Fréquentabilité

Le Président français François Hollande
Le Président français François Hollande
Le Pru00e9sident franu00e7ais Franu00e7ois Hollande

Fréquentabilité

Fréquentabilité

Laurent Gbagbo n’est pas un personnage fréquentable’’, dixit François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste français en novembre 2004. Depuis, M. Hollande est devenu Président de la République française et il vient de faire une visite officielle en Côte d’Ivoire. Quelles leçons devons-nous retenir de cette visite pleine de symboles ?

Primo, que les hommes passent, mais seules les institutions demeurent. Les destinées de la France et de la Côte d’Ivoire ne sont plus aux mains de la droite et de la gauche respectivement ; c’est l’inverse qui est vrai. Nos socialistes, qui ont perdu le pouvoir d’État, claironnaient, il y a peu, que le Président socialiste français venait en Côte d’Ivoire pour réprimander le Président Ouattara et lui intimer l’ordre de procéder à l’élargissement de M. Gbagbo, de Simone Gbagbo, ainsi que de tous les détenus pro-Gbagbo. En un mot, le héros des socialistes venait rendre justice aux siens.

Secundo, les relations diplomatiques entre États n’ont que faire des sautes d’humeur individuelles. Nos refondateurs avaient maudit M. Sarkozy, au plus fort de la campagne du second tour de la présidentielle française, en cache-sexe rouge, au Trocadéro, en plein Paris. Ensuite, ils s’étaient délectés de la défaite de ce dernier, fondant tous leurs espoirs sur  M. Hollande. ‘’Les Français ont élu François Hollande pour faire libérer M. Gbagbo’’, prétendaient-ils. Deux ans plus tard, les charges contre M. Gbagbo ont été confirmées et il devra passer en jugement; une procédure qui ne durera pas moins de six ans, à partir de maintenant. Du coup, plus question de sa candidature à la présidentielle de 2015, ni de 2020.

Tertio, les intérêts de la France en Côte d’Ivoire sont plus importants que la seule destinée de M. Gbagbo. Si les refondateurs refusent de continuer à vivre tant que leur mentor est dans les liens de la détention à La Haye, il n’en va pas de même pour les relations entre la France et la Côte d’Ivoire. Les nôtres ont donc été outrageusement surpris de voir la symbiose entre M. Ouattara et son hôte français. Ils ont été interloqués par le soutien chaleureux que M. Hollande a apporté à M. Ouattara. Il n’est rien de plus éloquent que les Unes des journaux bleus pour étaler l’état d’esprit des refondateurs déçus jusqu’à la moelle. Ainsi, le Nouveau Courrier  titre, en dessous d’une photo de M. Hollande, la bouche ouverte, « Comme un griot mandingue ». Le Président français y est accusé d’avoir chanté les louanges de M. Ouattara, mieux que ne l’aurait fait un militant du Rassemblement des républicains (Rdr). On lui reproche, par ailleurs, d’avoir déjà répondu au Front populaire ivoirien (Fpi) en conférence de presse, avant même d’avoir rencontré ce parti. Où est donc passé le justicier des socialistes qui venait, tel Zorro, redresser tous les torts faits aux siens ?

Quarto, la Côte d’Ivoire est devenue fréquentable depuis qu’elle a chassé les refondateurs du pouvoir. Nous avons banni la diplomatie de la barbarie et de l’intimidation qui, jadis, nous rendait infréquentables. Une visite officielle du chef de la diplomatie française chez nous correspondait alors à le jeter dans la fosse aux lions. Tirant les leçons de ce passé récent mais peu glorieux, nous avons fait le choix de la diplomatie de la courtoisie qui honore nos hôtes et permet de nous faire des amis. Car nous avons appris qu’avec l’ancienne posture, nous nous faisions beaucoup d’ennemis sur la planète, sans avoir les moyens financiers, économiques, militaires et diplomatiques pour les combattre tous. Nous avons donc tourné le dos à la belligérance permanente pour revenir au credo de Félix Houphouët-Boigny: ‘’La Côte d’Ivoire n’a pas d’ennemi dans le monde ; elle n’a que des amis’’.

Quinto, les refondateurs auront pris un cours de realpolitik: on ne compose qu’avec les réalités du moment et non avec les chimères de type idéologique, encore moins selon les affinités interpersonnelles au sommet des États. Et cela s’appelle ‘’La politique’’
. L’inverse s’appelle ‘’Belligérance’’. La refondation devra choisir l’une ou l’autre pour exister ou ne plus exister. 

Par le DR FAMAHAN SAMAKÉ