Côte d'Ivoire: Quel type de cadres voulons-nous?
Côte d'Ivoire: Quel type de cadres voulons-nous?
Il y a quelques années, à Abengourou, le cadre dont les jeunes étaient le plus fiers était Joseph Aka Anghui. Il dirigeait l’une des plus grosses entreprises du pays et on disait avec fierté qu’il commandait des Blancs.
Mais l’époux de la maire de Port-Bouet était aussi le plus critiqué. On lui reprochait de ne pas remplir sa société d’Agni. Il avait financé avec des fonds personnels quelques ouvrages publics mais ce que chacun voulait, c’était que chaque fils d’Abengourou, même sans le moindre diplôme, soit cadre à Blohorn.
Dans la même région de l’Indénié, un autre cadre avait eu des démêlés judiciaires avec son employeur, le trésor. Les fils et filles ont été mobilisés pour aller demander pardon au Président Bédié, Chef de l’Etat à l’époque, « parce que c’est lui qui aidait tout le monde dans la région ».
On lui reprochait le détournement de deniers publics que ses parents étaient fiers de justifier par les nombreuses aides apportées à ses frères et sœurs. A Lakota, on égrène avec fierté les aides et surtout les réussites aux concours: « là, où on a eu un fils ». Depuis l’époque de Boga Doudou.
Dans certaines entreprises nationales, on peut conter l’histoire des différents directeurs en comptant le nombre d’employés par région. La démocratie qui devait promouvoir la gestion saine, la recherche de la compétence a malheureusement aggravé ce repli régional. Tu veux être élu dans ta région ? Tu seras jugé par le nombre de personnes que tu auras aidé. Aider à avoir un emploi sans passer par la voie normale. Aider surtout par des espèces sonnantes qu’il faudra distribuer à gogo sans assurance que les bénéficiaires en feront bon usage.
Tu veux avoir une visibilité dans ta circonscription ? Il faut être parrain çà et là. Ça coute dessous mais il faut le faire sous peine d’être vomi. Où trouver tout cet argent ? La question elle-même est une réponse à une autre interrogation : pour-quoi a-t-on du mal à avoir des cadres honnêtes ? Une société a les hommes qu’elle veut.
Des travailleurs acharnés, honnêtes ou des généreux aux bilans entachés? C’est comme la dot. Ce sont les beaux-parents qui la fixent. Une bouteille de gin ou autre liqueur, des pagnes ou de la cola ? Le soupirant, lui, les offrira. Aux parents de sa dulcinée de dire ce qui les séduit.
Le jour où on jugera nos cadres candidats par leurs programmes cohérents pour la gestion de la chose publique, le jour où on célébrera nos élus par leurs réalisations, on fera un bond. Enorme.
En attendant, on a faim. Laissez-nous manger. Dans l’assiette de grilleurs d’arachide. On le sait mais on feint de l’ignorer.
Bledson Mathieu