
Prof. Célestin Asseypo Hauhouot, secrétaire général adjoint de l’Ufhb. (Ph: Faustin Ehouman)
Prof. Célestin Asseypo Hauhouot, secrétaire général adjoint de l’Ufhb. (Ph: Faustin Ehouman)
Prof. Célestin Asseypo Hauhouot, secrétaire général adjoint de l’Ufhb: "Les sciences spatiales sont essentielles, surtout pour des pays comme le nôtre"
Géomatique, stratégie spatiale, data science pour la santé et l'environnement… l'Université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan a engagé une profonde réforme de ses formations afin de les adapter aux besoins du marché du travail et aux grands défis sociaux. Le Prof. Célestin Hauhouot, Sga de l'Ufhb et responsable des formations de géomatique et de data science à l'Institut de géographie tropicale (Igt), explique sans détour cette dynamique.
De nouveaux curricula orientés vers les sciences spatiales et de traitement de données sont proposés par l’Institut de géographie tropicale (Igt) dont vous êtes l’un des responsables. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Nous avons effectivement ouvert de nouveaux parcours depuis l’an dernier, à l’Institut de géographie tropicale. Nous avons lancé une spécialité en géomatique et stratégies spatiales. C’est une licence professionnelle et un master, avec une double orientation : la recherche et la professionnalisation. Et à côté, nous avons mis en place un master en data science appliquée à la santé et à l’environnement.
Qu’est-ce que la géomatique a de plus que la géographie ?
La géomatique, c’est le croisement entre géographie et informatique. Elle permet de collecter, traiter, analyser et diffuser des données, souvent sous forme de cartes. La data science, quant à elle, est la science des données. À l’origine issue des mathématiques, on l’applique à la santé, à l’environnement, pour analyser nos propres données et favoriser une prise de décision éclairée des décideurs.
Pourquoi ce virage de l’Ufhb vers des formations professionnalisantes dans ces domaines ?
C’est pour répondre à un besoin urgent d’employabilité. Nous travaillons à cela. Dans le cadre du système Lmd (Ndlr, Licence-master-doctorat), l’université forme désormais des ressources humaines qualifiées pour accompagner le développement socio-économique du pays. Et face aux réalités actuelles, il faut des formations plus ancrées dans le concret, dans les métiers.
Ces formations tiennent-elles compte des attentes réelles du marché du travail en Côte d’Ivoire ?
Oui bien-sûr ! Vous savez, on échange en permanence avec les milieux professionnels et les étudiants. C’est à partir de ces échanges qu’on ajuste nos formations. On s’est rendu compte que nos anciennes offres, malgré leur qualité, étaient parfois déconnectées des exigences du terrain. On a donc corrigé cela, en diversifiant et professionnalisant davantage.
Certains estiment que les sciences spatiales sont fantaisistes ou élitistes. Qu’en dites-vous ?
C’est une erreur de penser ainsi. Les sciences spatiales sont essentielles, surtout pour des pays en développement comme le nôtre. Grâce à l’imagerie satellite, on peut maîtriser notre territoire, suivre les phénomènes environnementaux, analyser la déforestation, ou même optimiser certaines pratiques agricoles. Ces technologies sont des outils de souveraineté.
Où en est la Côte d’Ivoire dans ce domaine ?
Notre pays accuse un certain retard, mais des efforts sont faits. L’agence spatiale ivoirienne a été créée récemment. Elle va nous permettre de disposer de nos propres satellites. C’est une décision stratégique pour notre autonomie et cela renforcera la place du pays comme pôle régional en matière de technologies spatiales.
Vous parliez de la data science. En quoi est-elle si cruciale aujourd’hui ?
La Covid-19 nous l’a bien montré. On avait du mal à traiter les grandes masses de données en temps réel. La data science ou science des données en français permet d’exploiter ces données, que ce soit en santé publique, en gestion environnementale ou dans l’agriculture. Et il ne faut pas oublier que plus de 70% des données ont une dimension spatiale. D’où la nécessité de combiner data science et géomatique.
Sentez-vous un intérêt de la part des étudiants ? Combien en attendez-vous à la prochaine rentrée dans ces nouvelles filières ?
