohou ».

Il incombe, en guise de piqure de rappel, de révéler que Michèle Tadjo, née en Côte d’or en France, le 12 février 1932 et rappelée à Dieu le 30 octobre 1998 à Abidjan, est une peintre, sculptrice, designer ivoirienne, par amour et…raison. Elle se marie en 1952, à Joseph Tadjo Ehoué, jeune étudiant ivoirien, originaire de Maféré (région d’Aboisso) avec qui elle a deux enfants. Quatre ans plus tard, c’est le grand départ pour la Côte d’Ivoire. Elle entre aux Beaux-Arts d’Abidjan où elle suit des cours et prépare en même temps le certificat d’aptitude à la formation artistique supérieure et le diplôme français de peinture. Elle exécute des dessins scientifiques pour les laboratoires de botanique de l’université de Côte d’Ivoire. Par la suite, elle enseigne dans les lycées et collèges d’Abidjan, puis en atelier de peinture. À partir de 1973, elle se consacre entièrement à son art. Ses principales formes d’expression sont en premier lieu la peinture, d’abord à l’huile, puis à l’acrylique. Elle évolue vers la peinture-sculpture et devient sculpteur à part entière en 1987. Plus tard elle utilisera d’autres formes d’expression comme: le graphisme, création de modules pour des lieux publics, avec en sus, un travail collaboratif avec les architectes de la ville d’Abidjan.

Essence de l’Homme et quête de sens

Elle était une artiste qui s’interrogeait sur le drame de la vie, par l’écart insurmontable entre les aspirations spirituelles et leurs possibilités de réalisation. Elle était très intéressée par le travail sur le corps humain. Par exemple, à partir de radiographies grattées, découpées, superposées, elle cherchait à explorer les rouages mystérieux de notre corps. Au fil des années, elle arriva à un grand dépouillement et à la construction de sa propre quête de sens.

Elle s’avouait, contre « Vents et marées », obsédée par le drame de la vie, par l’écart insurmontable entre les aspirations spirituelles et leurs possibilités de réalisation. C’est-à-dire entre la vie organique et celle de l’esprit. Ses sculptures réalisées en tôles plus ou moins épaisses étaient soudées ou rivetées. L’inox et le cuivre s’y ajoutaient parfois. Elle jouait avec l’équilibre des formes, trouvait de la beauté dans les rejets. À son obsession de la vie correspondait celle du temps.

Elle fut élevée au rang de Chevalier de l’Ordre du Mérite culturel ivoirien en 1986.

REMI COULIBALY