Orgueil de Koutoukou: Passées de vie à trépas par un pari de beuverie qu’elles se sont lancé

Du Koutoukou (liqueur locale ivoirienne)
Du Koutoukou (liqueur locale ivoirienne)
Du Koutoukou (liqueur locale ivoirienne)

Orgueil de Koutoukou: Passées de vie à trépas par un pari de beuverie qu’elles se sont lancé

Matinale: Orgueil de Koutoukou

Duékoué. Deux belles. Elles avaient 27 ans et 18 ans. À ces âges, en principe, les rêves ont encore des teintes rosées. La vie est encore le lieu où le meilleur est espéré, quand on ne le voit pas venir au galop. Elles étaient dans cette partie de la Côte d’Ivoire qui, aux premières heures de nos soubresauts ivoiro-ivoiriens, a connu toutes les intensités de la cacophonie meurtrière.

Duékoué. Deux belles. Par un jeudi noir. Jour sombre. Elles en ont bu. De toutes ces boissons assassines que le maigre pouvoir d’achat arrive à offrir encore par temps de morosité économique. Et l’ivresse de soi, l’ivresse du coude levé, l’ivresse du regard des autres ont fini par les conduire à la mort.

Duékoué. Deux belles. Pleines d’elles-mêmes. De leur capacité à ingurgiter autant de koutoukou que Bacchus. Sous les acclamations d’un public friand d’inédits funestes. Plus habitué à côtoyer les dépouilles qu’à célébrer la vie; plus familier des décomptes macabres que des comptes financiers. Ce public a ovationné, incité, complimenté les belles. À boire. À reboire. Jusqu’à la lie. Jusqu’au bout de la vie.

Diantre, plutôt ou Koutoubou !

Duékoué. Deux belles. Passées de vie à trépas. Par un défi d’orgueil, pari de beuverie qu’elles se sont lancé. Pour que la meilleure alcoolique soit ceinte du laurier du dieu sorti de la cuisse de Jupiter.

Duékoué. Deux belles. Muettes rendues par la faux de l’orgueil. Du chef des péchés. Du péché de tête qui fait perdre la tête et la vie aussi. Ce drame du 26 juin, rangé dans la rubrique des faits divers, est révélateur des traumatismes que nous avons subis, tous, autant que nous sommes. Ce drame est une cicatrice des séquelles de presque deux décennies d’option guerrière où, sur la scène sociopolitique, la colère, l’envie, la gourmandise, la paresse, la luxure et, bien évidemment, l’orgueil s’étaient réunis dans une danse macabre.

Seule l’avarice a semblé en retrait. Pingres que nous avons été à mettre un bémol à nos passions dévorantes ; radins de donner le meilleur de nous-mêmes pour honorer et célébrer l’humanité. Aujourd’hui, le bruit entêtant des armes n’est plus audible. Mais, les acouphènes font encore des effets Larsen dans nos vies.

Nous pensons qu’il est possible - et sans doute percevons-nous cela comme la voie la plus rapide – de tout obtenir: la reconnaissance, la gloire, l’argent, et que sais-je encore, en étalant notre moi sur la place publique. Nous sommes convaincus que la force (brutale) règle plus facilement nos différends. Nous sommes donc souvent en embuscade pour porter le coup fatal et, pendant ce laps de temps, nous cessons de vivre ou plutôt cessons de vivre l’essentiel.

Laissant le champ libre aux mauvaises herbes et faisant le lit de la subversion des valeurs. Des femmes Organisent des parties de beuverie et ce sont des hommes qui applaudissent et constatent, heureux, la « résistance des filles ». Des gamines sont conduites à la prostitution par leurs parents, des mômes tuent à l’arme blanche pour un billet de banque, au su et au vu de leurs géniteurs qui les y encouragent, car, dit-on, il faut bien faire bouillir la marmite et que chacun y participe un peu. Mais toutes les nourritures ne sont pas…nourrissantes. Certaines, les plus nombreuses maintenant, hélas, conduisent à notre perte.

Par OUMOU D.