UNESCO: Audrey Azoulay, l'outsider devenue directrice générale
UNESCO: Audrey Azoulay, l'outsider devenue directrice générale
Elle a obtenu, au 5è tour du scrutin, 30 voix contre 28 à son challenger qatari.
L'ancienne ministre de la Culture de François Hollande, Audrey Azoulay a été élue, ce vendredi 13 octobre 2017, directrice générale de l'Unesco. Forte de son identité plurielle fort utile par ces temps de querelles diplomatiques au sein de l’organisation et de son parcours professionnel entièrement dédié à la culture, la Française a su faire consensus dans une élection où elle apparaissait sur la ligne de départ, comme une outsider face à sept concurrents de poids.
Vendredi 13 octobre, la Française a battu le candidat qatari Hamad bin Abdulaziz al-Kawari 30 voix contre 28 lors du cinquième tour de cette élection à bulletin secret dont les votants sont les 58 membres du Conseil exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science, et la culture.
Lors de cette semaine de campagne, Audrey Azoulay a su combler le retard qu'elle accusait sur les favoris, parvenant même à se placer même en tête mercredi à l'issue du troisième tour.
La Française de 45 ans est revenue pourtant de loin, soutient Romain HOUEIX du JDD. « Sa candidature a été déposée in extremis auprès de l’organisation fragilisée par ses dissensions politiques, à la date limite du 15 mars. Alors ministre de la Culture de François Hollande, elle n'a pu se consacrer pleinement à sa campagne qu'à partir du mois de mai, après la passation de pouvoir avec Françoise Nyssen », écrit-il.
"Elle s'est lancée sans moyens, autant dire en brasse coulée. Mais elle a un vrai projet, et de plus en plus de soutiens. On commence à se dire que c'est jouable", pointait l'un de ses conseillers début octobre sur Europe 1. "Tout est possible. Il y a huit ans, personne n'avait vu venir Irina Bokova [l'actuelle présidente de l'Unesco]", aimait rappeler elle-même Audrey Azoulay.
L'atout diversité d'Audrey Azoulay
Pour briguer ce poste, estime le confrère, « l'ancienne ministre a insisté sur la nécessité de redonner à l'Unesco sa vocation universelle. Un objectif difficile à l'heure où certains pays membres comme le Japon, la Chine, les États-Unis ou Israël tentent de politiser l'action de l'agence. En plein scrutin, ces deux derniers ont d'ailleurs annoncé leur retrait de l'Unesco pour protester contre son action "anti-israélienne".
Face à ces dissensions, Audrey Azoulay a su faire consensus. « Elle met en avant son pedigree. Sa famille est l'incarnation vivante des liens qui unissent les deux rives de la Méditerranée : sa grand-mère est juive séfarade. Son père, conseiller auprès du roi du Maroc, et sa mère, écrivaine, ont toujours vécu entre Rabat et Paris où Audrey Azoulay est née en 1972. Sa tante est également une femme de lettres, et journaliste à Télérama ».
Heureux concours de circonstance
Un heureux concours de circonstance est venu compléter le tableau pour hisser Audrey Azoulay au sommet : le retrait des Etats-Unis et d’Israël de l’Unesco, accusée d’être anti-israélienne, en plein processus électoral. « Une crise inédite qui a transformé Audrey Azoulay, outsider dans cette course il y a encore un mois, en candidate de consensus. Elle succède ainsi à la Bulgare Irina Bokova, qui a dû gérer, pendant son mandat, l'admission à l'Unesco de la Palestine - reconnue ainsi par l'agence comme un Etat à part entière - et le début de la crise interne avec les Etats-Unis et Israël », soutient le JDD.
Dans sa nouvelle fonction, poursuit le journal français du dimanche, Audrey Azoulay va donc devoir faire preuve d'un sens très diplomatique, se trouvant ainsi devant un défi inédit. Mais elle dispose d'un atout de taille : sa bonne connaissance des tensions au Proche-Orient. "J'ai grandi dans un milieu très à gauche, confie-t-elle au JDD en février 2016. Un milieu politisé sur le conflit israélo-palestinien. A la maison, on parlait de politique internationale." Née à Paris en 1972, elle a grandi dans une famille juive marocaine. Sa mère, Katia Brami, est une femme de lettres ; son père, André Azoulay, a longtemps été conseiller du roi du Maroc Hassan II puis de son fils Mohammed VI. Tous deux n'ont cessé de faire le lien entre le monde arabo-musulman et les communautés juives, rappelle sa biographie.
La nouvelle Directrice générale –dont l’élection devra ensuite être confirmée début novembre, peut se targuer d'un CV bien rempli : « ancienne élève de l'Ecole nationale d'administration, qui forme les élites françaises, maîtrises de gestion à l'université Paris Dauphine et à l'université britannique de Lancaster, Sciences-Po à Paris. Elle a travaillé durant ses études dans le secteur bancaire, expérience qu'elle dit avoir "détestée". Elle a ensuite été magistrate à la Cour des comptes après avoir occupé plusieurs fonctions à la Direction des médias du ministère de la Culture ».
Elle est entrée au Centre national du cinéma (CNC) comme directrice financière en 2006, avant de devenir, de 2011 à 2014, la numéro deux de cet organisme en charge du système d'aide à la création cinématographique.
Pourra-t-elle redorer le blason de l’Unesco et sortir l’organisation de la crise financière qui affecte ses ambitions d’être la conscience des nations unies, comme se plaisait à le dire le célèbre Léon Blum ? Réponse dans quatre ans, au terme du premier mandat.
Valentin Mbougueng