
Échangeur du carrefour Akwaba : Les embouteillages persistent (Reportage)
Dans des bruits de klaxons intempestifs, chacun essaye de se frayer un chemin. Les motocyclistes comme pour narguer les automobilistes se faufilent entre les voitures immobilisées. Les automobilistes coincés, pare-chocs contre pare-chocs avancent, le pied collé au frein.
L’échangeur du carrefour Akwaba, censé être la grande artère vitale, tourne au ralenti. À côté, dans les espaces piétons, des files d’hommes marchent d’un pas pressé.
Inauguré, le 19 mars, avec l’espoir d’une circulation fluidifiée, cet ouvrage d’art d’un coût de 31,2 milliards de FCfa comprenant un pont principal de 395 mètres à 2x3 voies et une structure secondaire de 362 mètres anticipant le passage du métro d’Abidjan, tarde à tenir ses promesses. Et les usagers, eux, peinent à contenir leur impatience.
Si certains usagers reconnaissent une légère amélioration, un sentiment général de frustration et de déception domine, alimenté par la persistance d’embouteillages tenaces.
Les espoirs placés en cet échangeur étaient donc immenses. La réalité quotidienne des usagers de la route est tout autre.
Habitant de la commune de Port-Bouët, J.B. Konan souligne que l’échangeur n’a rien changé à son quotidien. Pire, les embouteillages persistent et s’aggravent. « Si tu ne peux plus circuler convenablement, où est donc l’utilité de l’échangeur ? », questionne-t-il.

Bien que ne résidant pas dans la zone, Bérénice Kamelan qui vit à Cocody témoigne de la difficulté de ses déplacements. Ayant quitté son domicile à 7h30 pour Gonzagueville, elle était encore coincée dans les bouchons du carrefour Akwaba à 10h.
Cela malgré l’utilisation du troisième pont pour raccourcir le trajet. Elle déplore le peu de changement apporté par l’échangeur et la présence constante des embouteillages. Pour Aubin N’Goran Kouassi, ce n’est pas le résultat attendu. Ce dernier a choisi la marche qui, de son point de vue, est le seul moyen de déplacement rapide. Il estime donc que l’échangeur n’a pas apporté d’amélioration significative.
En outre, il a fait remarquer la désorganisation des lignes intercommunales, obligeant à “décomposer” les trajets. Toujours selon lui, les conséquences se font sentir sur le temps de sommeil, la productivité au travail et sur le budget du transport, avec des frais supplémentaires occasionnés par cette désorganisation.
Blandine M’bra, commerçante de poisson partage le même avis. Elle affirme que l’échangeur n’a rien changé. « Les gens disent que la situation ne s’améliorera qu’avec la fin des travaux de la route du port. Ils considèrent que la situation avant les travaux était préférable », rapporte-t-elle.
Les nerfs à vif, la commerçante jure de ne plus emprunter cet itinéraire en raison de son impact négatif sur sa santé et son commerce. Un autre usager, Théodore Koffi s’indigne face à des arrêts de circulation prolongés et inacceptables. Il questionne l’incapacité à trouver des solutions. « Est-ce à dire qu’on est incapable de trouver une solution tout ce temps ? », demande-t-il.
Si bon nombre d’usagers se plaignent de la situation, certains y trouvent pour leur compte. Oumar Moro, chef de gare au niveau de l’abattoir et chauffeur fait partie des usagers satisfaits. En effet, il note une amélioration depuis la mise en service de l’échangeur.
Le calvaire des automobilistes
« Actuellement, nous travaillons toute la journée sans réel problème. Lorsque les passagers viennent, les véhicules sont là, ils embarquent et le trajet est fait rapidement », affirme-t-il. « C’est le fait que les feux de signalisation n’étaient pas encore allumés qui causait les embouteillages », a-t-il ajouté.
Quant à Ekou Kouassi, apprenti chauffeur, il affirme que la cause de cette situation et des difficultés qu’elle entraîne, ce sont les travaux concomitants qui ne se font pas loin; « les embouteillages sont dus aux travaux qui se font en même temps du côté de Koumassi, Ancien Koumassi et au niveau de l’échangeur puisqu’ils se font au même moment », avance-t-il.
