Autoroute du Nord et de l’Est: quand des voyageurs se détournent des toilettes des péages pour le plein air 

Laisser les toilettes pour se soulager à l'air libre. (Photo Bavane)
Laisser les toilettes pour se soulager à l'air libre. (Photo Bavane)
Laisser les toilettes pour se soulager à l'air libre. (Photo Bavane)

Autoroute du Nord et de l’Est: quand des voyageurs se détournent des toilettes des péages pour le plein air 

Le 11/08/25 à 17:19
modifié 11/08/25 à 17:20
Pour leurs besoins, des voyageurs débraillent les toilettes et se soulagent dans l'antre des reptiles.
Il est 8 heures du matin, ce samedi 17 mai 2025, à la station de péage d’Attinguié, située sur l’autoroute du Nord, à 23 km de la capitale économique ivoirienne. À l’entrée comme à la sortie de ce péage, une dizaine de véhicules de tous types (voitures particulières, autocars de transport de voyageurs, camions de marchandises et véhicules transportant divers produits) sont stationnés pour obtenir le ticket donnant accès à l’autre côté de la circulation. Mais aussi permettre aux occupants de se soulager après un long trajet.

Sans aucune gêne, hommes, femmes, enfants, adultes et personnes âgées, ignorant souvent la présence des uns et des autres, se regardent et se libèrent. En tout cas, face à ce besoin naturel et pressant, l’intimité n’a plus sa place.

Peu importe que cela se fasse dans un endroit approprié, adéquat ou salubre : ce samedi matin, les caniveaux environnants et la broussaille ont été pris d’assaut par les voyageurs, qui descendaient en trombe de leurs véhicules. Les hommes, pour la plupart, choisissent les bordures de la voie pour uriner. Les femmes, elles, optent pour la broussaille afin de se soulager ou pour d’autres besoins.

C’est seulement à la fin que chacun se demande : pourquoi, à ce péage, il n’y a pas de toilettes dédiées ? Et pourtant, il existe bel et bien des toilettes publiques et gratuites aux péages d’Attinguié, d’Azaguié et de Singrobo, à l’usage des voyageurs. Mais leur existence semble être ignorée par nombre d’usagers.

Au péage d’Attinguié, c’est une petite bâtisse comprenant trois portes de salles d’eau, une cuvette, un réservoir d’eau, un abattant et un système de chasse d’eau. Une des 4 toilettes est réservée aux hommes, une autre aux femmes, et au centre, deux toilettes pour les enfants.

« C’est vous qui me l’apprenez. Sinon, j’ignorais que des toilettes avaient été installées aux péages pour les usagers », a déclaré Amani Narcisse, un voyageur quittant le péage d’Attinguié en direction de Yamoussoukro. Avant de préciser que depuis des années qu'il emprunte cette route, c'est dans la broussaille qu'il se soulage.

Comme lui, dame Touré Assata affirme ne pas être au courant de l’existence de latrines aux péages. Selon ses dires (en malinké), les responsables desdits péages n’ont jamais informé les voyageurs de la construction de ces toilettes. « La dernière fois, quand je revenais de Man, c’est ici que j’ai fait mes ablutions pour la prière. Si j’avais su qu’il y avait des toilettes, j’aurais été plus à l’aise », a-t-elle déclaré, avant de dire merci pour l’information.

Oubliée dans les broussailles

Certains usagers de la route affirment connaître l’existence de ces toilettes publiques. Cependant, force est de reconnaître que ces dispositifs sont insuffisants. « Nous sommes nombreux à descendre pour ces besoins naturels. Sauf que les toilettes ne suffisent pas », a indiqué Mariam Diaby, une voyageuse.

Pour elle, si tous les usagers de l’autoroute veulent utiliser ces infrastructures, il y aurait de longues files d’attente et certains risqueraient d’uriner sur eux. « Il y a des personnes âgées parmi nous qui ne pourront pas retenir leur besoin et attendre leur tour devant des latrines », a-t-elle insisté, avant de souligner qu’il y a également le facteur temps. La pause « pipi » que les convoyeurs accordent aux passagers dure en moyenne cinq minutes. « Le car peut te laisser si tu ne te dépêches pas », a affirmé Mme Diaby.

