Liqueur frelatée : De l’alcoolique à l’hépatique
Sans le moindre remord, des sponsors au regard de condor sacrifiaient des liasses sur l’arène des folies dionysiaques. Ils pariaient sur les tocards d’un combat vain dans un bain de vin sans fin. Des libations aux invocations et autres incantations, la tentation avait fait son lit dans le cœur vide des mâles avides d’hallucinations.
Chaque soir, des réservoirs ambulants aux allures de loir viennent boire à la foire en racontant des histoires sans gloire, au gré de ceux qui veulent bien les croire. Quel déboire ! Dans la foulée de l’inspiration, de véritables talents cachés se révèlent et donnent des vertiges à l’assistance de la décadence.
Des chansons en vogue fredonnées hors gamme, aux pas de danse les plus maladroits, chacun élève la voix en professant sa foi au grand dam de son foie qui se noie dans les effluves de l’alcool. C’est vrai, parfois l’alcool console quand on se désole, mais il faut savoir souvent éviter les camisoles qui déboussolent et retrouver le nord qui honore.
Mon voisin dirige le club des alcoolos du quartier. Il en est le président et depuis qu’il est aux commandes, il a fait du frelaté une merveille à relater dans les milieux ratés de la contrée. Avec lui, la liqueur est une affaire de cœur. D’ailleurs, il étouffe ses rancœurs dans la liqueur. Il se fout des regards moqueurs.
Chaque jour, il prend la garde au kiosque en compagnie de mioches à peine sevrés, pour une partie de noyade au sirop. Il en fait trop et si vous le conseiller d’arrêter, il vous réplique que l’alcool est son idole et la moindre mole de gnôle à l’éthanol est un pactole. Quand l’alcool fait école chez le frivole alcoolo de haut vol, on ne peut qu’assister à la farandole. Quel ras-le-bol !
De boule en boule, mon voisin se soûle et est en boule sans sa dose de cirrhose. Presque sans foi, il se ploie sous le poids de sa croix. De sa voix, il ne reste qu’un croassement inaudible percuté sans acuité. Dans les yeux du soulard au regard hagard, s’égarent des phares blafards, remplis de brouillard. Ses lèvres délavées sont les margelles d’un volcan béant qui boue de l’intérieur, avec ferveur et chaleur. Entre les quintes de toux qui ponctuent sa vie de sangsue, l’invétéré se tue aux compte-gouttes, goutte-à-goutte, coûte que coûte.
Je n’ai rien contre l’alcool, j’admire même le kamikaze qui s’immole à l’alcool, bol par bol, jusqu’aux colles. Mais il faut vraiment avoir du bol pour échapper aux méfaits de l’alcool. Comme c’est drôle de voir ces jeunes et vieux boire du matin au soir, sans jamais savoir ni pouvoir s’imposer le devoir de vivre moins ivre.
Attention aux crises hépatiques, toute catégorie alphabétique ! Diluez vos faiblesses alcooliques d’un peu de glaçons de raison. Et croyez-moi, il n’y a pas de petite hépatite, l’appétit alcoolique est un défaut merdique ! À bon entendeur, santé ! .
CLÉMENT ZONGO