Luis Prados Covarrubias (ambassadeur de l’Espagne en Côte d’Ivoire) : " Les entreprises espagnoles seront de plus en plus présentes "

Luis Prados Covarrubias (ambassadeur de l’Espagne en Côte d’Ivoire) : " Les entreprises espagnoles seront de plus en plus présentes "
Luis Prados Covarrubias (ambassadeur de l’Espagne en Côte d’Ivoire) : " Les entreprises espagnoles seront de plus en plus présentes "

Luis Prados Covarrubias (ambassadeur de l’Espagne en Côte d’Ivoire) : " Les entreprises espagnoles seront de plus en plus présentes "

Excellence, l’Espagne célèbre aujourd’hui 12 octobre, sa fête nationale. Que représente cette date dans l’histoire de votre pays ?

Le 12 octobre représente la date de l’arrivée des Espagnols en Amérique. C’est la date qui marque la rencontre entre deux mondes et avec elle le début d’une nouvelle aire, avec de grands changements culturelles, économiques et sociaux. En Côte d´Ivoire, il suffit de rappeler que le cacao vient de l´Amérique, concrètement du territoire qui est aujourd´hui le Mexique. Ce 12 octobre a donné une énorme projection internationale à l´Espagne en le propulsant dans une position globale et en donnant lieu à une culture hispanique riche, variée et multiforme, qui se exprime en espagnol.

Combien de personnes justement parlent l’espagnol dans le monde ?

Plus de 500 millions de personnes parlent aujourd’hui l’espagnol dans le monde. Elle est l’une des plus importantes langues de communication internationale.

 

Depuis quand datent les relations diplomatiques entre l’Espagne et la Côte d’Ivoire ?

Les relations diplomatiques entre l’Espagne et la Côte d’Ivoire remontent aux premières années de l’accession à l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Ces relations ont toujours été excellentes, entre les instances officielles mais aussi entre les deux peuples. Les rapports privilégiés entretenus par le Roi Juan Carlos I et le président Félix Houphouët-Boigny ont contribué à renforcer les liens entre les deux peuples. Le roi Juan Carlos I est venu à deux reprises en Côte d’Ivoire, en 1979 et 1995.

 

Quel est l’état de ces relations aujourd’hui ?

Nos rapports sont excellents. Ces dernières années ils se sont accrus considérablement, aussi bien sur le plan politique qu’économique et culturel. Le mois de juillet passé est venu en Côte d´Ivoire le Ministre des Affaires Etrangères, Alfonso Dastis, et sa visite a servi pour faire le point sur l´état des relations bilatérales et pour prévoir de nouvelles initiatives de coordination politique et de coopération dans différents secteurs économiques, dans la formation et dans la culture. L’Espagne, qui a appuyé l’accès de la Côte d´Ivoire au Conseil de Sécurité des Nations Unies, se réjouit de son élection et se montre disposée à partager avec elle son expérience récente dans cette institution et ses contributions en faveur de la paix, notamment à travers des mesures de prévention des conflits, la lutte contre le terrorisme et le développement, des sujets aussi prioritaires dans le programme de la Côte d´Ivoire pour son mandat au Conseil de Sécurité.

Une très bonne nouvelle pour les relations bilatérales a été la conclusion de l´accord sur la conversion de la dette de la Côte d´Ivoire avec l´Espagne, signé le 9 octobre par le Premier Ministre, Amadou Gon Coulibaly, après avoir été signé par la partie espagnole.

Quelles sont les implications de ce programme de conversion de la dette en investissement pour le développement ?