Donatien Konan, chauffeur de car de transport, raconte une expérience qu’il a vécue. Selon lui, lors d’un de ses voyages, une femme qui se soulageait dans la broussaille a été oubliée. Le car est reparti sans elle, et ce n’est que quelque temps après que son voisin de siège a constaté son absence.

Pour lui, il est certes bien « d’installer des toilettes, mais il faudrait qu’elles soient en grand nombre. Deux ou trois bâtiments avec une vingtaine de portes pour chaque genre seraient l’idéal », a-t-il suggéré.

Séverin Dago, un homme d’une quarantaine d’années, affirme avoir déjà utilisé plusieurs fois les toilettes desdits péages. Malgré cela, il n’a pas hésité, ce samedi, à se positionner à proximité de son véhicule stationné à 300 mètres du péage pour uriner. Il justifie son acte par le fait qu’il a vu cinq personnes se diriger vers les toilettes pour hommes. « Il y en a quatre. Je viens de voir cinq personnes se diriger vers elles. Cela veut dire qu’une personne devra faire la queue », a-t-il expliqué, avant de préciser qu’il ne pouvait pas attendre. Pour lui, il s’agit juste d’uriner et de repartir.

Des toilettes bien entretenues mais peu visitées. (Photo Bavane)
Des toilettes bien entretenues mais peu visitées. (Photo Bavane)



Sauver des vies


« Utiliser les toilettes aux péages peut sauver des vies et éviter de se faire piquer par des reptiles dans les zones reculées de la route. » C’est le conseil de Mesmin Konan, un voyageur rencontré au péage d’Azaguié, en partance pour Abengourou.

« Le 23 novembre 2024, en revenant d’Abidjan avec ma petite famille, mon grand fils de 17 ans, qui avait un besoin pressant, a failli se faire mordre par un serpent. Dans la broussaille où il est allé se soulager, il a marché sur le reptile. Heureusement ou je dirais, Dieu merci ! Le serpent ne l’a pas mordu, car il s’en est vite aperçu et a bondi pour sortir de la broussaille. C’est ce jour-là que nous avons appris qu’il y avait des toilettes au péage », a-t-il relaté.

Des panneaux d’indication peuvent aider

Mesmin Konan, Assata Touré et de nombreux voyageurs demandent aux services compétents d’implanter, à l’entrée de chaque station de péage, un panneau d’indication. Selon eux, les voyageurs ne font pas toujours attention, et les toilettes ne sont pas très visibles, souvent cachées, comme celles d’Azaguié.

Des toilettes construites mais moins utilisées par les voyageurs. (Photo Bavane)
Des toilettes construites mais moins utilisées par les voyageurs. (Photo Bavane)



Azaguié, Attinguié et Singrobo


À Azaguié, les toilettes sont au nombre de six (6), auxquelles s’ajoutent deux (2) douches. Concrètement, on y compte trois (3) toilettes et une douche du côté des hommes, et autant du côté des femmes. L’ensemble est regroupé dans un seul bâtiment, situé du côté de l’administration.

À Attinguié, les hommes disposent de quatre (4) portes, les femmes de quatre (4) portes également et deux (2) réservées aux enfants. Ces toilettes sont situées du côté de l’administration. On trouve également une bâtisse comprenant trois (3) toilettes pour chaque genre de l’autre côté, direction Yamoussoukro-Abidjan.

À la station de péage de Singrobo, il y a quatre (4) toilettes pour les hommes et autant pour les femmes. Deux (2) toilettes destinées aux enfants existent également, mais elles ne sont pas fonctionnelles et ont été reconverties en bureau pour le service d’entretien.

De l’entretien

L’installation des péages dans les localités environnantes crée de l’emploi au bénéfice des jeunes. « Cela fait plus de trois (3) ans que je travaille à ce péage. Je suis de Singrobo. Nous qui travaillons ici venons tous de Singrobo », a déclaré Fabrice Maul Konan, agent d’entretien des toilettes du péage de Singrobo.

