Protection des populations/Dr Brou Gbotto: "Le vaccin antipaludique est une stratégie fiable à 98,99 %"

Dr Brou Gbotto, Directeur coordonnateur du PEV. (Ph: Dr)
Dr Brou Gbotto, Directeur coordonnateur du PEV. (Ph: Dr)
Dr Brou Gbotto, Directeur coordonnateur du PEV. (Ph: Dr)

Protection des populations/Dr Brou Gbotto: "Le vaccin antipaludique est une stratégie fiable à 98,99 %"

Le 11/07/25 à 13:19
modifié 13/07/25 à 18:26
Avec pour objectif d'éradiquer la poliomyélite, d'éliminer le tétanos maternel et néonatal, de faire reculer la rougeole et de prévenir la fièvre jaune par la vaccination, le Programme élargi de vaccination (Pev) du ministère de la Santé vient d'introduire le vaccin contre le paludisme. Dans une interview accordée à Fratmat.info, Dr Brou Gbotto, directeur coordonnateur du Pev, a affirmé que le vaccin contre le paludisme représente une avancée majeure.
Pourquoi le paludisme est-il une urgence de santé publique, surtout chez les enfants ?

Le paludisme, maladie infectieuse transmise par les piqûres de moustiques, est un grave problème de santé publique en Côte d'Ivoire. Selon le programme national de lutte contre le paludisme, en 2024, sur 1000 enfants âgés de 0 à 5 ans, 920 ont été infectés par cette maladie. Chez les adultes, 281 cas sur 1000 ont été enregistrés.

Quels sont les autres conséquences du paludisme en dehors de la mortalité ?

Le paludisme engendre de nombreuses conséquences, au-delà des décès. Il est responsable de plus de 50 % d’absentéisme scolaire. Sur le plan économique, les ménages subissent des pertes importantes liées aux frais de soins, aux transports et aux heures de travail perdues. On enregistre plus de 5 millions de cas toutes causes et tranches d’âge confondues.

Heureusement, la prise en charge s’est améliorée. La Côte d’Ivoire est sur la bonne voie : le Programme national de lutte contre le paludisme a permis de diviser par trois le nombre de décès chez les enfants de 0 à 5 ans, passant d’environ 3550 par an à 1000 actuellement. Les stratégies mises en œuvre, utilisation de moustiquaires, prise en charge médicale efficace, assainissement, désherbage, se poursuivent. Le vaccin vient aujourd’hui renforcer ces efforts, comme une « cerise sur le gâteau ».

Le paludisme étant lié à l’environnement, la lutte reste difficile. La vaccination apparaît donc comme la solution la plus efficace pour éviter que la maladie continue de tuer les enfants.

Est-ce à dire que les anciennes stratégies seront-elles abandonnées dans la lutte ?

Les stratégies classiques restent essentielles. La première repose sur l’usage d’insecticides. La deuxième est l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action, introduites depuis une quinzaine d’années avec de bons résultats. La Côte d'Ivoire en distribue plus de 14 millions tous les trois ans. Des moustiquaires sont également distribuées aux femmes enceintes et aux enfants de 0 à 5 ans sur les sites de vaccination.

La troisième stratégie est le diagnostic correct du paludisme. En cas de fièvre, des tests rapides, utilisables même hors laboratoire, permettent un dépistage précoce. Cela a permis de renforcer la prise en charge des cas à domicile. Lorsqu’un cas est confirmé, les médicaments sont distribués gratuitement par l’État ivoirien. Des comprimés sont également disponibles à titre préventif, notamment pour les femmes enceintes et le reste de la population.

Toutes ces stratégies ont donné de bons résultats mais ce n'est pas suffisant. Le vaccin vient donc en complément pour accroître leur efficacité.

En 2024, vous avez introduit le vaccin dans 38 districts. Quels ont été les résultats ?

En 2024, plus de 300 000 doses ont été administrées. Cette année, plus de 250 000 doses ont déjà été injectées, et tous les enfants ont été correctement vaccinés. Nous n’avons enregistré que 7 cas d’effets indésirables mineurs (fièvre passagère, douleurs au point d’injection), tous rapidement pris en charge. Jamais le Programme national de lutte contre le paludisme n’a connu un tel succès en matière de vaccination. Donc le vaccin contre le paludisme est vraiment une bonne chose. Nous remercions nos partenaires pour leur soutien.

Qu’est-ce que le « passage à échelle » dont on parle aujourd’hui ?

Le "passage à échelle" commence en juillet 2024 et 38 Districts ont reçu le vaccin contre le paludisme. Ces Districts renfermaient plus de cas de paludisme. Après un an de travail avec le gouvernement et ses partenaires, des doses supplémentaires ont été obtenues pour les 75 autres districts. Ainsi, à partir du 14 juillet, le ministre Pierre Demba et ses partenaires Gavi, Oms et l’Unicef lanceront le "passage à échelle". Dans les 3 500 sites de vaccination, tous les enfants de 6 mois, 8 mois, 9 mois et 15 mois recevront ce vaccin. Cette campagne qui débutera le 14 juillet 2025, coûtera 2 milliards 960 millions de Fcfa. Pour cette opération, nous avons intégré les autres vaccins habituels, à savoir la rougeole, la méningite, la polio et rotavirus. Il faut ajouter à ce panier, la vitamine A, la distribution des moustiquaires imprégnés dans les sites de vaccination et la prise en charge correcte des cas de paludisme. C'est une activité intégrée de 10 jours que le gouvernement offre à sa population.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce vaccin ?

Nous avons deux types de vaccin antipaludique, le RTS et le R21 Matrix M qui ont été fabriqués par indian Institute. Ces vaccins ont été testés dans plusieurs pays tels le Ghana, le Malawi, le Kenya... avant d’être validés par l’Organisation mondiale de la santé. Aujourd’hui, ce sont près de 22 pays qui l’utilisent. Ce vaccin est disponible et relativement moins cher. Il va aider les populations à mieux se porter. Nous n’aurons pas de rupture.

À quand le lancement officiel de cette campagne en Côte d’Ivoire ?

Le lancement officiel se fera le 14 juillet 2025, à 10h, à N’Zianouan un village de l’Agneby-Tiassa, dans le District sanitaire de Tiassalé. Un village de 18 000 habitants irrigués par le Bandama à gauche et le N’Zi à droite. C'est une zone de production de banane douce et il pleut tout le temps. Là où il y a de l'eau, il y a la prolifération des moustiques...

Quel message adressez-vous aux parents pour les rassurer ?

Je rassure les parents que les vaccins sont disponibles et gratuits pour les enfants les plus vulnérables. Ils sont environ 1 200 000. Les vaccins sont disponibles dans tous les centres de santé publics de Côte d'Ivoire. Après les 10 jours, les vaccins seront toujours disponibles. Cependant, il faut retenir que le vaccin antipaludique ne se trouve pas en pharmacie, c'est un vaccin à 100 % public.


Le 11/07/25 à 13:19
modifié 13/07/25 à 18:26