Nouvelle gare routière d’Abobo: Les acteurs ne se bousculent toujours pas
On avait pensé que la construction d’une nouvelle gare ultra moderne dans la commune d’Abobo, allait désengorger le marché et certains endroits de cette commune. Depuis octobre dernier, cette réalisation a été inaugurée. Mais, les transporteurs et commerçants traînent les pas à regagner ce nouveau site.
Ce jeudi 13 décembre, il est un peu plus de 9 heures. Abou Ouattara, chauffeur de minicar sur la ligne Abidjan-Agboville et son apprenti attendent toujours que leur véhicule soit chargé pour effectuer le premier voyage de cette journée. Cette compagnie de transport est l’une des rares entreprises à regagner la nouvelle gare routière. « Nous avons démarré nos activités ici quand l’ancienne gare a été démolie. Au départ cela a été très difficile puisque les passagers ne savaient pas que nous étions sur le nouveau site. Mais nous les informons et je pense que ça va », dit Abou Ouattara. Selon lui, par le passé, le premier chargement était fait vers 8 heures chaque jour.
De façon générale, seules quelques compagnies de transport qui desservent la grande voie de l’est du pays notamment les villes d’Azaguié, Agboville, Adzopé, Akoupé, Daoukro, Bongouanou, M’Bahiakro, Abengourou, Agnibilékrou, Tanda, Bondoukou et Bouna, ont regagné leurs nouveaux lieux de service. Ce jour, l’on a pu constater un attroupement autour des cars de M’Bahiakro et Prikro.
Sanogo Souleymane, président du comité de gestion de cette nouvelle gare d’Abobo, estime que pour le moment 20% des compagnies de transport ayant souscrit à ce projet, sont opérationnelles ou ont effectivement démarré leurs activités. Mais, en réalité le registre qu’il détient renseigne que sur 62 entreprises 9 sont en activité soit 14,5%.
Par ailleurs, d’autres compagnies se sont inscrites pour être propriétaires de site mais ne sont pas pour le moment fonctionnelles. Les bureaux sont hermétiquement fermés. Des étiquettes portant le nom des entreprises sont placardées sur les portes des magasins.
Par moment des taxis villes et taxis communaux viennent descendre des voyageurs. L’innovation ici est l’existence d’une société dénommée « Ivoire porteur » qui a démarré ses activités au sein de cette gare le 29 septembre dernier. Les agents, tous vêtus en tenue orange, sont postés au lieu de stationnement des taxis. Ils assistent et aident les voyageurs à transporter leurs bagages à la compagnie de transport indiquée. Pour le transport de bagages, ils utilisent des chariots.
La prestation varie entre 100 et 250 FCFA payable au terme d’un marchandage entre le voyageur et l’agent d’« Ivoire porteur ». Celui-ci est rémunéré par sa société à hauteur de 40% de sa production mensuelle. « C’est une équipe de 120 agents et 3 contrôleurs qui sont formés dans le cadre de ce service. Pour le moment, comme c’est un peu morose, nous ne tournons pas encore en plein régime », a déclaré M. Konan Roger, responsable d’exploitation de cette société.
« On ne doit pas s’inquiéter pour les taxis et ‘’gbaka’’ puisque dans le projet, le transport urbain occupe 20% des places contre 80% pour le transport interurbain », a rassuré le président du comité de gestion.
Si au niveau des transporteurs, on observe un début des activités au sein de la nouvelle gare routière, ce n’est pas le cas des commerçants. Tous les magasins sont fermés. Sur cette question, Sanogo Souleymane donne les raisons. « Tout se fait de façon progressive. Je pense qu’ils attendent qu’il y ait une affluence au niveau des transports avant d’ouvrir les magasins. Sinon il n’y a plus de problème », dit-il.
Ont également ouvert leurs portes sur ce site la Banque régionale de la solidarité (Brs), l’allocodrome, les édifices religieux (mosquée et temple) et quelques entreprises prestataires de service.
Des routes et des espaces toujours engorgés
Malgré les multiples appels des autorités communales, des responsables de transporteurs et commerçants, la reprise des activités à la nouvelle gare est morose. C’est vrai que l’ancienne, après de violentes échauffourées, a finalement pu être démolie et sécurisée par une clôture. Mais les occupants continuent de squatter le plus petit espace vide. Chaque jour, c’est un chassé-croisé entre les éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) et commerçants qui est donné de constater surtout au niveau du rond-point en face de la mairie, à l’espace Siaka Koné et l’espace des vendeuses de fruits et vivriers. Au moment où l’on tend vers les fêtes de fin d’année, des commerçants estiment que seuls ces espaces peuvent leur permettre de prospérer dans leurs affaires.
Ainsi, le désordre continue d’être entretenu par des transporteurs qui sont installés sur d’autres espaces et voies. Surtout que l’espace est désormais réduit pour un nombre important de véhicules. En effet, chassés de l’ancienne gare, les taxis communaux qui desservent les quartiers d’Abobo Baoulé, Belleville, Aboboté, Plateau Dokui et Angré, ont trouvé un point de chute en face de l’entrée du service de l’État civil de la mairie et la route du Zoo non loin de cette institution.
En outre, les minicars de la ligne mairie-Akéikoi stationnent devant les bureaux de la Compagnie ivoirienne d’électricité (Cie) et la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire (Bicici). Quand les ‘’gbaka’’ et taxis ont occupé les bretelles prévues pour les dégagements rapides le long de l’autoroute.
En déguerpissant les commerçants et transporteurs qui occupaient les trottoirs, l’objectif a été atteint puisque depuis leur départ la circulation est devenue fluide par moment au rond-point de la mairie. Mais, seulement le problème a été déplacé et l’engorgement existe bel et bien en d’autres endroits.
Au niveau du transport interurbain, partis de l’ancienne gare, certains transporteurs n’ont pas regagné le nouveau site, mais exercent leurs activités. C’est le cas de tous ceux qui desservent les localités situées sur la route d’Alépé et cette ville. Ils se sont installés dans les environs du rond-point de Samaké. « Il est plus facile pour nous de relier Alépé à partir d’ici. Aller à la nouvelle gare, c’est comme si nous allongeons le trajet du voyage », a justifié un chauffeur qui dit ne pas être opposé au transfert de la gare.
Les autorités municipales, policières et militaires de la commune d’Abobo ont du mal à assainir les espaces engorgés. Déguerpis le matin, les commerçants et transporteurs se réinstallent le même jour. La situation est telle que pour qu’il y ait une fluidité routière, il faut en permanence la présence des forces de l’ordre en ces endroits critiques. Ce qui est parfois difficile vu que ces éléments ont d’autres missions.
Lorsque dans le cadre de l’opération ville propre, les éléments des Frci sont parvenus à libérer les bretelles le long de la voie express, la circulation a été fluide. Mais, cela n’a duré que quelques jours. Les commerçants ont, à nouveau, occupé ces espaces dégagés et les véhicules ne pouvaient plus y accéder. Et pourtant tout le monde avait pensé, les autorités municipales en premier, que la livraison de la nouvelle gare routière allait régler tous ces problèmes.
ALFRED KOUAME
CORRESPONDANT