SEM Luis Prado Covarrubias, ambassadeur d’Espagne en Côte d’Ivoire: "Que les agents économiques aillent de plus en plus en Espagne"

SEM Luis Prado Covarrubias, ambassadeur d’Espagne en Côte d’Ivoire
SEM Luis Prado Covarrubias, ambassadeur d’Espagne en Côte d’Ivoire
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SEM Luis Prado Covarrubias, ambassadeur d’Espagne en Côte d’Ivoire: "Que les agents économiques aillent de plus en plus en Espagne"

Excellence, après 6 mois de présence an Côte d’Ivoire, quelles sont vos impressions ?


Mes premières impressions sont très bonnes. C’est un pays particulièrement intéressant dans le contexte de la Sous-région. C’est un pays varié, dynamique, qui a une histoire brillante et très riche culturellement. Les Ivoiriens sont ouverts et positifs. J´ai très envie de visiter toutes les régions et de rencontrer leurs populations. Je sais que les relations entre deux pays se fondent sur l´amitié profonde entre les peuples et je constante chaque jour qu´un lien de sympathie et proximité rapproche la culture espagnole de l´ivoirienne. Je considère de mon devoir ouvrir davantage des canaux de communication, de façon que cette bonne entente puisse porter des fruits toujours plus riches et plus abondants.


Vous célébrez ce 12 octobre, la fête nationale de votre pays. Quel sens donnez-vous à cette célébration ?

Le 12 octobre commémore l’arrivée en Amérique des Espagnols, disons des Européens, pour la première fois. Christophe Colomb, à la tête d´une expédition de la Couronne de Castille, qui venait de s´unir à la Couronne d´Aragon pour former le Royaume d´Espagne, est arrivé sur les côtes américaines le 12 octobre 1492. C’est l’année de la naissance de l’Espagne comme Etat-Nation moderne. Un pays qui s´est étendu dans plusieurs territoires et latitudes, jusqu´au Pacifique avec les Philippines et d´autres îles. L´histoire, avec le brassage des races, des habitudes et des langues a donné à l’Espagne une identité variée, métisse, inclusive et riche culturellement.

L´espagnol, langue maternelle d´environ 500 millions de personnes est encore en expansion. Grâce à son caractère bien structurée et flexible à la fois, elle s´adapte facilement à de nouvelles latitudes et situations culturelles. En plus, elle est habituée à cohabiter avec d´autres langues. Cette puissance et ce dynamisme sont un grand atout pour tous les pays hispanophones.

Quel est poids de votre pays dans les organisations continentales au internationale

 

L´Espagne aujourd´hui, c’est un pays moderne et ancien à la fois, ouvert sur l’Europe, très actif au sein de l’Union européenne, avec des liens très étroits avec l´Amérique Latine, et qui a une forte dimension méditerranéenne et africaine. Il y a un contact très intense avec les pays du nord de l’Afrique.

 

Aujourd’hui, nous avons des liens de plus en plus poussés avec l’Afrique sub-saharienne.

 

Notre  politique étrangère s’emploie à renforcer le rôle des institutions multilatérales. L´Espagne est un membre très actif des Nations unies, elle participe en ce moment à 21 missions internationales de l´Organisation, qui s´engage dans la défense des droits de l´homme et des causes comme la lutte contre le changement climatique. L´nous sommes membre non permanent du Conseil de Sécurité de l´Onu pour la période 2015-2016 (ce mois d´octobre, elle occupe la présidence du Conseil) et profite de cette opportunité pour défendre les principes de la charte de l´Onu.

 

Avec la Côte d’Ivoire, les relations diplomatiques datent du même moment de l´indépendance, en 1960, et notre ´ambassade a été ouverte en 1969.  Les rapports institutionnels ont toujours été excellents (Sa Majesté le Roi Juan Carlos a visité la Côte d’Ivoire à deux reprises et la Reine Sofia aussi). Les Espagnols résidant en Côte d´Ivoire ont contribué décisivement à construire cette relation au jour le jour. Il faut mentionner particulièrement le travail des religieuses et religieux. Avec dévouement, ils ont fait beaucoup pour la Côte d´Ivoire et, sans que cela soit leur but principal, ils ont toujours donné une bonne image de l´Espagne, proche et aimable.

 

Vous avez dit à l’instant,  en parlant de coopération bilatérale qu’il y a longtemps que l’Espagne a noué des relations diplomatiques notamment en Côte d’Ivoire. Quel est le bilan de cette coopération. Et quel secteur touche-t-elle ?

