Télévision numérique terrestre : Ces importantes zones encore sans signal Tnt (Dossier)

Niablé, une ville en attente de dispositif TNT. (Ph: Dr)
Niablé, une ville en attente de dispositif TNT. (Ph: Dr)
Niablé, une ville en attente de dispositif TNT. (Ph: Dr)

Télévision numérique terrestre : Ces importantes zones encore sans signal Tnt (Dossier)

Le 29/03/24 à 11:57
modifié 29/03/24 à 11:57
Depuis son lancement en Côte d'Ivoire, ce système offert pour répondre aux besoins sociaux des populations poursuit son chemin sans grand bruit. Le déploiement de la Tnt est-il effectif partout en Côte d'Ivoire ? Comment les Ivoiriens vivent-ils le temps de la Tnt ? Notre dossier.
Nous avons sillonné quelques villes pour mieux cerner les réalités d’un système inscrit dans le nouveau paysage audiovisuel. Les installations Tnt couvrent-elles l’ensemble du territoire ivoirien ? Comment les populations accueillent-elles ce nouveau système et que gagnent-elles réellement ?

À Abidjan, précisément dans la commune d’Abobo où nous avons démarré nos investigations, les populations marquent dans l’ensemble leur satisfaction. « Depuis que mon antenne Tnt a été installée, je reçois bien les images de la télévision. Ce qui me réjouit le plus, c’est de ne payer aucun abonnement mensuel ».

Une vue d'une antenne. (Ph: Dr)
Une vue d'une antenne. (Ph: Dr)



Partageant quelques moments de gaieté dans sa cours à Abobo derrière rails, Ichouata Camara, la quarantaine révolue, ne cache pas sa joie de compter parmi les privilégiés. Habitant à proximité du principal centre émetteur du pays, elle bénéficie de tous les avantages énoncés depuis le lancement. « Les images sont parfaites pour un service pratiquement gratuit. Je n’ai acheté que l’antenne et je n’ai pas de soucis », dit-elle.

À Yopougon-Selmer, Noël Konan, responsable marketing dans une entreprise de la place fait savoir qu’il s’est offert une antenne, bien que déjà abonné aux chaines satellitaires. Il avait surtout voulu se mettre à l’abri de coupure d’images en temps pluvieux.

Qualité des images et du son évoquée

Images nettes. Sons agréables et prix imbattables. Utilisateurs épargnés de réabonnement mensuel. Des avantages égrenés par les nombreux détenteurs et repris en chœur du côté des techniciens du centre émetteur. Cependant, ceux-ci annoncent l’existence de quelques zones encore non accessibles par le signal.

Christelle Kouadio appelle à la patience. (Ph: Dr)
Christelle Kouadio appelle à la patience. (Ph: Dr)



Particulièrement, l’intérieur du pays où celui-ci passe souvent au-dessus de certaines zones dans des bas-fonds ou encore, des endroits beaucoup trop éloignées des pylônes de réception. Des préoccupations qui nous confortent dans notre volonté d’en d’explorer quelques unes, techniquement nommées zones blanches par les spécialistes. Il s’agit des espaces situés dans les villes de Danané, Ayamé, Bocanda, Sassandra, Niablé.

Nos premiers pas nous conduisent donc à Niablé, une des plus importantes zones blanches. Rencontré sur la voie principale de la ville, Konaté Tchègbè marque son indignation : « La Tnt est un programme social que l’État de Côte d’Ivoire a bien voulu mettre en place pour nous aider. Ayant des amis à Affalykro, village situé à quelques kilomètres de Niablé qui recevait bien les images grâce à la Tnt, j’ai vite fait d’acheter mon kit. Malheureusement, aujourd’hui je n’ai aucune image. J’ai ouï-dire qu’il n’y a pas de réception dans la localité. Je suis toujours en attente », dit-il d’un ton amer.

