Constitution ivoirienne: Les articles susceptibles d’être soumis à révision
Constitution ivoirienne: Les articles susceptibles d’être soumis à révision
Le gouvernement ivoirien a adopté lors du Conseil des ministres du 6 avril 2016, un projet de loi organique portant organisation du référendum pour l’adoption de la Constitution. Cette nouvelle Constitution, selon le gouvernement, entend prendre en « compte la réalité du contexte politique et économique de la Côte d’Ivoire. » Pour le gouvernement, celle du 1er août 2000 qui fonde la 2ème République, dans son application, a « conduit le pays à une décennie de crises politique, sociale et militaire » aux séquelles encore visibles.
Mais avant, le Chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, a exprimé lors du discours inaugural au cours de sa prestation de serment après sa réélection, son intention d’organiser un référendum constituant pour fonder la 3ème République en fin 2016. Également, il va réitérer cette intention lors de la cérémonie de remise du rapport annuel de la Haute autorité de la communication audiovisuelle, le 12 février 2016.
Toute chose qui a fait dire à Martin Bléou, Professeur titulaire de Droit public à l’Université Félix Houphouët-Boigny, que « l’orientation empruntée par le Président de la République ne laisse pas surprendre plus d’un observateur de la vie politique en Côte d’Ivoire ». C’était lors du séminaire interne sur le renforcement des capacités des membres de la Plate-forme de la société civile pour l’observation des élections en Côte d’Ivoire (Poeci) sur la loi fondamentale, les 16 et 17 février 2016. Au cours de ce séminaire, l'homme de droit a évoqué les articles de la constitution susceptibles d'être soumis à révision.
« L’article 35 qualifié d’attentatoires à l’unité nationale »
Cette réforme constitutionnelle annoncée par le gouvernement se fonde aussi sur les recommandations de la Table ronde de Linas-Marcoussis, en France. A l’époque, a rappelé le Professeur Bléou, les protagonistes de la crise ivoirienne et toutes les forces politiques significatives, ont préconisé, à la satisfaction de tous, la révision de l’article 35 de la Constitution en des termes arrêtés et consignés.
S’agissant des dispositions constitutionnelles susceptibles d’être soumises à révision, il a donc évoqué en premier lieu l’article 35 de la Constitution du 1er août 2000. « C’est que l’article 35 de la Constitution pose, relativement, à l’éligibilité à la Présidence de la République, des conditions sévères qui ont été qualifiées d’exclusionnistes ou d’attentatoires à l’unité nationale », a-t-il expliqué. Avant de souligner que sa mise en œuvre a eu pour effet de rendre inéligibles nombre de personnes qui, en 2000, avaient fait acte de candidature à l’élection présidentielle. « Il a donc été prévu que cet article soit modifié (…) La révision préconisée devait tendre, fondamentalement, à remplacer la conjonction et par la conjonction ou. Ainsi, le candidat à l’élection présidentielle ‘‘doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine’’ », a indiqué le constitutionnaliste.
Autres articles visés
Selon lui, outre l’article 35, la révision constitutionnelle pourrait concerner les « faiblesses de forme ou de formulation » en vue de « combler les lacunes du texte, sans omettre de corriger les erreurs matérielles. »
Article 97
« Les projets ou propositions de loi et les projets d'ordonnance peuvent être soumis pour avis au Conseil constitutionnel », stipule cet article.
Cet article dira, le constitutionnaliste, est reconnu contraire à la Constitution par la technique du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception. La nouvelle Constitution pourrait, propose-t-il, désigner le président de l’Assemblée nationale comme l’organe compétent pour solliciter l’avis du Conseil constitutionnel à propos des propositions de loi.
Article 95
« Les engagements internationaux visés par l'article avant leur ratification, les lois organiques avant leur promulgation, les règlements de l'Assemblée nationale avant leur mise en application, doivent être déférés par le Président de la République ou le président de l'Assemblée nationale au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution. Aux mêmes fins, les lois, avant leur promulgation, peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale, tout groupe parlementaire ou 1/10e des membres de l'Assemblée nationale. La saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation ».
Article 84
« Le Président de la République négocie et ratifie les traités et les accords internationaux. »
Article 85
« Les Traités de paix, les Traités ou Accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui modifient les lois internes de l'État ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d'une loi. »
« Au titre des erreurs matérielles, à corriger, il s’impose que l’article 95 de la Constitution soit modifié dans le sens d’une rectification: l’article 84 de la Constitution, visé à tort par l’article 95 de la Constitution, doit céder la place à l’article 85 de la Constitution », soutient le Professeur Martin Bléou.
Les propositions du Conseil constitutionnel
Selon lui, outre ces articles, les propositions du Conseil constitutionnel issues de deux séminaires de réflexion, tenus en 2012 et 2013, et soumises au Président de la République, pourraient être prises en compte.
« Ces propositions tendent à provoquer des modifications constitutionnelles touchant le statut du Conseil constitutionnel, ses compétences et ses pouvoirs », a-t-il souligné. Avant d’ajouter que répondant à ces propositions, lors de la cérémonie solennelle des 20 ans du Conseil constitutionnel, le Chef de l’État s’est engagé à prendre les initiatives nécessaires. Par ailleurs, et l’en croire, il n’est pas à exclure que d’autres éléments apparaissent le moment venu. C’est d’ailleurs pourquoi, dira-t-il, « la Constitution à venir différera de celle du 1er août 2000 en ce qu’elle s’attachera à faire disparaître les dispositions confligènes » (…)
Évoquant la volonté du Chef de l’État d’instituer un poste de vice-président, Professeur Martin Bléou s’est interrogé: « Quel en sera le mode de désignation ? Quels seront ses attributions, ses rapports avec le Président de la République ? »
La Côte d’Ivoire a connu 10 révisions constitutionnelles
Selon Professeur Martin Bléou, l’idée de révision de la Constitution est une constante qui traverse la vie juridique et politique. « Si l’on part de la Constitution du 3 novembre 1960, qui est celle de la première République, on note que ladite Constitution consacre un titre (le titre XII) à sa révision. Sur cette base, huit (8) révisions ont été opérées sous le Président Félix Houphouët-Boigny et deux (2) sous le Président Henri Konan Bédié, dont la dernière, celle du 2 juillet 1998, « a touché 53 articles sur un total de 76… Ce qui a appelé de vives critiques tant de la part des juristes que des politiques », a-t-il rappelé.
CHEICKNA D. Salif
salifou.dabou@fratmat.info