A’Salfo: ‘’Après 20 ans, Magic System a tous les atouts pour continuer’’
Après plus de deux décennies, comment se porte le groupe aujourd’hui ?
Magic System se porte très bien. C’est un groupe qui continue son petit chemin et qui a la chance de fêter 20 ans de carrière. Il veut les célébrer de manière exceptionnelle avec les populations africaines.
Magic System, un groupe dont les membres sont toujours unis. Le monde de la musique le reconnaît aujourd’hui. Qu’est-ce qui explique cette harmonie au sein du groupe ?
Je crois que c’est la culture de la fraternité. En toute chose quand l’amour prend le dessus surtout, il n’y a pas de raison de dislocation, de séparation. On ne va pas dire que pendant ces 20 ans tout a été clean. Il y a eu souvent de petites altercations. L’essentiel est de revenir à la raison après et d’être ensemble malgré tout. Au cours des 20 années, on a su chaque fois mettre en avant l’intérêt du groupe. Il fallait se dépasser soi-même. C’est pourquoi, j’ai parlé d’intérêt du groupe. On pense au groupe avant de parler de soi. On allait au-delà de nos comportements personnels et on devrait tous œuvrer pour l’image, l’union et la cohésion au sein du groupe. Je crois que cela fait partie de la réussite de Magic System. Ce ne sont pas les disques d’or, ni les albums vendus.
Est-ce une force pour vous ?
C’est plus qu’une force.
Quel bilan faites-vous, après 20 années de musique ?
Le bilan que je peux faire, c’est que ces 20 ans nous ont permis de glaner ici et là des lauriers (16 disques d’or, 3 disques de platine). Ils nous ont permis de découvrir des scènes un peu partout dans le monde et d’exporter notre musique et d’acquérir une expérience. Cette longévité, nous la devons au peuple ivoirien qui a su croire et par la suite qui a su nous soutenir tout au long de ses 20 années de carrière.
Magic System n’a pas connu que de succès ?
Nous avons eu la chance de connaître l’échec avant le succès. Parce que l’échec nous permet d’apprendre et de tirer des enseignements et ceux-ci nous ont aidés dans la suite de notre carrière et ont su nous inculquer certaines valeurs de pouvoir contrôler le succès qui est venu plus tard.
Quelle activité marquera de façon spécifique la célébration de ces 20 ans ?
Les activités majeures qui marqueront ces célébrations, ce sont d’abord ces grands concerts que nous allons donner. C’est inédit, nous ne l’avons jamais fait. Ce sont trois concerts d’affilé à Abidjan. Ensuite, le volet scientifique que nous lions toujours aux activités du groupe Magic System. Nous allons profiter encore pour parler de réchauffement climatique à travers des séminaires, des rencontres que nous allons organiser en amont au cours de ces célébrations des 20 ans.
L’Afrique est ce continent qui a vu naître Magic System. Mais c’est le lieu où Magic System est le moins vu. Vous-même vous l’avez reconnu. Une tournée africaine aujourd’hui dans le cadre de la célébration des 20 ans, est-ce inverser cette donne ?
C’est toujours bien de défendre le continent à l’extérieur. Tant mieux pour nous si des opportunités se présentent à nous pour défendre fièrement les couleurs de la Côte d’Ivoire et de toute l’Afrique. Je crois que tout dépendra de la suite des programmes qui peuvent s’imposer à nous. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons voulu consacrer la célébration de ces 20 ans de carrière à l’Afrique qui ne nous a pas trop vus au cours de ces 10 dernières années. Nous allons faire le tour de l’Afrique pour dire merci. Nous donnons la primauté à l’Afrique et après nous entamerons les tournées européennes en 2018.
Au total combien de capitales seront-elles parcoures ?
Nous allons parcourir entre 10 et 15 capitales. Pour le moment nous en sommes à 12 capitales. Les demandes sont encore sur la table. Nous essayons de les étudier avant de les valider. Nous allons parcourir particulièrement l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Après la Côte d’Ivoire, c’est le Mali et ensuite le Niger, le Gabon, la Guinée, le Burkina Faso, le Togo, le Bénin, le Cameroun, le Tchad, le Congo et bien d’autres capitales.