Cet homme a encore en mémoire le calvaire vécu par les usagers. « Nous pouvions faire 2 ou 3 heures pour un trajet Akwaba-Gonzagueville, c’était compliqué et de l’argent perdu. »
Zié Dembélé, lui, se réjouit de la beauté de l’ouvrage. « Avant la construction, tout le monde se retrouvait sur les mêmes petites routes. Maintenant, comme il y a des voies en dessous et au-dessus, nous pouvons sortir facilement ». Néanmoins, il identifie un goulot d’étranglement. « Je pense que le problème de l’embouteillage est le port autonome qui n’est pas encore fini... Sur l’échangeur, c’est au moins deux voies, mais le croisement se trouve sur deux voies de circulation. » Il propose donc à « l’État d’agrandir un peu la voie qui descend vers le quartier Ancien Koumassi. »
Usager régulier du tronçon, Rasmane Sombougma se souvient des difficultés antérieures. Il indique que pour le trajet Port-Bouët-Akwaba, il pouvait perdre entre 1h 30 et 2 heures. « Maintenant, nous pouvons faire le même trajet en 30 minutes », se réjouit-il. Cependant, il pointe du doigt aussi un nouveau goulot d’étranglement : « Le réel problème, c’est Ancien Koumassi. Le fait est que là-bas, la voie a été rétrécie. Au lieu de 3 à 4 voies, cela est passé à 2 voies. »
Au-delà des infrastructures, Armand Joël et Bernard Kouassi pointent du doigt l’indiscipline routière. « Si chacun respectait le code de la route, les bouchons diminueraient. Les changements de voie intempestifs, les sens interdits empruntés et le non-respect des feux tricolores aggravent la situation. »
Bernard Kouassi explique que « les dispositifs de signalisation que sont les feux de circulation sont là pour une raison. Il serait bien que les agents de régulation ne se substituent pas aux feux. Mais plutôt d’être des éléments de complément à l’ordre et au respect des feux de signalisation. »
Aux inquiétudes et questionnements des populations, Vivien Kanga, chargé de coordination pour le compte de l’entreprise exécutante des travaux, apporte un éclairage sur la situation. « Les travaux d’ouvrage d’art sont terminés. Ce qu’il reste à faire, ce sont des finitions. Nous sommes en train de voir la procédure pour les achever au plus tard à la fin de ce mois », précise-t-il.
Il affirme qu'à leur niveau, « il n’y a pas de travaux qui impactent actuellement la mobilité ou bien la circulation de façon directe. » Selon lui, les causes de ralentissement sont « plutôt exogènes », liées alors aux « projets annexes dans le périmètre direct de notre zone ».

En outre, Vivien Kanga indique comprendre l’impatience des populations qui s’attendaient à une amélioration immédiate du trafic et lance un appel à la patience : « Tout ce que je peux demander aux populations, c’est d’avoir un peu plus de patience. Pour qu’au moins, tout ce qu’il y a comme travaux à faire au niveau du grand carrefour de Koumassi, d’Ancien Koumassi soit fait et ils verront une nette amélioration. »
DJENEBA TOURE (STAGIAIRE)
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- Koumassi et incivisme
L’incivisme, notamment l’impatience au volant, la création abusive de voies, l’utilisation des trottoirs comme chaussée, la circulation en sens interdit et le non-respect du code de la route, est également un facteur à prendre en compte. Sans oublier l’excitation due à la consommation d’alcool, de stupéfiants et de médicaments.
D. TOURE (STAGIAIRE)
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- L’économie touchée
Les embouteillages, à Abidjan, ne sont pas seulement source de frustration pour les automobilistes et les usagers des transports en commun. Ils sont synonymes d’épuisement, de stress et ont un impact négatif significatif sur l’économie nationale et le quotidien des Abidjanais.
Selon une communication du Centre d’information et de communication gouvernementale (Cicg), les pertes socio-économiques engendrées par les embouteillages dans la ville d’Abidjan s’élèvent à environ 5% du Produit intérieur brut (Pib) ivoirien.
Ce chiffre est l’illustration des conséquences des bouchons sur l’activité économique, entravant la circulation des marchandises, retardant les rendez-vous d’affaires et réduisant la productivité des entreprises.
D.T. (STAGIAIRE)