Dr Niamien Guy Richard (Unicef Korhogo): "Nous gagnons en efficacité en nous rapprochant des populations"

Dr Niamien Guy Roland, chef de bureau sous-national Korhogo de l’Unicef en Côte d’Ivoire. (Ph: Dr)
Dr Niamien Guy Roland, chef de bureau sous-national Korhogo de l’Unicef en Côte d’Ivoire. (Ph: Dr)
Dr Niamien Guy Roland, chef de bureau sous-national Korhogo de l’Unicef en Côte d’Ivoire. (Ph: Dr)

Dr Niamien Guy Richard (Unicef Korhogo): "Nous gagnons en efficacité en nous rapprochant des populations"

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Le 07/05/25 à 11:19
modifié 07/05/25 à 16:33
En 2017, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a ouvert un bureau dans la région Nord. Son représentant dresse ici un bilan des activités réalisées. Il évoque également les perspectives et les défis à relever.
L’Unicef a ouvert un bureau dans la capitale du Poro, Korhogo. Quelles sont les principales motivations à la base de la mise en place de ce nouveau détachement ?
L'Unicef Côte d’Ivoire a pris la décision de définir un cadre global de gouvernance purement décentralisée, efficace et responsable. Ce modèle de gouvernance s’accompagne, de toute évidence, d’une politique efficiente de proximité accrue. Avec une forte présence sur le terrain. Question d’être plus proche des bénéficiaires et des populations cibles. Ce qui, à coup sûr, nous permet d'atteindre les priorités et les résultats pour les enfants. Donc aujourd’hui, le bureau Pays Unicef est organisé autour d'un bureau central à Abidjan et de deux bureaux sous nationaux à Man et Korhogo. Le bureau sous national de Korhogo est le dernier né des bureaux Unicef en Côte d'Ivoire et a été mis en place et rendu opérationnel en 2017. Il couvre tous les programmes Unicef en lien avec les droits des enfants tels que l'éducation, la sante, la protection, la nutrition, l’accès à l'eau et à un environnement sain et la participation des adolescents et jeunes.

Le bureau de Korhogo en termes d'effectif est passé de 2 en 2017 à 7 en 2020 puis 20 personnes actuellement en 2025. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cet effectif est en forte croissance, au fil des années. Quelles sont les raisons ?

Ce bureau couvre 8 régions du Nord, du Nord-Est et du Centre Nord, à savoir le Poro, le Tchologo, la Bagoué, le Bounkani, le Gontougo, le Hambol, le Gbêkê et le Béré. De ce fait, l’opérationnalisation de la présence sur le terrain par les bureaux sous nationaux a été identifiée comme une stratégie pertinente pour assurer un meilleur suivi des programmes et en maximiser l'efficacité tout en donnant à l’Unicef Côte d’Ivoire un avantage comparatif significatif, reconnu par les partenaires et les parties prenantes.

Compte tenu de ce vaste champ d’intervention, il va sans dire que les principales actions menées par l’Unicef à Korhogo sont énormes. Pourrait-on avoir un aperçu au cours de l’année écoulée ?

Le Bureau Sous National de l’Unicef Korhogo a mené plusieurs actions en 2024 dans les zones couvertes au niveau du Nord à travers tous les programmes qui sont délivrés, je pourrais en citer quelques-unes : au niveau du secteur de la santé, on a mis en service une unité Smk (Soins mère kangourou) à l’hôpital Général de Ouangolodougou, après celles de Korhogo et de Ferkessédougou. D’autres suivront cette année 2025 à Kong, Nassian et Bouna. Cela a déjà permis d’avoir un taux de survie de 94% des enfants prématurés et de petits poids de naissance pris en charge. Nous avons eu également la mise en œuvre de la digitalisation des interventions de santé communautaire dans 5 districts sanitaires de la région du Poro avec la formation et l’équipement des infirmiers et agents de santé communautaires en smartphones/tablettes pour faciliter la prise en charge communautaire des maladies du nourrisson et de l’enfant.

