Recherche désespérément “Camarade Papa” à Abidjan
Recherche désespérément “Camarade Papa” à Abidjan
Comment expliquer que “Camarade Papa”, le second livre de l’écrivain ivoirien Armand Gauz - après “Debout payé” vendu à 50’000 exemplaires -, un des événements de la rentrée littéraire en France et ailleurs en francophonie, ne soit toujours pas en vente dans les librairies d’Abidjan et du reste de la Côte d’Ivoire ? Au grand dam des lecteurs, appâtés par les innombrables interviews et autres critiques élogieuses du livre de leur compatriote dans le Monde, l’Express, le Temps, TV5Monde, RFI, etc. , dont ils sont privés jusqu’à aujourd’hui.
Trop, c’est trop. Hier dimanche, les internautes se sont lâchés. C’est Gauz lui-même qui a sonné la charge par un post musclé sur sa page Facebook : “FNAC Abidjan, je suppose que vous attendez que j'aie un prix et que j'épluche tous les plateaux télés, noircisse tous les journaux de France et de Navarre pour commencer à glisser quelques exemplaires de #CamaradePapa au milieu de vos livres de développement personnel et biographies d'hommes politiques exotiques”, lâche-t-il avant de préciser : “Je vis et j'écris à 15 minutes de votre première librairie remplie d'Angot et compagnie. Juste pour info.”
S’ensuit une avalanche de commentaires d’admirateurs de l’écrivain, désolés de ne pas trouver le livre de leur compatriote en tête de gondole des librairies d’Abidjan. Pire, d’être “regardés comme s’ils étaient des zombies” lorsqu’ils demandent où se trouve “Camarade Papa” dans les rayons, par des employés qui n’en ont visiblement jamais entendu parler. “Vendredi j'étais à la Fnac Cap Sud. Grande fut ma surprise de ne pas voir “Camarade Papa” en rayon. J'ai demandé, la dame m'a répondu : on n'a pas commandé. Elle ne donnait pas non plus l'impression qu'il y avait intention de le faire... Dommage dommage dommage !”, témoigne Melissa Johnson. “Idem pour la librairie Carrefour Siloë à Cocody Saint-Jean. Façon je me suis promené dans l’espoir de mon Camarade Papa”, confirme Ky Cho, lequel, comme beaucoup d’autres, n’a pas ménagé sa peine pour essayer de dénicher un exemplaire du livre dans toute la ville.
A tel point qu’un internaute suggère à Gauz d’en amener lui-même quelques exemplaires à Abidjan. “Tchrrr... je suis écrivain, pas libraire. Chacun doit faire son travail pour que ce pays marche un peu”, réagit-il aussitôt. Depuis Paris, où il assure la promotion de son livre, Armand Gauz attend avec impatience que la Fnac, la Librairie de France et les autres le sollicitent pour la promotion de son livre, écrit en grande partie à Grand-Bassam. Persuadé qu’il n’est plus possible d’attendre les bras croisés, il annonce également sur sa page Facebook qu’il passe dès ce lundi soir “à la campagne de dénigrement si rien n'a changé dans un sens un peu plus intelligent.” Message en tout cas reçu cinq sur cinq par plusieurs personnes, qui promettent, toujours sur FB, d’envoyer textos et autres courriels aux personnes concernées.
Cette affaire pose en tout cas toute la question de la promotion et de la diffusion des livres écrits par des auteurs ivoiriens dans les librairies de la place, ce que la Librairie de France s’efforce généralement de faire, notamment en organisant des séances de signatures dans ses différentes succursales. Comme dit un internaute à propos de la Fnac à Abidjan : “Vendre Angot et traîner des pieds pour vendre Gauz, faut vraiment le faire”. Cela mériterait en tout cas une explication, histoire d’en comprendre les raisons. Les libraires tireront peut-être une leçon de ce couac, afin d’être plus attentifs aux désirs de leurs clients potentiels, ne serait-ce que d’un point de vue purement commercial. Gageons qu’après cette mobilisation, “Camarade Papa”, sélectionné par plusieurs prix littéraires, ne devrait plus tarder sur les rayons. Pour le plus grand bonheur des lecteurs, qui se réjouissent de déguster cette “histoire de la colonisation comme on ne l’a jamais lue”, ce regard croisé entre Grand-Bassam et Amsterdam, qui propulse Gauz, alias Armand Patrick Gbaka-Brédé, dans le firmament des grands écrivains.
Catherine Morand