L’intolérance religieuse, un danger social
L’intolérance religieuse, un danger social
En collaboration avec Sidwaya (Burkina) où cette chronique a été publiée.
Le Burkina Faso n’est pas coutumier des conflits religieux et le souhait est que nous demeurions à l’abri de ce genre de troubles. Mais le «pays des Hommes intègres» n’échappe manifestement pas à la montée en puissance de l’extrémisme, comme l’a prouvé un fait survenu, début mars 2015, à Ouarégou, village de la commune rurale de Béguédo, dans la région du centre-est.
Les musulmans de la confrérie Tidjania et ceux du mouvement sunnite (Wahhabia), qui n’étaient pas en odeur de sainteté, ont fini par s’affronter ouvertement. Et l’animosité était telle, que l’on a enregistré de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels. Le lieu de culte des sunnites a été totalement incendié. Ce conflit religieux, pas moins insolite, a fait, tout naturellement, les choux gras de la presse. Au-delà des faits il faut déplorer ce cas d’intolérance religieuse qui a de quoi surprendre plus d’un Burkinabè.
La raison étant que ce type de violence n’est pas légion sous nos cieux. Et c’est bien pour cela que cet affrontement continue d’alimenter les conversations, puisque certains ont du mal à croire que cela ait pu être possible au Burkina. Parce que les Tidjanis ont refusé de sentir les Wahhabites et de respecter leur orientation religieuse, l’on en est arrivé à un triste spectacle propre à un royaume de djihadistes. Alors que le Burkina est un pays laïc où toutes les religions sont censées exister, dans le strict respect des lois.
La tolérance religieuse est même promue par les autorités pour faire valoir ce principe républicain. Malheureusement, certains fidèles, buvant dangereusement à la source de l’intégrisme, continuent de rejeter leurs compatriotes de confessions différentes. Ils boycottent systématiquement les activités des autres fidèles et aucune formule ne peut les convaincre que le monde s’est construit dans les différences. Aucun argument ne peut non plus les persuader qu’une autre religion que la leur doit aussi avoir droit de cité. Ce sont des extrémistes, renfermés sur eux-mêmes qui rejettent aveuglement l’autre. Aucune alliance, ni cohabitation n’est possible à leurs yeux. Tout doit tourner autour de leur religion et de leurs personnes.
Ces fondamentalistes inébranlables ne se gênent d’ailleurs pas pour afficher leur position, n’en déplaise à qui veut l’entendre. Ils rêvent de l’instauration d’un califat ou de l’application de la charia ou souhaitent voir prospérer toute autre doctrine à même de renforcer les assises de leur religion. Même s’il faut tuer au nom de leur religion, ils sont prêts à le faire. On vit cette affligeante vérité avec les agissements de l’État islamique en Orient ou de Boko Haram dans la sous-région ouest-africaine. Mais ces «fous de Dieu», comme on les appelle, font fausse route. Aucune religion, digne de ses principes, ne prêche la violence, mais plutôt la tolérance et la paix. C’est pourquoi les « brebis égarées » des religions, baignant dans les ténèbres de l’extrémisme, doivent être ramenées dans les rangs ou, à défaut, mises au ban de la communauté.
Ceux qui n’ont que le rejet du prochain et le langage de la violence comme vision n’ont pas leur place dans une confession religieuse. Ce sont des intégristes qui pervertissent les fondements nobles des religions et ne doivent inspirer aucune pitié. Raison pour laquelle les fauteurs de troubles de Ouarégou (il s’agit de neuf personnes), déjà mis aux arrêts, doivent être sévèrement punis pour l’exemple. Ce sont de mauvais esprits qui ne doivent bénéficier d’aucune clémence si la preuve de leur culpabilité est établie. Le Burkina Faso n’est pas une terre où l’intolérance religieuse et le djihadisme doivent prospérer. Il faut que cela soit compris !
Par KADER PATRICK KARANTAO