Proche de lui, Koffi Kan Martin, professeur d’histoire, ne dit pas le contraire. « Il faut que nous apprenons à consommer ivoirien ». Avant de renchérir : « Avec les 3 chaînes du groupe Rti, je m’attends à des contenus qui relatent nos réalités quotidiennes. Ce serait bien de recevoir la Tnt ici » affirme t-il.

Drissa Bagré invite la population à patienter. (Ph: Dr)
Drissa Bagré invite la population à patienter. (Ph: Dr)



L’urgence des « zones blanches » de la Tnt

Bénéficiant du signal Tnt à Bocanda, Kouadio Christelle ne manque pas de plaider pour les populations toujours dans le besoin. « J’ai tranquillement suivi tous les matchs de la Can 2023 sans m’inquiéter d’une possible rupture en cas d’orage ». Cependant, elle déplore la rareté des points de vente du kit.

Même son de cloche chez Kouakou Kra Faustin, agent d’hygiène à la retraite à Bondoukou. Pour Issa Kourouma, au quartier Dioulakro de Bocanda, tout est une question de temps et de patience. Convaincu que l’État œuvrera à la couverture totale du pays, il appelle chaque jour les nombreux demandeurs à la patience.

Issa Kourouma demande à la population de ne pas s'inquiéter quant à l'arrivée de la TNT dans leur localité. (Ph: Dr)
Issa Kourouma demande à la population de ne pas s'inquiéter quant à l'arrivée de la TNT dans leur localité. (Ph: Dr)



En leur rappelant la volonté de l’État de Côte d’Ivoire d’aider les populations à bénéficier de cet outil d’information et s’inscrire dans la réalité du nouveau paysage audiovisuel.

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Adama Benoît Yéo, Dg de Idt : « Le problème des zones blanches constitue, pour l’heure, notre plus grande préoccupation »

Adama Benoît Yéo, directeur général de Idt. (Ph: Dr)
Adama Benoît Yéo, directeur général de Idt. (Ph: Dr)



Depuis le 13 novembre 2021 qui marque l’extinction définitive du signal analogique en Côte d’Ivoire, où en êtes-vous aujourd’hui, avec l’arrosage du pays par la Tnt ?

En ce qui concerne le déploiement de la Tnt sur le territoire ivoirien, nous avons terminé. Nous sommes à un peu plus de 96% de couverture nationale. Les zones concernées sont couvertes par le fait que tout le matériel y a été déployé pour recevoir la tnt. Évidemment, il faudrait faire la part des choses entre le taux de couverture et le taux de pénétration. Au niveau du taux de pénétration, une étude a été menée par l’institut national de statistique (Ins), il y a au moins deux ans de cela, le taux était faible, mais aujourd’hui, nous sommes à plus de 60% de taux de pénétration. Comprenez par là le pourcentage de foyers qui ont acquis la Tnt.

Quelle est la différence entre taux de couverture et taux de pénétration de la Tnt ?

Vous pouvez avoir d’un côté, le taux de couverture, c’est-à-dire la possibilité d’avoir la Tnt dans la région et de l’autre, le taux de pénétration, c’est-à-dire le fait de savoir si effectivement les populations ont réellement acquis les kits pour recevoir la Tnt.

A vous entendre, cela signifie qu’environ 4% du territoire ivoirien n’a pas accès à la Tnt ? Comment justifiez-vous la privation de la population dans cette zone ?

Nous avons effectivement des zones qui ne sont pas couvertes et que nous appelons des zones blanches. Ce qui signifie que même si des personnes qui sont dans ces zones acquièrent les kits, elles ne pourront pas recevoir le signal de la Tnt. A la longue nous ambitionnons d’explorer d’autres réseaux tels que la fibre optique, mais pour l’heure le problème des zones blanches constitue notre plus grande préoccupation.

Alors quel sort est réservé à ces personnes dans cette importante course vers la Tnt ?

A ces personnes je dirai simplement qu’il faut patienter parce que nous avons un deuxième programme pour remédier à cela et couvrir justement ces zones blanches. Car avec 96% de couverture, nous n’avons pas encore atteint la limite.