L’Espagne est aux côtés de la Côte d’ivoire dans sa lutte contre la pauvreté et dans ses efforts pour aller vers l’émergence. Grâce à cette initiative, qui fait suite à la remise en 2013 de par l’Espagne de la dette ivoirienne préalable au point d´achèvement, plus de 50 millions d’euros vont être l’objet d’une remise sèche et une somme pareille va être destinée à financer des projets de développement dans les domaines de l’eau et de l’électricité. Cet accord, d´un autre côté, ouvre la porte à l´utilisation d´autres instruments de financement pour les entreprises espagnoles en Côte d´Ivoire, ce qui fait penser que les investissements espagnols en Côte d´Ivoire, déjà en croissance depuis un certain temps, vont se multiplier dans les années à venir.

Justement à ce propos, combien d’entreprises espagnoles sont établies en Côte d’Ivoire ? On n’a pas l’impression qu’il y en a beaucoup…

Comme entreprises établies ici, il y en a 26. Qui sont actives dans différents domaines comme les infrastructures, l’électricité, l´énergie, la transformation du cacao, les Btp (Bâtiment et travaux publics), etc.

Quel est le niveau des échanges commerciaux entre nos deux pays ?

Les relations commerciales avec la Côte d’Ivoire ont beaucoup évolué. Les exportations espagnoles ont passé de 136 millions d’Euros en 2012 à 239 millions en 2016. Les importations que l’Espagne fait de la Côte d’Ivoire, ont passé de 199 millions d’Euros en 2012 à 378 millions en 2016. Soit un volume d’échanges d’environ 600 millions d’Euros, presque le double qu´en 2012.

Sur quoi concrètement portent ces échanges ? Qu’est-ce que l’Espagne vend et achète en Côte d’Ivoire ?

La Côte d’Ivoire reçoit de l’Espagne des produits assez diversifiés. Des appareils électriques, mécaniques, du matériel de construction, des boissons, du poisson…

L’Espagne importe du cacao, de l’hévéa, de l’huile etc. Il faut surtout signifier que la balance est en faveur de la Côte d’Ivoire.

En 2014 le bureau économique et commercial de l’ambassade, qui avait fermé un moment, a rouvert. Ce qui dynamisé les relations économiques et a facilité la visite de 200 entreprises espagnoles depuis cette année jusqu´au 2017.

 

Excellence, à quand un vol d’Iberia en Côte d’Ivoire ?

Je ne saurais le dire avec exactitude. Cependant je pense que sur la question, on doit être optimiste. Il y a des échanges qui sont en cours pour desservir la destination Abidjan, pas forcément par Iberia mais par d’autres compagnies espagnoles.

 

Est-ce que beaucoup d’Ivoiriens vont visiter l’Espagne

Il y en a de plus en plus et notre volonté est de multiplier les destinations en misant sur d’autres villes des différentes régions. Je pense que la diversité culturelle et géographique de l´Espagne offre des destinations intéressantes pour tous les ivoiriens. Je peux citer l´exemple des îles Canaries (l'archipel est l'une des dix-sept communautés autonomes d'Espagne) qui ont beaucoup d´atouts touristiques et commerciaux et qui sont proches de l´Afrique de l´Ouest.

 

Combien de ressortissants espagnols vivent en Côte d’Ivoire ?

Nous avons une petite communauté en Côte d’Ivoire. Il y a environ quatre cents soixante personnes enregistrées à l’ambassade et qui vivent en Côte d’Ivoire de façon permanente. Il y a des religieux qu’on retrouve sur l’ensemble du territoire parfaitement intégrés à la vie ivoirienne, des expatriés des compagnies multinationales, des travailleurs qui ont obtenu un emploi ici, des hommes d’affaires et aussi des époux ou des épouses qui ont rejoint leurs conjoints. Il faut dire que cette communauté s’accroit avec le nombre de plus en plus grand d’investisseurs espagnols qui accourent.

 

Que faites-vous pour le développement culturel notamment de la langue espagnole en Côte d’Ivoire ?

