Libye : L’exclusion politique des pro-Kadhafi votée

Mouammar Kadhafi
Mouammar Kadhafi
Mouammar Kadhafi

Libye : L’exclusion politique des pro-Kadhafi votée

Sous la pression de miliciens armés, le Congrès général national (Cgn, Parlement) a adopté, hier, une loi portant exclusion politique des personnalités ayant anciennement collaboré avec le régime de Mouammar Kadhafi. Du coup, ces miliciens qui encerclaient, depuis une semaine, les ministères de l’Intérieur et de la Justice ont annoncé la suspension de leur siège.

Si cette loi – adoptée par 164 voix contre 4 – est appliquée, elle va entraîner une sorte d’ « épuration politique » ou encore une chasse aux sorcières dans un pays qui peine à se remettre des huit mois de conflit ayant entraîné la chute de Kadhafi. C’est la raison pour laquelle l’organisation de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch (Hrw), a mis en garde, il y a quelques jours, les autorités libyennes contre les conséquences éventuelles d’une telle loi. « Le Cgn ne doit pas se laisser bousculer pour adopter de très mauvaises lois, parce que des groupes d’hommes armés l’exigent », a exhorté Sarah Leah Whitson, directrice de Hrw pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.

Tombent sous le coup de la loi, qui doit être ratifiée par la Commission juridique du Cgn, toutes les personnes ayant occupé des postes de responsabilité, de septembre 1969, date de l’accession au pouvoir du colonel Kadhafi, à octobre 2011, date de la chute de son régime. Elles sont exclues de la vie politique pour dix ans.

Au nombre des personnes concernées figure Mohamed al-Megaryef, président du Cgn, qui a exercé les fonctions d’ambassadeur en Inde dans les années 1970. M. Megayef s’est, du reste, abstenu de prendre part aux débats relatifs à l’adoption de la loi pour, a-t-il expliqué dans une lettre, éviter d’embarrasser les membres du Congrès, « dans la mesure où il était concerné ».

Quatre ministres en fonction et une quinzaine de députés, dont le vice-président du Cgn, Jomaa Atiga.

« Les perspectives à long terme pour la paix et la sécurité en Libye seront fortement affectées si le Congrès accepte de plier », avait encore prévenu Sarah Leah Whitson.

Les milices armées, après avoir combattu Kadhafi, tué en octobre 2011 au terme de huit mois de conflit, sont restées très actives en Libye où elles font régner leur ordre, les nouvelles autorités n’ayant pas encore réussi à les désarmer.

Ces anciens combattants de la révolution, qui ont pourtant fait allégeance au gouvernement, sont en désaccord avec ce dernier sur la place des anciens collaborateurs du régime Kadhafi dans la Libye nouvelle. De leur point de vue, que ces personnalités du régime déchu continuent d’occuper des postes de décision est inacceptable en ce que cela leur donne le sentiment qu’ils ont fait la révolution pour rien. D’où leur mouvement de ces derniers jours qui a tourné au bras de fer avec les autorités. Une épreuve de force qui, pour l’instant, est en leur faveur.

Cyprien Tiesse