Portrait/Abé Valère Edi (chercheur) : Le générateur de solutions pour le développement

Il est porté par sa passion de trouver des réponses aux problèmes concrets
Il est porté par sa passion de trouver des réponses aux problèmes concrets
Il est porté par sa passion de trouver des réponses aux problèmes concrets

Portrait/Abé Valère Edi (chercheur) : Le générateur de solutions pour le développement

Le 19/07/25 à 19:49
modifié 19/07/25 à 21:14
La recherche, l'Africa Sports et le Viet Vo Dao…, trois passions. Une pour le côté cour et deux pour le côté jardin. Derrière ces passions, se découvre un homme attachant en quête de solutions aux défis.
Certains auraient eu besoin d’écrous en platine pour bien fixer la leur. Lui garde sa tête droite sur les épaules. Taquin et le verbe toujours aimable... Abé Valère Edi marche son chemin. Un pas après l’autre, il avance les yeux rivés sur demain. Le chemin d’horizon est encore long. Mais, pour lui, tout porte à croire que le meilleur reste à venir. Il y travaille farouchement.

Et son travail est salué par de nombreuses distinctions dont la dernière est le Prix Ascad qui récompense l’innovation scientifique au service du développement durable. « Être reconnu par l’Académie des sciences, des arts, des cultures d’Afrique et des diasporas africaines, c’est un grand honneur, surtout de recevoir le prix des mains des professeurs émérites que sont Saliou Touré, Aké N’Gbo ... Cela m’encourage à poursuivre la recherche appliquée accessible aux populations rurales », indique-t-il avec fierté.

Avant cette distinction, le chercheur ivoirien a reçu le Prix néerlandais de l’innovation agricole 2025 pour son travail sur la valorisation des coques de cacao, notamment leur transformation en pigments alimentaire et industriel.

« C’est un prix qui valorise les solutions locales à fort impact environnemental et social dans la chaîne de valeur du cacao tout en limitant l’apparition de certaines maladies fongiques telles que le phytophthora », souligne le récipiendaire qui a élevé le travail au rang de valeur cardinale.

D’autres prix attendent certainement ce chercheur boulimique
D’autres prix attendent certainement ce chercheur boulimique



A son palmarès sont déjà accrochés : le 1er Prix Falling Walls Lab Abidjan 2021, le Prix du meilleur jeune chimiste au monde en 2022 décerné par Food Science Alliancy UK, le 2e Prix recherche et innovation Cedeao Fari à Abuja, le Prix du meilleur entrepreneur énergie et économie verte de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci)...

Dans son ascension vers d’autres sommets, ces prix sont des bornes d’espoir et d’encouragement qui stimulent l’esprit d’innovation de ce chercheur boulimique. « Ma passion pour la recherche est née du besoin de trouver des réponses aux problèmes concrets de notre société. J’étais fasciné par la transformation c’est-à-dire comment un produit brut peut devenir quelque chose d’utile », explique le co-fondateur d’Edindia Industry.

La science au service du développement local

Après la licence dans une université agricole au Maroc, il obtient une bourse qui le conduit en Birmanie précisément à Naypyidaw, ville non loin de Rangoon, la capitale. L’étudiant ivoirien y décroche son diplôme d’Ingénieur génie des bio procédés et agroalimentaire.

Plusieurs formations certifiantes, notamment en suivi-évaluation, valorisation des déchets, énergies renouvelables viendront par la suite enrichir le CV de ce jeune qui a fait tout son parcours scolaire dans la commune de Cocody à Abidjan, le primaire au CSP de Cocody, collège moderne de Cocody et ensuite le lycée classique d’Abidjan.

Son parcours nous dit-il a toujours été orienté vers la science utile, au service du développement local. « Je viens d’un village où le manioc est partout, mais mal valorisé. La recherche m’est apparue comme le seul chemin pour apporter des solutions durables, locales et accessibles », souligne-t-il. Alors il va étudier, disséquer le manioc pour en extraire et décliner les dérivés dont le bioéthanol.

« Nous avons désormais un procédé breveté à partir des déchets liquides de manioc. Le bioéthanol est produit localement et utilisé comme énergie de cuisson propre. Nous avons pu équiper des foyers pilotes avec des réchauds adaptés », affirme le chercheur.

Le défi aujourd’hui est le passage à l’échelle industrielle, obtenir les autorisations environnementales officielles et la certification européenne EN 15376 pour viser également l’export. Le biocarburant peut être utilisé dans le mix énergétique, en ligne avec un des objectifs prioritaires du ministère des Mines, du Pétrole et de l’Énergie qui vise à atteindre le taux de 45% d’énergie renouvelable en Côte d’Ivoire.

Abé Valère Edi fait aussi partie des industriels qui veulent faire entrer la farine de manioc dans les habitudes de consommation grâce à sa farine de manioc 100% panifiable. De plus en plus de boulangers et pâtissiers commencent à l’utiliser en remplacement partiel ou total de la farine de blé. « C’est une farine sans gluten, très digeste, idéale pour les personnes intolérantes », assure-t-il.

Loin de son laboratoire, on l’a vu mettre la main à la pâte pour bien la faire monter. Il participe à des campagnes de démonstration et des séances de dégustation dans les boulangeries pour montrer la qualité de cette farine. Il a annoncé l’ouverture, dans les prochains jours, d’une nouvelle unité de production de farine, d’amidon, de fécule et de glucose le tout à base de manioc.

Le chercheur plaide aujourd’hui pour un cadre réglementaire adapté, notamment pour les biocarburants artisanaux et les innovations agricoles locales. « Il faut un accompagnement plus actif pour l’incorporation de la farine de manioc panifiable à un taux obligatoire, l’État doit faciliter les démarches douanières, les homologations, et soutenir la promotion des produits made in Côte d’Ivoire à l’international. Aujourd’hui avec nous on peut s’approvisionner en grande quantité de farine de manioc, d’amidon (fécule) et aussi du sirop de glucose translucide », insiste-t-il.

Un He For She pour l’autonomisation des femmes

Et lorsqu’il n’est pas devant dans ses unités de production, il est sur le terrain du développement rural. Il est aussi un He For She engagé pour l’autonomisation des femmes.

Des femmes rurales sur l’étendue du territoire national ont été à la transformation du manioc, notamment la production d’attiéké et de farine améliorée mais encore plus loin à la gestion de ces déchets liquides et solides en plus-value. Sans oublier des modules en entrepreneuriat, en gestion simplifiée et en accès au marché.

À l’en croire, ce sont au total 3 000 femmes à ce jour qui ont été formées avec l’appui de l’Anader, du ministère d’État, ministère de l’Agriculture, du Développement rural et des Productions vivrières et du Fdfp. « C’est une fierté de voir certaines d’entre elles devenir des références locales », se réjouit Abé valère Edi, visiblement heureux d’être utile aux autres.

Notre générateur de solutions est un pratiquant de Viet Vo Dao et surtout un passionné de l’Africa Sports ! « C’est plus qu’un club, c’est une identité. Je suis né dans une génération où l’Africa faisait vibrer tout le pays », lance-t-il.

Selon lui, ce qui manque, c’est une vision structurée, stable et ambitieuse. « On a les supporters, l’histoire et le nom. Il faut maintenant bâtir un centre de formation solide, mettre les moyens dans la préparation mentale et physique et surtout ramener la fibre familiale qui faisait notre force ».

En attendant la montée en première division de son équipe, lui, sur le terrain de la recherche et de l’innovation, joue la « Champions League » dans la cour des chercheurs ivoiriens.



Le 19/07/25 à 19:49
modifié 19/07/25 à 21:14