 

Actuellement, on peut parler d’une nouvelle dynamique en ce qui concerne les relations bilatérales entre les deux pays et elles touchent tous les domaines. Dans le domaine économique, les échanges commerciaux entre les deux pays ont beaucoup augmenté au cours des quatre dernières années pour atteindre un volume de 430 millions d’euro. Actuellement, trente entreprises espagnoles sont établies en Côte d’Ivoire. Le bureau économique et commercial de l’ambassade, qui avait fermé en 2005, a rouvert en juin 2014. Les douze derniers, mois on a noté l’arrivée en Côte d’Ivoire de neuf missions commerciales ; plus de 90 entreprises espagnoles sont venues explorer le marché et rencontrer des partenaires. Elles sont surtout intéressées par les secteurs des équipements agricoles, l’alimentation, les infrastructures, les matériels de construction, les équipements électriques. Les entreprises espagnoles établies dans le pays sont actives dans l´alimentation, la transformation agricole et les infrastructures de l’assainissement, du transport, de l’énergie et  les Btp. Les perspectives sont donc positives en espérant que les relations continuent à s’accroître grâce à d’un côté, la stabilité et la bonne situation économique de la Côte d’Ivoire et de l’autre, du désir d’internationalisation de plus en plus grand des entreprises espagnoles.

 

Quel est la situation socio-économique, à ce jour, de votre pays par rapport à la récente crise qu’elle a vécue ?

 Certes, elle a traversé une crise économique au cours des années 2008-2013 comme la plupart des pays occidentaux, d’ailleurs. Mais elle en est déjà sortie. En 2014, le pays a connu une croissance de 1,4% et les estimations du Fmi pour 2015 sont de 3,1%, ce qui représente un des taux de croissance les plus élevés au niveau des pays de l’Union européenne. Il est vrai qu´il  y a toujours des problèmes à résoudre, dont particulièrement celui du taux de chômage, encore très élevé. Mais heureusement, les conditions sont réunies pour aller de l’avant et entrer dans un nouveau cycle économique. Nous avons des compagnies très actives sur le marché international. Les deux principales entreprises du monde dans le domaine de gestion des infrastructures du transport sont espagnoles, tout comme le principal groupe de distribution de la mode et la première entreprise au niveau de l’énergie renouvelable au monde ou l´entreprise leader en énergie thermoélectrique.  L’Espagne a eu l’année passée 65 millions de touristes pour 46 millions d’habitants.  Ce qui fait d’elle le troisième pays au monde le plus visité et le deuxième par rapport au revenu du tourisme. L’Espagne est aussi un pays leader dans certains domaines agricoles et agro-industriels.

 

Quels sont les investissements faits en Côte d’Ivoire par votre pays ?

La période comprise entre la moitié des années 1990 et la moitié des années 2000 fut particulièrement intense pour les investissements avec l’appui de notre gouvernement espagnol. Ces investissements se sont terminés, bien souvent, par des dons en termes de transfert d’équipements, d’installation et de construction d’infrastructures. Parmi ces projets, quelques-uns ont été remarquables, notamment l´équipement de l’Institut de cardiologie du Centre hospitalier et universitaire de Treichville, l’Institut d’ophtalmologie de Bouaké, le laboratoire Lanema, la construction d’une école de pêche à Grand-Lahou et d’autres écoles de formation professionnelle. Cette coopération économique est en train de reprendre. La Côte d´Ivoire fait partie des pays éligibles à un mécanisme de financement mis à disposition des entreprises espagnoles par le gouvernement. En plus  autre côté, les deux pays sont en négociation pour un plan de désendettement et développement qui permettra le financement de nouveaux projets.

La coopération au développement non remboursable passe aujourd´hui surtout par les institutions multilatérales ; d´abord par la participation espagnole dans les fonds de développement de l´Union européenne, et après dans d´autres fonds de l´Onu, la Cedeao ou l´Union africaine. Je voudrais citer comme exemple un projet de 1,3 millions d´euros pour lutter contre la pauvreté à San Pedro financé par l´Espagne et exécuté par le Pnud.

 

Que vend la Côte d’Ivoire à l’Espagne ?

Les exportations ivoiriennes vers l’Espagne concernent le bois, le cacao, l’hévéa, des fruits, café, thé, etc. A l’inverse ce sont, des appareils mécaniques et électriques, du poisson, des minéraux, de la boisson, etc.

 

Votre pays est un grand pays touristique. La Côte d´Ivoire a aussi un immense potentiel dans ce domaine. Entrevoyez-vous une coopération dans ce domaine qui serait profitable à la Côte d’Ivoire en termes d’emplois ?