Au niveau de la langue, il y a déjà une base importante sur laquelle s’appuient les relations entre les deux peuples. En ce moment, il y a autour de 400 000 élèves qui ont l’espagnol comme langue au programme dans les collèges et lycées de la Côte d’Ivoire. 2600 étudiants l’étudient dans les universités ivoiriennes Félix Houphouët-Boigny de Cocody et Alassane Ouattara de Bouaké. Ce qui fait une profonde pénétration de la langue espagnole et de la culture hispanique dans le pays. A travers la langue ces élèves et étudiants ont une idée de l’Espagne et des autres pays hispanophobes.

Au niveau de l’ambassade, nous avons un programme pour la diffusion de la culture et pour appuyer les élèves et aussi les professeurs. Nous travaillons avec les nombreux clubs d’espagnol et associations qui existent dans les établissements du pays. Nous avons beaucoup de contacts avec ces étudiants et ces élèves. Nous organisons des séminaires avec les professeurs d’espagnols pour renforcer leurs aptitudes pédagogiques et aussi leur permettre de s’enrichir de l´expérience des uns et des autres.

Nous avons aussi un programme culturel mensuel avec des activités de lecture de théâtre, du cinéma, etc. Le mois de mai passé, à l´occasion du Salon Internationale du Livre d´Abidjan, où l´Espagne a été l´invité d´honneur, nous avons fait une semaine culturelle avec des concerts, expositions et conférences dans plusieurs espaces de la ville.

 

On assiste ces derniers mois à une arrivée massive des migrants en Europe. Quelle est la politique espagnole face à ce fléau ?

L’Espagne est un pays d´immigration depuis un certain temps, mais dans les années 2006-2007 il y a eu une grande vague d´immigration venant de l´Afrique et l´Espagne a réagi avec une approche intégrale, qui situe le dialogue sur les migrations dans un contexte général où le développement des pays d´origine et de transit occupe une position centrale. Le dialogue avec les pays africains sur la migration a donné des fruits intéressants. D´un autre côté, dans le cade européen, l´Espagne a fait preuve de son engagement à l´occasion de l´établissement du Fonds fiduciaire de la Valette.

 

Le terrorisme n’a plus de frontière et votre pays, tout comme la Côte d’Ivoire, n’est pas épargnée…

L’Espagne est depuis longtemps victime du terrorisme. Vous vous souvenez de la douloureuse période des attentats terroristes de l’Eta. Mon pays en a beaucoup souffert. Aujourd’hui comme beaucoup d’autres pays du monde, l’Espagne est confrontée au djihadisme. En août 2017, par exemple, le pays a été endeuillé par les attentats sur les Ramblas, à Barcelone, qui ont occasionné un lourd bilan, 13 morts et une centaine de blessés, mais avant, en 2004, il y avait eu les attentats qui ont touché Madrid et ont laissé 190 victimes mortelles

Il est clair que pour venir à bout de ce terrorisme, il faut une franche collaboration entre les différents pays, la mise en place des stratégies communes, le partage d´information et agir ensemble pour mettre fin au financement des groupes terroristes ou proches des terroristes.

Excellence, on ne peut pas évoquer la politique espagnole aujourd’hui sans parler de la Catalogne. On peut espérer voir toujours une Espagne telle qu’on la connait aujourd’hui ?

C´est qui est en train de se passer en Catalogne est très grave et non seulement pour l´Espagne mais aussi pour tous les pays démocratiques où il y a sécurité juridique et la loi protège à tous les citoyens.

Les autorités autonomes de la Catalogne ont pris une série de décisions en violation de la Constitution, de la règle fondamentale de la région autonome catalane et du règlement interne du propre Parlement catalan. Face à cette situation, les institutions de l’Etat ont réagi en défense de la loi et de droits et libertés de tous les citoyens, comme elles sont obligées de le faire. Les libertés d’expression, d’opinion, de circulation ont été toujours sauvegardées et l’intervention des forces de sécurité a eu pour but uniquement de rendre impossible un vote déclaré illégal par les tribunaux. J´espère que le bon sens prévaudra et qu´il aura un retour à la légalité.

Interview réalisée par Venance Konan