
Samuel Munzele Maimbo, candidat à la présidence de la Bad: "Mes véritables adversaires sont la pauvreté, l’inflation et le chômage des jeunes"
Comment conciliez-vous vos tâches à la Banque mondiale où vous travaillez et cette campagne ?
Effectivement, je suis le vice-président de la Banque mondiale en charge du budget et du planning stratégique, où je dirige une équipe de 600 personnes à travers le monde. J’ai pris un congé sabbatique de six mois pour mener cette campagne.
Le président sortant Akinwumi Adesina avait engagé une stratégie qu’il a baptisée ‘’High 5’’ qui accordait la priorité à des secteurs comme l’énergie, l’alimentation et l’industrialisation. Envisagez-vous de poursuivre dans cette vision ?
Je considère la direction de la Bad comme une course de relais. Le président Adesina a pris le relais de Donald Kaberuka. À mon tour, je veux prolonger cet élan, en l’adaptant au contexte économique actuel marqué par une macro-économie difficile et des tensions géopolitiques difficiles et aux défis du développement de notre continent. Et donc comme je l’ai dit, mes priorités sont : renforcer le commerce intra-africain ; financer massivement le secteur privé ; et créer des emplois pour les jeunes.
Qu’est-ce qui explique le volume encore très bas du commerce intra-africain, se situant à moins de 20% de son potentiel ?
La volonté politique existe et est bien forte. A preuve, presque tous les pays africains ont signé l’accord pour la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Les Africains veulent donc faire du commerce entre eux, mais comment exécuter cet accord s’il n’y a pas suffisamment d’infrastructures de transport. Il faut construire des routes, des pipelines et développer le réseau ferroviaire pour faciliter les échanges. Je vous donne un exemple : l’Angola produit du pétrole brut, mais la Zambie qui est juste à côté en importe d’Arabie Saoudite, faute de pipeline entre voisins. La Bad doit intervenir à ce niveau.

L’émigration massive des jeunes africains vers l’Occident, ces dernières années, est vue comme un drame auquel sont confrontés nombre de dirigeants du continent? Comment comptez-vous adresser ce défi ?
Nous allons y arriver par trois initiatives que nous mettrons vite en œuvre : créer un Conseil jeunesse auprès de la présidence afin d’avoir un accès direct et facile avec les jeunes et vice-versa ; réformer la formation professionnelle ; et investir dans des secteurs à forte création d’emplois comme l’industrie créative, le sport, les services urbains et le tourisme. Nous ne supportons plus de voir nos jeunes mourir dans la Méditerranée ou de les voir travailler dans des conditions dégradantes en Europe et aux Etats Unis.
L’Afrique de l’Ouest fait face à un bouleversement politique qui a des répercussions économiques et monétaires, avec notamment la création de l’Aes. Comment vous regardez ces transformations et instabilités et comment comptez-vous dérouler un planning dans ce contexte socio-politique fragile ?
Je souhaite travailler et renforcer les partenariats avec toutes les régions économiques. C’est en faisant cela que nous parviendrons à une véritable intégration économique africaine. La création des communautés économiques dont vous parlez est avant une décision politique et le problème que cela pourrait poser doit se régler d’abord au niveau politique. Et à ce niveau, l’Union africaine a aussi un rôle à jouer. L’Ua et la Bad doivent travailler main dans la main puisqu’elles sont dans le même bateau, l’Ua étant focalisée sur le consensus politique et la Bad sur le développement économique.
Quelles sont vos chances de remporter cette élection face à des adversaires tout aussi coriaces et expérimentés?
Je viens de la Zambie, un pays minier où on produit le cuivre. Ce minerai donne le meilleur quand il est soumis à une forte pression. C’est un travail rude qui m’a forgé un mental. Je suis résilient, habitué à être sous la pression. Je suis dans une compétition avec en face des adversaires solides que je vois comme des frères et sœur africains. La vraie compétition, le vrai combat, c’est contre la pauvreté, l’inflation, le chômage, le manque d’accès à l’électricité. Voilà ce que je considère comme mes adversaires. Le combat doit être pour le développement de l’Afrique, notre cher continent.