La sortie d’un nouvel album est aussi inscrite au menu des festivités. Où en êtes-vous ?
Vous savez on ne peut tout faire à la fois. On va étape par étape. Là, il y a la célébration. On va lancer d’abord la tournée et l’album pour les 20 ans, on se prépare minutieusement. Et on compte le faire sortir avant la fin de la tournée. N’oubliez pas aussi qu’il y a le livre autobiographique du groupe qui va sortir.
Justement vous parlez de la sortie d’un livre. C’est Magic System qui en est l’auteur ?
Magic System n’est pas l’auteur. Nous avons trouvé quelqu’un qui a plus de disponibilité à le faire et qui connaît l’histoire du groupe. Quelqu’un à qui nous avons parlé pendant toutes ces années qui a su recouper tout ce que nous avons pu dire et qui a sorti quelque chose de fabuleux.
Avant cette célébration, un des vôtres vous a quittés. C’était en 2016. Nous voulons parler de Didier Bonaventure Deigna dit Pepito, votre batteur et chef d’orchestre. Un hommage particulier en sa mémoire est-il prévu au cours des festivités ?
On a une pensée pour lui. Parce que s’il y a quelqu’un qui attendait la célébration de ces 20 ans, c’était lui. Malheureusement un an avant, il est parti et on n’a pas pu le faire. On lui a déjà rendu hommage, à notre manière, en lui dédiant un titre qui se trouve dans le dernier album qui est sorti en France mais qui n’est pas encore sorti ici en Côte d’Ivoire, intitulé Yafoyi. On lui a dédié un titre qu’on a baptisé Pepito qu’on chantera lors des célébrations et cela sera une occasion de lui rendre un hommage.
Lors du dernier Femua, le chef du village éponyme a évoqué le fait que la localité connue aujourd’hui grâce aux Magiciens et au festival souffre malheureusement d’un manque criard d’infrastructures. Avez-vous un programme concret pour Anoumabo, loin de tous les regards et caméras ?
Les projets qu’on a pour Anoumabo sont des projets à long terme. Il ne faut pas qu’on se précipite sur les projets. Je crois que tout s’étudie. On s'approche des partenaires qui sont susceptibles de nous aider. Les projets sont étudiés et validés. Donc Anoumabo a déjà cette chance d’avoir l’un des plus grands festivals de Côte d’Ivoire. C’est un acquis. Anoumabo a eu la chance d’avoir deux écoles construites. Et pour moi c’est déjà louable. Il faut déjà apprécier ce qu’on a et chercher à encourager ceux qui le font. Et ne pas rentrer dans la précipitation, ne pas être trop nécessiteux. On œuvre pour qu’Anoumabo se développe. Mais ce n’est pas à une vitesse.
L’on parle aussi des infrastructures routières de la localité ?
Les infrastructures routières, ce sont des doléances. Nous les avons émises. Je crois que dernièrement j’ai essayé d’approcher les autorités. Et d’obtenir quelques kilomètres de bitume.
Combien de kilomètres de bitume ?
Je crois que si Anoumabo a 6 kilomètres de bitume, cela changerait le visage de ce village. Attendons de voir. On va pas à pas. Je crois que la main tendue est celle qui est toujours en bas. On ne va pas forcer les choses. Cela va prendre le temps qu’il faut. Mais tôt ou tard, Anoumabo aura son bitume.
L’on note par ailleurs que le groupe s’investit beaucoup dans des projets sociaux pour aider les populations partout en Côte d’Ivoire. Que visent réellement les Magiciens ?
