Lamia Merzouki, DGA de Casablanca finance city : « Nous ne sommes pas un paradis fiscal »

Lamia Merzouki, Directrice générale adjointe de Casablanca finance city, était à l'Africa Ceo Forum 2025. (Ph: Dr)
Lamia Merzouki, Directrice générale adjointe de Casablanca finance city, était à l'Africa Ceo Forum 2025. (Ph: Dr)
Lamia Merzouki, Directrice générale adjointe de Casablanca finance city, était à l'Africa Ceo Forum 2025. (Ph: Dr)

Lamia Merzouki, DGA de Casablanca finance city : « Nous ne sommes pas un paradis fiscal »

Le 19/05/25 à 10:00
modifié 19/05/25 à 11:36
Initiative du gouvernement marocain lancée en 2010, la Casablanca finance city (Cfc) incarne l'ambition du Maroc de faire de sa plus grande ville une plateforme d'investissement incontournable à l'échelle du continent. L'une des plus hautes responsables de cette place financière était à Abidjan dans le cadre de l'Africa Ceo forum, au cours duquel elle a réaffirmé la volonté de Cfc de renforcer son partenariat avec Abidjan.
En quoi Casablanca finance city se distingue-t-elle dans l’écosystème des places financières en Afrique ?

La Cfc a été conçue un peu comme la place financière de Dubaï, mais avec quelques différences. Premièrement, elle offre un accès au marché marocain local. Deuxièmement, elle n’est pas un paradis fiscal et ne souhaite pas l’être. Troisièmement, elle fait partie des rares plateformes financières au monde à accompagner les entreprises dans leur développement, notamment en Afrique. Et ce, dans n’importe quel domaine.

On va dire une sorte de hub économique et financier...

C’est exactement cela ! Notre objectif est de faire de Casablanca l’une des capitales africaines des affaires et d’accompagner les entreprises dans leur développement. Nous avons, à cet effet, signé des accords avec une vingtaine d’agences de promotion des investissements, comme le Cepici (Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire), qui fait un relais terrain pour ces entreprises. Nous sommes inscrits dans une logique gagnant-gagnant. Nous produisons aussi de la connaissance. La Cfc, il faut le préciser, compte environ 240 membres opérant dans plus de 50 pays africains. C’est une communauté business africaine, par les Africains, pour les Africains, avec un réseau, un savoir-faire et une connaissance terrain solides.

Dans le cadre de son initiative Africa tour, une escale a été faite à Abidjan en décembre 2024. Quelle suite à cette visite et comment peut-elle contribuer au renforcement de la coopération avec la Côte d’Ivoire ?

Nous avons présenté au ministère en charge de l’Economie et des Finances les opportunités d’investissement qu’offre la Cfc. Ensuite, nous avons fait du deal-marking entre nos membres et le secteur privé ivoirien. Cette année, nous prévoyons de faire pareil au Cameroun, au Bénin et au Gabon. Nous sommes dans une logique de coopération avec les centres africains. Actuellement, il n’y a que sept places financières reconnues comme telle sur le continent. Nous souhaitons qu’il y en ait beaucoup plus, comme en Europe, en Amérique ou en Asie, car nous voulons que nos membres soient bien reçus dans d’autres pays africains, pas seulement par les agences de promotion des investissements, mais aussi par les places financières locales.

Avec quels objectifs êtes-vous venue à cette édition de l’Africa Ceo forum?

Nous avions plusieurs objectifs en venant. Primo, nourrir nos relations avec les agences de promotion des investissements. Secundo, parler de Cfc à des entreprises internationales, africaines ou ivoiriennes qui pourraient être intéressées.

La Cfc envisage-t-elle de renforcer son partenariat avec le Cepici ?

Oui, bien sûr ! Nous avons déjà signé un partenariat pour accompagner la réalisation d’Abidjan finance city. Le groupe de travail pour ce projet a commencé à se structurer. Lors de l’Africa tour l’an dernier, nous avons eu des rencontres de haut niveau avec le Cepici, le gouvernement et des acteurs privés. Nous étions venus avec une délégation d’entreprises membres de Cfc intéressées par la Côte d’Ivoire.

Y a-t-il des entreprises ivoiriennes à Cfc ?

Pas encore. Mais un tiers des entreprises membres sont africaines, notamment de grandes entreprises sud-africaines, et notre souhait est que le chiffre augmente.

Comment expliquez-vous le fait que le secteur privé africain s’intéresse plus aux places financières internationales qu’aux plateformes africaines ?

Je ne m’explique pas cette mentalité, car je suis dans une autre dynamique, celle de la coopération et de l’entraide entre Africains. L’Afrique a un rôle stratégique international à jouer. Nous avons créé l’African chapter en même temps que les chapitres européens et asiatiques, ce qui donne une réelle visibilité aux centres financiers africains. On a même fait un road show au Japon avec d’autres plateformes africaines. Le problème, c’est que l’Afrique représente encore seulement 3% du Pib mondial et les pays pris individuellement, ne sont pas visibles sur la scène internationale. Il faut se regrouper pour devenir attractifs aux investisseurs internationaux qui veulent investir dans une zone cohérente, pas dans des pays isolés.

Quel impact la dislocation récente de la zone Uemoa avec la création de l’Aes pourrait-elle avoir sur vos perspectives ?

Nous sommes dans la logique d’intégration, pas dans le protectionnisme. Le Maroc a appelé à ouvrir les frontières lors de l’Africa ceo forum, conformément au projet de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) qui a été adopté par les pays africains.

La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est en vigueur depuis quelques années, mais ses effets se font encore peu sentir. Quel regard porte le CFC sur cette situation ? Quels leviers faut-il activer pour accélérer ce grand projet ?

Je crois que ça ne peut être que progressif, et sur plusieurs chantiers. Le protocole d’accord a été signé et la mise en œuvre est en cours. En fonction de leur niveau de développement, certains pays rechignent justement à y aller. De leur côté, certains petits pays, moins avancés, ont peur. Donc, il y a toute une dynamique à dresser. Ce n'est pas évident. En plus, on va commencer par la circulation des produits et services. Les services financiers, eux, vont venir bien plus tard. Le secteur privé doit aussi jouer son rôle pour accélérer cette importante réforme continentale. Autre chose très importante : les infrastructures, notamment routières et portuaires. Le continent en manque cruellement, alors que sans ça, on ne peut pas échanger. Il faut une bonne optimisation logistique. Et pour qu’on arrive à bonne intégration financière, il faudra commencer d’ores et déjà par travailler sur la convergence des réglementations.

Propos recueillis par


Le 19/05/25 à 10:00
modifié 19/05/25 à 11:36