A ce titre, vous avez mené plusieurs actions dans des secteurs clés tels que l’éducation et la nutrition.
Oui, au niveau de l’éducation, nous avons construit et équipé 52 salles de classe dans le Nord et distribué plus de 45 000 kits scolaires en 2024. Pour l’appui aux populations demandeurs d’asile venues du Burkina, ce sont plus de 2000 enfants qui ont été pris en charge sur les sites de Timala et de Niornigué en vue d’assurer la continuité éducative. Au niveau communautaire, nous avons poursuivi la mise en place des mécanismes communautaires pour l’accès et le maintien des enfants à l’école. En ce qui concerne de la nutrition, nous avons doté les centres de santé des régions du Poro, de la Bagoué, du Tchologo et de Bounkani en matériels anthropométriques et en intrants nutritionnels. En plus, des coachings ont été réalisés pour 166 agents de santé sur les directives de nutrition dans les régions du Tchologo et de Bounkani. Les activités de routine se sont menées avec la Supplémentation en vitamine A des enfants de 6-59 mois, la distribution des suppléments de nutrition à base lipidique pour plus de 14 000 enfants dans les régions de Bounkani et du Tchologo. Nous avons également renforcé la nutrition communautaire par la mise en place de 3 Foyers de renforcement des activités de nutrition communautaire et du développement de la petite enfance (Franc/Dpe) sur les 2 sites d’accueil des demandeurs d’asile et dans le village de Notadouo.

Qu’en est-il de la protection des enfants, des adolescents et des jeunes ?

En 2024, les activités de lutte contre les violences faites aux enfants se sont poursuivies avec des séances de sensibilisation pour prévenir les violences faites aux enfants, des réponses aux cas de violence sur les enfants et la mise en place de plusieurs mécanismes communautaires dans le Nord. Pour l’état civil, nous avons apporté un appui pour la fonctionnalité de 4 pools d’état civil coordonnés par les Sg de préfecture. Au cours de cette même année, l'Unicef a poursuivi ses efforts pour renforcer les capacités des partenaires nationaux à mettre en œuvre des programmes de développement des compétences et d'employabilité des jeunes. Dans les régions du Nord frontalières au Burkina, nous avons mis en place des ambassadeurs de la paix au niveau communautaire pour mener des actions sociales communautaires en vue du renforcement de la paix et de la cohésion. Ce secteur a également permis de renforcer les compétences en vie courante de plus de 2000 adolescents et jeunes dans le Nord.

On note également que vos initiatives ont pris en compte d’autres domaines relatifs à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement ; tout comme le changement des normes sociales et comportementales. A ces différents niveaux, qu’a fait concrètement cette institution spécialisée des Nations unies, dans le Nord ?

Nous avons poursuivi nos appuis pour renforcer l’hygiène communautaire à travers la stratégie de l’assainissement total piloté par la communauté qui nous a permis d’avoir 5 sous-préfectures déclarées Fdal (respectant les critères de fin de la défécation à l’air libre) à savoir Youndouo, Togoniéré et Koumbala, dassoumgbo et kombolokoura. Des ouvrages pour améliorer l’accès à l’eau potable dans les communautés du Nord ont été réalisés avec des hydrauliques villageoises améliorées (Hva) solaires et des réservoirs d’appui dans les centres de santé, la constructions de latrines et la redynamisation des comités de gestion des points d’eau dans des localités du Nord. Au niveau du changement des normes sociales et comportementales, des appuis techniques ont été fournis aux communautés rurales de 81 localités des sous-préfectures de Ferké et de Koumbala pour l'élaboration de Plan d'initiatives communautaires et des activités d’écoute.

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Au regard de vos différentes initiatives, le constat qui se dégage, c’est que du chemin a été parcouru. Mais, il n’empêche que beaucoup reste à faire. Quelles sont alors vos perspectives pour cette année 2025 ?

2025 est une année charnière. A terme, nous terminerons le cycle du programme 2021-2025, un programme de coopération avec le gouvernement ivoirien. Toujours est-il que nous allons continuer à décliner nos interventions d'appui aux différents ministères clés représentés dans les régions couvertes par le bureau de Korhogo, contenues dans notre programme de travail opérationnel sous le leadership des différents préfets de région. Nous allons aussi renforcer, par nos interventions, la résilience des systèmes au niveau des institutions déconcentrées et des services sociaux de base, à l’échelle régionale et locale ; mais également la résilience des communautés et des individus. Des solutions durables seront fortement renforcées ; à savoir le renforcement de l’accès à l’eau potable, à travers de mini-systèmes d’eau avec pompage solaire. Ces systèmes alimentent à la fois les communautés, les écoles et les centres de santé. Nous aurons également le renforcement de l’accès des enfants à l’éducation formelle et non formelle, à travers la construction de 70 salles de classe en briques plastiques recyclés et en matériaux durables. Nous avons également en perspective la poursuite de l'appui à la continuité éducative des enfants demandeurs d'asile. Les aspects de nutrition seront également renforcés à travers le renforcement des bonnes pratiques nutritionnelles et la prévention de la malnutrition, au niveau communautaire et dans les structures de santé, à travers la mise en place de 10 nouveaux Foyers nutritionnels (Franc). Nous aurons également l’appui aux groupements féminins à la production, la transformation et la consommation des aliments locaux sains et diversifiés dans certaines régions du Nord. Au niveau de la santé, nous allons continuer le renforcement de la disponibilité et l’accès à des vaccins de qualité, la mise en place d’approche innovante telle que l’ouverture de 4 nouvelles unités Smk pour sauver la vie des nouveau-nés, la mise en place dans les maternités des ballons auto-gonflables/ UBT pour lutter contre les hémorragies de la délivrance des mères en couches et l’extension de la digitalisation des interventions de la santé communautaire à 15 autres districts. Au niveau de la protection de l'enfant, nous allons continuer également de renforcer la fourniture des services standardisés de gestion de cas pour les enfants victimes de violence, le renforcement de capacités des travailleurs sociaux et des communautés sur la protection contre les exploitations et abus sexuels. Et enfin pour prévenir les situations de conflit dans les communautés, nous allons continuer le renforcement et l’engagement des jeunes et des adolescents dans les activités de consolidation de la paix, de cohésion sociale, de prévention des conflits et de renforcement en compétences de la vie courante. Pour la réponse aux urgences, nous allons poursuivre l’appui aux besoins des populations venues du Burkina Faso et à ceux des communautés hôtes.

