Crise post-électorale/Philippe Mangou: ‘’Ils n’ont pas joué franc-jeu’’
Le lundi 25 septembre, a débuté, à La Haye, aux Pays-Bas, l’interrogatoire de l’ex-chef d’état-major des armées, Philippe Mangou. Le général de division est auditionné dans le cadre du procès de l’ancien Chef d’Etat, Laurent Gbagbo et de l’ex-leader des jeunes, Charles Blé Goudé, co-accusés de crimes contre l’humanité pour leur participation dans la crise post-électorale de 2010-2011 qui a fait plus de 3000 morts.
Philippe Mangou a été interrogé par le substitut procureur,Mac Donald,sur ses rapports avec les différents protagonistes lors de la crise. D’un côté, avec Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. De l’autre, avec les chefs des grands commandements de la grande muette.
Le chef d’état-major a particulièrement accablé l’ex-général Dogbo Blé, patron de la Garde républicaine et commandant militaire du palais sous le régime Gbagbo. « Nommé commandant militaire du palais en 2002, il s’est vu pousser des ailes au point d’arrêter, en 2010, des anciens comme le général Coulibaly, car il sortait du golf. C’était une aberration. Il ne respectait plus personne et je crois que c’est sa fonction qui a fait qu’il s’est mis sur ce piédestal », a martelé l’ex-homme fort de l’armée ivoirienne.
Revenant sur l’assassinat du colonel-major Dosso Adama, le 12 mars 2011, assassinat imputé aux hommes de Dogbo Blé, le témoin a confié que la victime « sortait du golf » quand « Dogbo Blé a fait arracher ses portables ». « Vous savez, la fonction, quand on l’occupe, on s’oublie soi-même et c’est quelquefois dangereux », a-t-il dénoncé, parlant de « changement brusque » chez Dogbo Blé.
« A Dogbo Blé, j’ai fait ces remontrances et je crois qu’il a compris », a-t-il dit, évoquant des moments de « supercherie» de la part des généraux Edouard Kassaraté, ex-patron de la gendarmerie nationale et Brédou M’Bia, ex-directeur général de la police nationale. « Au moment où on avait besoin d’effectifs pour travailler sur le terrain, le général Kassaraté et le directeur général de la police n’ont pas joué franc-jeu (…) Ils ne voulaient pas fournir d’effectifs », a-t-il déploré.
« Sur un effectif d’environ 15.000 gendarmes, le général Kassaraté me donnait 500 personnes. Sur un effectif de près de 20.000 policiers, le général Brédou me donnait 1250 personnes », a-t-il poursuivi. « Ils n’ont pas été francs avec nous, non pas parce qu’ils étaient avec l’autre camp. Mais ils surfaient sur un fil », a-t-il asséné, précisant, toutefois, qu’il a eu des compagnons d’armes « excellents ». Parmi ceux-ci, l’ex-commandant Konan Boniface.
Philippe Mangou a souligné qu’il voyait « très peu » certains généraux tels que Guai Bi Poin, alors commandant de l’école de la gendarmerie nationale et chef de l’unité d’élite Cecos. « Bien que sa mission initiale soit la lutte contre le grand banditisme, nous l’avons utilisé pour certaines missions », a-t-il révélé.
L’ex-Cema faisait des propositions concernant des hauts gradés, mais les chefs des grands commandements étaient nommés par « décret présidentiel ». Il a indiqué qu’il avait avec Gbagbo « des relations de chef à collaborateur » sans plus. « Jamais » Philippe Mangou, n’a eu de « rencontre avec Blé Goudé à la Présidence en présence de Laurent Gbagbo » lors du conflit. « Je l’ai rencontré seul, le 11 mars 2011, dans mon bureau à l’état-major », a-t-il dit, avouant, néanmoins, que « Blé Goudé était très proche » de Gbagbo qu’il « rencontrait souvent ». Pour lui, le Cojep, organisation créée par Blé Goudé, est « un appendice pro-Gbagbo (…) proche du Fpi.»
Concernant l’ex-Première dame, il a affirmé : « J’ai été en contact avec Simone Gbagbo une seule fois durant la crise, lorsqu’il y a eu les événements d’Anokoua kouté ».
Philippe Mangou a révélé que le Cci (Centre de commandement intégré), « conjointement dirigé » par le général Soumaïla Bakayoko et lui-même, a « supervisé le processus électoral jusqu’aux résultats du second tour de la présidentielle ». « Au moment de la période électorale, nous avons tous travaillé en mixité avec nos frères d’armes des forces armées des forces nouvelles au sein du Cci », a-t-il confié.
« Notre mission, c’est de défendre la population, ce n’est pas de la tuer. C’est pour cela que nous n’avons pas réussi notre mission à Abobo. Parce que ceux qui nous tiraient dessus, se fondaient ensuite dans la population », s’est-il défendu. « On ne fait pas un tir de mortier que pour tuer », mais l’armée, une fois réquisitionnée, emploie « les moyens lourds pour faire la décision ». « C’est pourquoi, avant de faire recours à l’armée, il faut bien réfléchir », a lâché l’ex-chef de la grande muette aujourd’hui ambassadeur.
Avant lui, les généraux Kassaraté Edouard et Guiai Bi Poin étaient à la barre.
Benoît HILI