En data science pour la santé et l’environnement, nous avons démarré avec une dizaine d’étudiants l’an dernier. Cette année, nous prévoyons de doubler cet effectif. Pour la licence et le master en géomatique, nous visons une trentaine d’étudiants, afin de garantir de bonnes conditions de formation. Pour ce qui est de leur motivation, c’est un travail de terrain. Nous communiquons avec les étudiants, via les réseaux sociaux et les délégués de niveau. Nous menons aussi des campagnes de communication auprès des entreprises et cabinets d’études, pour inciter les professionnels à se former ou à se réorienter. Et bien sûr, il y a l’affichage classique à l’université et dans les grandes écoles.
Les formations sont-elles accessibles à toutes les couches sociales conformément à la vocation d’un établissement public ?
Oui, nous veillons à ce que ce soit abordable. Les coûts ont été étudiés pour être les plus bas possibles, juste de quoi couvrir les charges et les honoraires des enseignants. En plus, nous utilisons un mode hybride : en présentiel et à distance, afin de donner plus de flexibilité, notamment à ceux qui travaillent déjà ou qui sont en reprise d’études.
Ces disciplines doivent être exigeantes en termes d’outils pour l’apprentissage si l’on s’en tient aux descriptions que vous avez faites. De quel matériel disposez-vous pour assurer les formations ?
Au plan pédagogique, nous avons tout le matériel nécessaire. Les bases sont là et nous collaborons avec des spécialistes d’autres départements, en sciences médicales, en biosciences, en pharmacie, en médecine, etc. Il y a aussi un partenariat que nous avons établi avec l’université de Lille. L’équipe pédagogique est pluridisciplinaire, composée de professionnels, d’enseignants de notre institut, d’autres Ufr et de partenaires.
Vous faites donc intervenir des experts de l’étranger ?
Absolument ! Dans le master de data science, par exemple, des professeurs de l’université de Lille et de Polytech interviennent, notamment en statistiques spatiales et big data. L’idée, c’est d’arriver à terme à une formation conjointe. Dans le domaine de la géomatique, nous initions aussi des échanges, des webinaires, que ce soit avec l’Europe ou le Maghreb.
Quel est l’objectif final de ces collaborations internationales ?
L’objectif est de faire le pont entre l’université et le monde professionnel. C’est essentiel. Nous voulons que les étudiants soient opérationnels. Nous intégrons donc des enseignants permanents, mais aussi des professionnels du secteur, qui viennent transmettre leur savoir-faire concret.
Les diplômes délivrés sont-ils reconnus à l’international ?
Oui, ce sont des diplômes nationaux, validés par l’université et le ministère. Ils s’inscrivent dans le cadre du système Lmd, donc ils ouvrent des passerelles à l’étranger, notamment via les accords de coopération et l’espace Cames.
Entretien réalisé par
Qu’est-ce que la géomatique a de plus que la géographie ?
La géomatique, c’est le croisement entre géographie et informatique. Elle permet de collecter, traiter, analyser et diffuser des données, souvent sous forme de cartes. La data science, quant à elle, est la science des données. À l’origine issue des mathématiques, on l’applique à la santé, à l’environnement, pour analyser nos propres données et favoriser une prise de décision éclairée des décideurs.
Pourquoi ce virage de l’Ufhb vers des formations professionnalisantes dans ces domaines ?
C’est pour répondre à un besoin urgent d’employabilité. Nous travaillons à cela. Dans le cadre du système Lmd (Ndlr, Licence-master-doctorat), l’université forme désormais des ressources humaines qualifiées pour accompagner le développement socio-économique du pays. Et face aux réalités actuelles, il faut des formations plus ancrées dans le concret, dans les métiers.
Ces formations tiennent-elles compte des attentes réelles du marché du travail en Côte d’Ivoire ?
Oui bien-sûr ! Vous savez, on échange en permanence avec les milieux professionnels et les étudiants. C’est à partir de ces échanges qu’on ajuste nos formations. On s’est rendu compte que nos anciennes offres, malgré leur qualité, étaient parfois déconnectées des exigences du terrain. On a donc corrigé cela, en diversifiant et professionnalisant davantage.