Quels sont les défis majeurs que vous rencontrez dans la mise en œuvre de vos programmes, notamment en matière d’éducation, de santé infantile et des opérations d’urgence ?

Nous avons effectivement quelques défis à relever : au niveau de la santé, il y a la demande et l’utilisation des services de santé par les populations, le défi de l’appropriation des initiatives par les communautés en vue de leur pérennisation et le défi de la persistance de normes socioculturelles défavorables à la santé des enfants et des mères. Au niveau de l’éducation, le défi de disposer des ressources suffisantes pour l'extension de la classe digitale mobile avec l’application Mon école à la maison, à plusieurs localités et le défi d’assurer le droit à l'éducation dans un contexte difficile. Au niveau des opérations d’urgence, le principal défi reste la mobilisation de beaucoup plus de ressources en vue de répondre aux situations d’urgences.

Avez-vous observé une amélioration significative dans les indicateurs liés à la protection de l’enfance et à la nutrition au cours des dernières années ?

Oui, au niveau de la protection de l’enfant, nous avons également une amélioration significative en matière de déclaration des naissances, de 53% en 2018, nous sommes à 58% en 2023 et probablement pour 2024, nous pourrions atteindre les 60% en attendant la confirmation des données nationales. Concernant la nutrition, les indicateurs en lien avec la disponibilité des intrants nutritionnels ont été nettement améliorés avec la réduction du nombre de jours de rupture et l’amélioration de la couverture des activités nutritionnelles. Toutefois, les efforts doivent être poursuivis. Par ailleurs, les résultats de l'enquête nutritionnelle nationale Smart 2025 qui seront bientôt diffusés pourront nous permettre d’avoir une meilleure appréciation des efforts faits par tous les acteurs de la nutrition.

L’Unicef travaille souvent en collaboration avec les autorités locales et d’autres partenaires. Comment se passe cette coopération à Korhogo ?

Je reformulerai en disant comment se passe cette collaboration avec les autorités de toutes les régions couvertes par le bureau sous-national. Elle se passe très bien. Déjà, il faut rappeler que notre programme de coopération est en appui au gouvernement ivoirien qui est représenté au niveau déconcentré par les autorités préfectorales et les directions régionales des ministères clés. Nos interventions visant au respect des droits des enfants, nécessitent la bonne collaboration avec toutes ces autorités citées plus haut mais également d'autres partenaires de mise en œuvre que sont les Ong au niveau local.

Quels sont les projets à venir de l’UNICEF à Korhogo et quelles attentes avez-vous vis-à-vis des populations et des autorités locales ?

Au niveau de l’Unicef, nous avons divers programmes qui sont implémentés selon un plan défini et validé de commun accord avec les partenaires du gouvernement. Ce plan est contenu dans le cadre de coopération mis en place entre le gouvernement de la Côte d'Ivoire et l'Unicef aligne sur le Pnd. Nous fonctionnons donc par programmes en lien avec les droits des enfants et ce sont ces perspectives à venir que nous avons relatées plus haut. Ces interventions programmatiques seront déclinées dans les régions couvertes par le bureau sous national de Korhogo pour le bien-être des populations de ces zones. Concernant nos attentes, c'est la continuité de la bonne collaboration que nous avons avec les autorités locales et également les populations bénéficiaires de nos programmes.

Interview réalisée par

Didier ASSOUMOU


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Le 07/05/25 à 11:19
modifié 07/05/25 à 16:33