Conflit : Guerre du pétrole entre les deux Soudans - La politique du pire

Les Présidents Salva Kiir du Sud-Soudan (à gauche) et Omar El Béchir du Soudan
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Conflit : Guerre du pétrole entre les deux Soudans - La politique du pire

Conflit : Guerre du pétrole entre les deux Soudans - La politique du pire

Le Soudan a ordonné mardi 12 juin, à ses compagnies pétrolières de bloquer le transit de l'or noir sud-soudanais d'ici soixante jours.

Le ministère du pétrole soudanais l'a annoncé dans un communiqué. dimanche 9 juin, Khartoum brandissait cette menace, en représailles du soutien de Juba à des rebelles au Nord dont le Soudan affirme détenir les preuves. Ce n'est pas la première fois que les deux pays utilisent le pétrole comme levier dans leurs négociations.

Avec la partition en 2012, le Soudan a perdu 75% de ses ressources pétrolières. Malgré le développement d'autres secteurs, il ne dispose pas encore d'une économie solide. L'insécurité maintient la croissance dans le rouge. L'inflation flirte avec les 40 %.

« Cela va augmenter l'inflation et le taux de change de la Livre soudanaise », estime Hassan Bachir, économiste à l'université de Khartoum, pour qui jouer avec l'or noir est très risqué. « Tout cela va avoir un effet très négatif sur le coût de production pour tous les secteurs, surtout pour l'agriculture.

Bientôt, les agriculteurs devront faire leurs moissons et pour cela ils ont besoin de leurs machines. L'agriculture est devenue importante, maintenant, pour les Soudanais. La sécurité alimentaire du pays en dépend, ainsi que les exportations. »

Production bloquée pendant un an

Même constat du côté du Soudan du Sud, qui a besoin des oléoducs soudanais et de Port Soudan pour exporter son pétrole. « 98 % des revenus du Soudan du Sud dépendent du pétrole », explique Jamus Joseph, est consultant en ressources naturelles pour l'ONG Norwegian people aid, basée à Juba.

« Mais la production de pétrole sud-soudanaise a été bloquée pendant pratiquement un an, de 2012 jusqu'au mois dernier environ. Pendant cette période, le Soudan du Sud a vécu sans pétrole. C'était dur bien sûr, ça l'est toujours. On vit encore dans l'austérité. Mais au final, le Soudan subit les mêmes effets. Si l'on regarde leur monnaie: sa valeur a chuté de manière dramatique. Leur livre est même plus faible que celle du Soudan du Sud. »

Les négociations piétinent donc, et les investisseurs étrangers s'impatientent, notamment Chinois et Indiens, principaux consommateurs du pétrole de la région. L'entreprise publique chinoise CNPC a par exemple vendu plus d'un million de barils sud-soudanais au début du mois.

« Dirigeants irresponsables »

Regain de tension entre le Soudan et le Soudan du Sud

Selon Roland Marchal, chercheur au CNRS, la menace d'Omar el-Béchir vise surtout à attirer l'attention de la communauté internationale. « Les Chinois jouent un rôle extrêmement positif dans ce contexte, estime-t-il, pour rappeler qu'ils ont dépensé beaucoup d'argent dans les deux Soudans, et que les dirigeants des deux côtés se conduisent comme des irresponsables. Le reste de la communauté internationale est beaucoup plus polarisé.

Les Britanniques, les Américains et les Français ont toujours été partisans vis-à-vis du Soudan du Sud. Et ce message de el-Béchir vise à signaler qu'il faut adopter une position plus neutre, ne pas simplement multiplier les pressions sur Karthoum, mais peut-être aussi s'intéresser à Juba. » Aujourd'hui le Soudan du Sud continue à extraire du pétrole, avec un rendement d'environ 200 000 barils par jour.

RFI