Il explique que les toilettes sont nettoyées après chaque utilisation et que les produits de nettoyage sont disponibles en qualité et en quantité. Selon lui, les instructions reçues sont claires : ne laisser traîner aucune salissure, ni sur le sol, ni dans les cabines.

La propreté des lieux, précise-t-il, incite les visiteurs à utiliser ces installations. « Certaines personnes pensaient que se soulager à l’air libre était l’idéal, qu’elles y étaient plus à l’aise. Mais une fois qu’elles entrent dans les toilettes pour leurs besoins, elles constatent que l’endroit est propre. Et désormais, elles les utilisent quand elles sont de passage », s’est réjoui Fabrice Konan.

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Des camions en panne stationnés sur le terre-plein de l'autoroute pourraient créer un danger pour les automobilistes. (Photo Bavane)
Des camions en panne stationnés sur le terre-plein de l'autoroute pourraient créer un danger pour les automobilistes. (Photo Bavane)



Des aires d’autoroutes plus qu’utiles pour réduire le nombre d’accidents

Une pause allant de 10 minutes à 1 heure, selon le trajet, pour un besoin d’aller aux toilettes, de déjeuner, laisser les enfants jouer, prendre un café ou faire le plein d’essence, est plus que nécessaire. « Les aires de repos sur nos routes sont plus qu’utiles avec ce développement que nous connaissons. Nous avons de belles routes. Il ne nous manque que des aires aménagées. Cela pourrait réduire le nombre d’accidents que nous enregistrons. Parce que dans ces aires de repos, on trouve, entre autres, des toilettes, restaurants, espaces de jeux, stations-service, zones wifi et garages pour les pannes mécaniques qui surviennent souvent sur les routes », propose Osmond Alley, voyageur rencontré au péage de Singrobo.

« Nous venons du Mali. Nous transportons du lithium. Nous avons eu une panne de boîte du camion. Le conducteur est retourné au Mali. Nous sommes là depuis deux jours », expliquent Issouf Traoré et Oumar Tapsogo, deux jeunes maliens, apprentis d’un camion à douze roues en panne et stationné sur le terre-plein au niveau de N’Zianouan.

Des aires de repos ou d’autoroutes, installées tous les 100 km, pourraient permettre aux usagers de stationner leur véhicule et de faire une pause durant leur trajet. Cela contribuerait grandement à réduire le risque de somnolence au volant et, par conséquent, le nombre d’accidents. Ces zones, spécialement aménagées et réparties le long des autoroutes, peuvent jouer un rôle crucial pour les conducteurs et voyageurs. Elles offrent un instant de repos et de rafraîchissement pour reprendre des forces avant de poursuivre la route.

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Des aires de repos pourraient arranger la situation des voyageurs et camionneurs sur les routes. (Photo Bavane)
Des aires de repos pourraient arranger la situation des voyageurs et camionneurs sur les routes. (Photo Bavane)



Et si la construction des aires de repos s’ouvrait aux privés

Ouvrir les chantiers de construction de toilettes et d’aires d’autoroute le long des principales routes du pays pourrait non seulement créer de nombreux emplois, mais aussi stimuler l’entrepreneuriat.

« Je pense que si l’État pouvait ouvrir ce chantier aux jeunes entrepreneurs ivoiriens, ce serait une très bonne chose. Non seulement cela créerait de nombreux emplois, mais cela permettrait aussi de développer l’entrepreneuriat des jeunes. Imaginez que, sur toutes ces belles routes, nous installions des aires de repos avec tout le confort, toutes les commodités et tous les services dont les voyageurs ont besoin. Ce serait plus que génial », a expliqué Osmond Alley, ajoutant que des bailleurs de fonds seraient prêts à soutenir ce genre d’investissements.

Partageant cette vision, Augustin Méa, banquier et voyageur rencontré au péage d’Attinguié, a suggéré, par exemple, d’installer à chaque 50 km des toilettes, restaurants, stations-service, boutiques, garages et un poste de police. « Non seulement tout voyageur serait plus à l’aise et en sécurité, mais le nombre d’accidents serait vraiment réduit », a-t-il proposé.



Le 11/08/25 à 17:19
modifié 11/08/25 à 17:20