Certains estiment que les sciences spatiales sont fantaisistes ou élitistes. Qu’en dites-vous ?
C’est une erreur de penser ainsi. Les sciences spatiales sont essentielles, surtout pour des pays en développement comme le nôtre. Grâce à l’imagerie satellite, on peut maîtriser notre territoire, suivre les phénomènes environnementaux, analyser la déforestation, ou même optimiser certaines pratiques agricoles. Ces technologies sont des outils de souveraineté.
Où en est la Côte d’Ivoire dans ce domaine ?
Notre pays accuse un certain retard, mais des efforts sont faits. L’agence spatiale ivoirienne a été créée récemment. Elle va nous permettre de disposer de nos propres satellites. C’est une décision stratégique pour notre autonomie et cela renforcera la place du pays comme pôle régional en matière de technologies spatiales.
Vous parliez de la data science. En quoi est-elle si cruciale aujourd’hui ?
La Covid-19 nous l’a bien montré. On avait du mal à traiter les grandes masses de données en temps réel. La data science ou science des données en français permet d’exploiter ces données, que ce soit en santé publique, en gestion environnementale ou dans l’agriculture. Et il ne faut pas oublier que plus de 70% des données ont une dimension spatiale. D’où la nécessité de combiner data science et géomatique.
Sentez-vous un intérêt de la part des étudiants ? Combien en attendez-vous à la prochaine rentrée dans ces nouvelles filières ?
En data science pour la santé et l’environnement, nous avons démarré avec une dizaine d’étudiants l’an dernier. Cette année, nous prévoyons de doubler cet effectif. Pour la licence et le master en géomatique, nous visons une trentaine d’étudiants, afin de garantir de bonnes conditions de formation. Pour ce qui est de leur motivation, c’est un travail de terrain. Nous communiquons avec les étudiants, via les réseaux sociaux et les délégués de niveau. Nous menons aussi des campagnes de communication auprès des entreprises et cabinets d’études, pour inciter les professionnels à se former ou à se réorienter. Et bien sûr, il y a l’affichage classique à l’université et dans les grandes écoles.
Les formations sont-elles accessibles à toutes les couches sociales conformément à la vocation d’un établissement public ?
Oui, nous veillons à ce que ce soit abordable. Les coûts ont été étudiés pour être les plus bas possibles, juste de quoi couvrir les charges et les honoraires des enseignants. En plus, nous utilisons un mode hybride : en présentiel et à distance, afin de donner plus de flexibilité, notamment à ceux qui travaillent déjà ou qui sont en reprise d’études.
Ces disciplines doivent être exigeantes en termes d’outils pour l’apprentissage si l’on s’en tient aux descriptions que vous avez faites. De quel matériel disposez-vous pour assurer les formations ?
Au plan pédagogique, nous avons tout le matériel nécessaire. Les bases sont là et nous collaborons avec des spécialistes d’autres départements, en sciences médicales, en biosciences, en pharmacie, en médecine, etc. Il y a aussi un partenariat que nous avons établi avec l’université de Lille. L’équipe pédagogique est pluridisciplinaire, composée de professionnels, d’enseignants de notre institut, d’autres Ufr et de partenaires.
Vous faites donc intervenir des experts de l’étranger ?
Absolument ! Dans le master de data science, par exemple, des professeurs de l’université de Lille et de Polytech interviennent, notamment en statistiques spatiales et big data. L’idée, c’est d’arriver à terme à une formation conjointe. Dans le domaine de la géomatique, nous initions aussi des échanges, des webinaires, que ce soit avec l’Europe ou le Maghreb.
Quel est l’objectif final de ces collaborations internationales ?
L’objectif est de faire le pont entre l’université et le monde professionnel. C’est essentiel. Nous voulons que les étudiants soient opérationnels. Nous intégrons donc des enseignants permanents, mais aussi des professionnels du secteur, qui viennent transmettre leur savoir-faire concret.
Les diplômes délivrés sont-ils reconnus à l’international ?
Oui, ce sont des diplômes nationaux, validés par l’université et le ministère. Ils s’inscrivent dans le cadre du système Lmd, donc ils ouvrent des passerelles à l’étranger, notamment via les accords de coopération et l’espace Cames.
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