L’école des maris

L’école des maris

C’est le titre d’une comédie de Molière et c’est aussi le nom d’une stratégie. Mais si la comédie tourne en dérision la stupidité d’un tuteur impérieux, Sganarelle, qui réduit  sa pupille Isabelle à n’avoir d’autre distraction que de suspectes causeries avec le maître des lieux et aussi à tricoter des bas, la stratégie, elle est une démonstration de la dignité de certains hommes, en Afrique.

La violence contre les femmes, le plus universel et le plus impuni des crimes

Pendant longtemps et même aujourd’hui, les violences basées sur le genre (vgb) ont été reléguées dans la sphère de l’intimité familiale. Estampillées comme « vie privée » du couple  et domaine  qui devrait échapper à l’état, les pouvoirs  n’interviennent que rarement, si l’ordre public n’est pas troublé par les tribulations maritales. Cela explique  souvent que les services de sécurité  dont la police  ont tendance à voir  cette forme de barbarie  ( l’humiliation , le harcèlement , les mutilations génitales , les violences  conjugales, les mariages précoces etc) comme relevant  du domaine privé, donc traditionnellement hors du champ de l’intervention  étatique.

Or selon le Fonds de développement  des nations unies pour la femme (Unifem) en 2008, la Vgb est le plus universel et le plus impuni de tous les crimes. Vous comprendrez  donc que vous ferez œuvre utile en prenant une part active à toutes les luttes visant à les réduire. Vous pourriez, par exemple, être membres de l’école des maris.

De quoi s’agit-il ?  De prouver par des actes  que, malgré la goujaterie ambiante  et bien perceptible, des hommes ont compris leur indispensable  implication dans la lutte  contre la mortalité  maternelle et infantile. Une enquête  de l’Unicef, datant de 2000, rapportait  que 44% des femmes  nigériennes âgées  alors de 20 à 49 ans, avaient  été mariées avant l’âge de 15 ans et avaient eu précocement  des grossesses rapprochées.

Cette situation  ajoutée à l’absence  de consultations  prénatales, a entraîné de nombreux cas de décès aussi  bien  chez la mère  que chez l’enfant. Face  au taux  élevé de femmes qui mouraient en donnant la vie, et par ricochet  aux décès  néonatals, l’idée de l’école des maris a germé. L’initiative a commencé au Niger dans la localité de Zinder, en 2007. Aujourd’hui, pour cette seule  région, il y a  130 écoles des maris et ce ne sont pas que des murs érigés. Il faut  comprendre l’école dans sa portée  la plus noble : le lieu où se construisent les choses essentielles. Ici, l’implication  des hommes dans les activités de santé de la reproduction (planning familial, lutte contre les mariages précoces, fréquentation  des centres de santé, etc).

Les « écoliers »  hommes et femmes, dans une dynamique  de groupe, sont  encadrés par un spécialiste de la santé. Et l’expérience  très porteuse des maris modèles du Niger, a fait  des émules à travers le continent : en Côte d’Ivoire  et au Burkina Faso précisément. Il n’y a plus qu’à souhaiter que dans ces pays aussi, cela fasse école et contribue à repousser les barrières de la misogynie.

Dans le fond (et dans la forme), à travers la lutte contre la Vbg, il ne s’agit pas de percevoir l’homme comme un rustre uniquement soucieux de prouver sa domination. Il est question plutôt  de mettre l’accent sur la nécessité de prendre des mesures, d’engager  des actions vers les pays où les femmes sont tuées, violées de par leur simple condition de femmes. Pourquoi ne pas soutenir toutes les initiatives et commencer les vrais combats au niveau national pour la cause des femmes ? Revoir les différences salariales, l’inégalité dans les équipes dirigeantes des entreprises publiques et privées, entre autres.

Par Oumou D.