Il est clair que la Côte d´Ivoire a un grand potentiel touristique et que les deux pays peuvent collaborer dans ce secteur. Il y a déjà des programmes de coopération en Espagne pour la formation dans le secteur touristique des pays africains et son développement.  Casa África, une institution de diplomatie publique basée aux îles Canaries est particulièrement active dans le domaine. Le directeur de Casa África va visiter la Côte d´Ivoire prochainement et j´espère que sa visite servira à élaborer des programmes ad hoc pour les opérateurs et responsables administratifs ivoiriens. Le ministère du Tourisme ivoirien  travaille aussi pour renforcer les liens entre nos deux pays. J’ai déjà, en effet, reçu ici une délégation d’agents touristiques espagnols lors d’une mission organisée par Côte d’Ivoire Tourisme.

 

Quelles seront vos priorités dans le cadre de ces relations bilatérales ?

Pour moi, les priorités seront de contribuer à approfondir les échanges, élargissant la base qui existe déjà et profitant notamment de la bonne entente politique bilatérale, de nos proximités culturelles et  des intérêts économiques mutuels.

 

La concertation politique sur les grands thèmes se poursuivra de façon plus intensive durant la période où l´Espagne siègera au Conseil de Sécurité. Le dialogue bilatéral peut s´intensifier davantage.

 

L´ambassade va continuer à travailler pour maintenir et accroître le rythme des visites d´entreprises espagnoles qui viennent ici. Il est souhaitable aussi que les agents économiques ivoiriens aillent de plus en plus en Espagne, pour mieux connaître les opportunités qu´elle offre et pour expliquer en détail à leurs pairs la réalité sociale et économique de leur pays. Dans ce contexte, il y a déjà un instrument qui s´est avéré très utile pour approcher les entrepreneurs ivoiriens et espagnols, le MDE Business School, une institution ivoirienne très liée a l´école des affaires espagnole IESE, qui, dans le cadre de ses programmes de renforcement des capacités, organise un voyage annuel à Barcelone. Ils sont déjà nombreux les hommes d´affaires ivoiriens qui ont participé aux formations du MDE au siège de l´IESE et qui, lors de ces séances, ont eu occasion de rencontrer des entrepreneurs espagnols.

 

 Savez-vous que les Ivoiriens ont un amour particulier pour la culture espagnole ?

Il y a des centaines de milliers de personnes qui étudient ou qui ont étudié l’espagnol à l’école, à l’université. J’ai remarqué que dans la plupart des cas, ces Ivoiriens gardent une image sympathique et positive de l’Espagne et de sa culture. Je pense particulièrement à la musique cubaine. C’est une base importante sur laquelle on peut faire beaucoup de choses. J´ai déjà eu de très bonnes expériences de collaboration. Grâce à l´appui du département de langues ibériques et études latino-américains de l´Université d´Abidjan et au travail bénévole de deux associations d´étudiants; l´ambassade a pu rouvrir sa bibliothèque de plus de 7.000 volumes au public.

 

C’est un domaine que je trouve particulièrement intéressant à plusieurs niveaux, parce que la activité culturelle et les industries culturelles ont un rôle à jouer dans le développement  et le rayonnement de la Côte d´Ivoire qui a qu’elle pourrait davantage offrir au monde, à travers ses maisons d’éditions, sa musique, son cinéma, etc.

 

L’interview paraît justement au moment où ce pays en pleine campagne présidentielle, pour les joutes du 25 octobre. Quel regard jetez-vous sur cette période décisive ?

L’Espagne, comme pour le reste des pays de l’Union européenne et la communauté internationale, souhaite que ces élections se passent dans le calme et le respect des règles du jeu démocratique. C’est le fonctionnement normal des institutions et  de la démocratie. Je suis pour ma part optimiste car la Côte d’Ivoire est arrivée à un niveau de maturité qui va lui permettre d’aller à ces élections avec responsabilité.

 

Actuellement, l´Europe est confrontée au problème des migrants. Quelle approche propose votre pays pour sa résolution ?

En ce moment l’Europe fait face à une crise  importante. Même si elle est habituée à accueillir des migrants depuis très longtemps. Mais aujourd’hui à cause de la crise en Syrie, en Irak, en Afghanistan… le flux a beaucoup augmenté. Cet flux massif d’immigrants a mis à l’épreuve les institutions européennes. Il est vrai que la réaction initiale de l’Union n’a pas été coordonnée aussi vite qu’il était souhaitable. Mais la crise de la migration est en train d´améliorer les mécanismes de coordination de solidarité de l´Ue. En ce qui concerne l’Espagne, elle propose une approche intégrale, efficace et équilibrée, qui combine la solidarité et la responsabilité dans la réponse à ce drame humanitaire. La coopération avec les pays d´origine et de transit est capitale. L’Espagne a fait preuve de son engagement pour une solution juste et rapide en acceptant accueillir un grand nombre d´immigrés.

 

INTERVIEW RÉALISÉE PAR SYLVAIN NAMOYA

Coll. : Hélène Aka