Ce sont des choses qui viennent comme ça. On a l’impression que ce sont des inspirations divines. La reconnaissance c’est quelque chose que toute personne doit avoir en soi. On essaie de faire au mieux parce qu'on a grandi ici. On a vu que ce n’était pas facile la vie ici. Et donc si on peut apporter notre petite contribution pour améliorer les conditions de vie des populations, on le fait sans rien attendre en retour. D’aucuns diront qu’il y a un objectif derrière. Il n’y a aucun objectif derrière. On n’a pas besoin d’être maire ou député ou être en campagne électorale pour faire ou promettre des choses. Surtout quand cela vient du fond du cœur, ce sont des cadeaux qu’on ne calcule pas.
Suite aux récentes mutineries qu’a connues la Côte d’Ivoire, l’on a noté la prompte réaction des 4 ''Gaous'' et dont notamment du lead vocal. Une réaction qui a été l’objet de beaucoup de critiques. Les Ivoiriens se demandent pourquoi Magic System a réagi aussi tardivement alors qu’il y a eu plusieurs évènements du genre en Côte d’Ivoire avant 2010 ?
Je veux répondre aux gens pour dire qu’il faut savoir dissocier mon rôle d’artiste-chanteur à mon rôle d’ambassadeur. Avant, il y a eu des évènements en Côte d’Ivoire pourquoi A’Salfo ne parlait pas. Avant je n’étais pas ambassadeur de l’Unesco. Je n’avais aucune mission, aucune légitimité à me prononcer sur des faits. Mais depuis 2012, l’Unesco m’a fait ambassadeur, l’Unesco m’a donné la légitimité de m’exprimer. Donc en tant qu’ambassadeur, je m’exprime. Ce n’est pas Magic System qui s’exprime. C’est Traoré Salif en tant qu’ambassadeur de l’Unesco qui s’exprime. Je rappelle que quand j’ai été nommé à l’Unesco, la mission qui m’a été assignée, est celle de la promotion de la culture de la paix et de l’alphabétisation. Jusqu’à preuve du contraire, j’ai encore ce mandat pour mener ces missions. Avant 2012, je n’avais aucun mandat officiel pour m’autorisait à le faire. Il faut que les gens sachent dissocier parce que ce n’est pas la même chose. Je parle au nom d’une institution qui est l’Unesco. Je ne parle pas au nom de Magic System.
Comptez-vous poursuivre avec le Zouglou ? Autrement dit quels sont les projets pour Magic System les années à venir ?
Les années à venir, c’est de produire des albums et des albums. Et puis se donner les moyens de pouvoir aider les populations, d’œuvrer toujours dans le social et de promouvoir le Zouglou. C’est aujourd’hui une philosophie, un esprit. Magic System 20 ans après, nous avons tous les atouts pour continuer sur cette lancée.
Votre message, celui de Magic System en l’endroit de la jeune génération, la jeunesse ivoirienne qui emprunte le chemin du Zouglou et par ricochet la musique ?
J’ai envie de leur donner un message de prise de conscience et de persévérance parce que ce n’est pas évident aujourd’hui. Il n’y a plus de maisons de disques, plus de producteurs. Les rares maisons qui sont là ne s’en sortent pas. Même quand elles y ont la bonne volonté parce que la piraterie a gangrené un peu le milieu. Et de nos jours tout roule par autoproduction. Il faut être persévérant parce qu’il n’est pas évident dans cet environnement de produire. Alors c’est le courage, c’est d’espérer qu’un jour on puisse sortir de cela parce que c’est une politique que nos gouvernements doivent mener et je crois qu’avec toutes les dispositions qui sont en train être prises, on n’est plus loin du bout du tunnel. Je les amène à garder espoir et la foi. Il n’y a pas de raison qu’un jour cela ne marche pas. Et puis, ce n’est pas seulement aux artistes que je m’adresse. Je veux parler à tout jeune ivoirien. Comme je le dis depuis toujours, il faut qu’on crois en ce qu’on fait. Il faut s’armer de beaucoup de courage et de persévérance. Il ne faut pas qu’on baisse les bras au premier obstacle. Il faut toujours se dire que tout est possible. A cœur vaillant rien n’est impossible.
Interview réalisée par
Edouard Koudou
edouard.koudou@fratmat.info