Le copier - coller chinois des villes et monuments

Imaginez le choc si un jour, vous découvrez que votre ville, l’un de ses monuments ou encore votre bar préféré ont été reproduits à l’identique à des milliers de kilomètres de chez vous... Eh bien, c’est exactement ce qui est arrivé au maire d’un petit village autrichien du nom de Hallstatt qui a appris, par hasard, que son agglomération avait été clonée en Chine, au fin fond de la province de Guandong.

Les 800 habitants de ce petit village très touristique, inscrit au patrimoine de l’Unesco, sont demeurés choqués en apprenant que leurs maisons et même leur église avaient été fidèlement copiées sous d’autres cieux, sans qu’ils en aient jamais été informés. Et ils ne sont pas les seuls. C’est également par hasard, en lisant un journal, que les habitants de Thames Town, petit ville typique d’Angleterre, avaient été informés que leurs rues avaient été plagiées dans la région de Shanghai, avec son pub, ce bar typiquement britannique, et qu’on y sert même de l’authentique bière anglaise.

Cela fait, en effet, plusieurs années que les Chinois reproduisent avec une grande minutie des villes, des villages, des monuments, des châteaux vus ailleurs. A Tiandu Cheng, par exemple, à 200 km au sud-ouest de Shanghai, un projet urbanistique reproduit Paris, avec sa tour Eiffel de 108 mètres (un tiers de la hauteur originale), son Arc de triomphe, des rangées d’immeubles « haussmanniens », à l’image de ceux qui furent construits, entre 1850 et 1920, dans la capitale. Ce complexe résidentiel, prévu pour accueillir plus de 100 000 Chinois fortunés, devrait être achevé en 2015. Pour l’instant, c’est plutôt une ville fantôme qui accueille parfois des jeunes mariés, prenant la pose devant un Paris en toc.

Les Chinois ne sont certainement pas les seuls à s’enthousiasmer pour des villes ou des monuments appréciés lors d’un voyage en Europe, au point de vouloir les reproduire chez eux. C’est également dans un esprit d’admiration et de dévotion que le Président Félix Houphouët-Boigny avait voulu faire construire, dans son village natal de Yamoussoukro, une réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome, mais en un peu plus grand. Jusqu’à aujourd’hui, la basilique Notre Dame de la Paix demeure d’ailleurs l’édifice religieux chrétien le plus grand au monde. Reste qu’on trouve plusieurs autres répliques de la Basilique Saint-Pierre dans le monde. Dont l’une en plein centre de Montréal, au Canada, voulue par un évêque, Mgr Ignace Bourget: l’extérieur comme l’intérieur furent intégralement copiés sur la basilique Saint-Pierre et l’édifice consacré en 1894.

Le Château de Versailles figure également parmi les bâtiments les plus copiés au monde, puisqu’on en trouve des reproductions partielles ou complètes en Allemagne, en Autriche (le château de Schönbrunn), en Belgique, en Espagne, en Italie, au Portugal… Preuve que la magnificence des bâtiments laïcs ou religieux, la beauté de villes prestigieuses ou de villages typiques inspirent régulièrement des pastiches architecturaux, que les gens ensuite apprécient ou non. L’apparition, en Chine, de villes ou monuments occidentaux copiés au détail près fait parfois l’objet de critiques. « Ils feraient mieux de sauvegarder leur propre patrimoine architectural, plutôt que de copier celui des autres »,s’indigne ainsi un internaute.

Dans le même esprit, on pourrait également critiquer les hôtels et centres commerciaux de Dubai ou Los Angeles qui reproduisent Venise et Paris ou s’inspirent de l’Egypte. Mais le fait que les Chinois puissent désormais déambuler dans des villes européennes sans sortir de leur pays n’est-il pas fascinant ? « S’ils veulent nous imiter, c’est que nous avons quelque chose d’original et la copie drainera peut-être des touristes chinois vers l’original », s’était, pour sa part, réjoui le maire de Cadaquès, un village espagnol de pêcheurs, en voyant des architectes chinois prendre des photos et des mesures de son hameau, pour le reproduire à des milliers de kilomètres.

Par CATHERINE MORAND