Nous avons justement entendu ces populations lancer un appel à l’état de Côte d’Ivoire qui, disent-elles, a décidé de les aider à accéder à la Tnt. Qu'en est-il réellement ?

Il est bon de clarifier les choses. L’état a contribué effectivement à ce que les populations puissent recevoir la Tnt de manière gratuite. Mais maintenant au niveau de l’acquisition des kits, c’est-à-dire l’équipement qu’il faut acheter pour pouvoir brancher sur la télévision, l’état a exonéré de droits de taxes de douanes pour que ces kits reviennent moins chers aux populations. Donc voilà l’effort que l’état a fourni. Évidemment, je sais qu’il y a des populations qui n’ayant pas suffisamment de moyens, ont souhaité que l’état puissent leur offrir gratuitement les kits. J’avoue que nous l’avons entendu mais ce qu’il faut noter c’est qu’au départ, dans les documents de stratégies concernant la transition à la Tnt, il était mentionné que l’état puisse effectivement fournir gratuitement aux populations ou au pire des cas, que les populations puissent l’acquérir à moindre coût. Nous avons porté cette doléance et l’état a fait l’effort en agissant au niveau des taxes concernant le matériel.

Combien coûte le kit Tnt ?

Il est à dix-huit mille (18 000) francs Cfa. Pour dix mille francs Cfa (10 000 F Cfa) pour le décodeur et huit mille francs Cfa (8. 000 F Cfa) pour l’antenne. Mais il y a des postes téléviseurs avec un décodeur déjà intégré et dans ce cas il suffira d’acheter simplement une antenne Tnt pour recevoir les chaines de la Tnt. Des populations rencontrées ont également souligné la difficulté à trouver des points de vente du kit Tnt. Que répondez-vous à cela ? Je pense que des gens ne font peut-être pas attention. Sinon avec notre département Communication, nous avons fait le tour de la Côte d’Ivoire pour expliquer la procédure à suivre pour acquérir l’équipement Tnt. Je suis moi-même passé sur les antennes de la Rti pour d’abord expliquer aux populations ce que c’est que la Tnt et ensuite les inviter à acquérir le kit nécessaire en indiquant les points de vente. Nous avons aussi le 1307 qu’est le numéro d’appel. Nous avons longuement communiqué sur ce numéro pour que celui qui a un souci puisse appeler ce numéro pour avoir des réponses à ses préoccupations. Nous avons passé le maximum de communication pour que tout le monde soit informé. Et nous continuons toujours dans ce sens.

Revenons sur la question de la visibilité des points de vente. Pourquoi n’optez-vous pas pour le choix des box brandés Tnt, comme cela se fait par exemple, pour bien de structures qui vendent un produit donné ?

Cela est faisable, mais il est important de savoir que la vente des kits ne relève pas de Idt, la société ivoirienne de télédiffusion. C’est une décision qui a été prise dès le départ. Au niveau de la vente des kits, l’état a laissé le marché ouvert. Cela signifie que tout citoyen est capable de faire venir les kits et les vendre.

Ne craignez-vous pas l’émergence de la contrefaçon dans ce domaine ?

Il est vrai que la vente ne nous incombe pas mais nous avons cependant été interpellés pour encadrer tous ceux qui vendent ce matériel. Nous leur avons donné les normes à respecter pour être sûrs qu’ils feront venir effectivement le matériel adéquat. Sinon avant cela, nous avions bien remarqué que des contrefaçons avaient commencé à se multiplier dans le pays. Avec la communication que nous avons déployée sur le champ en appelant les responsables locaux à la vigilance, les choses ont été maîtrisées. Nous avons mené une grande campagne de recadrage. Mais de toutes les façons, ceux qui ont acheté les contrefaçons, s’en sont très vite rendus compte ! Parce qu’après un ou deux mois de fonctionnement, tout commence à chauffer, le transformateur crame et en temps de pluies et d’orages, vous avez des coupures. Alors qu’un kit normé n’a pas ce problème. Il n’y a pas de coupures même en temps de pluies. Avec la Tnt, vous avez la qualité de l’image, du son et tout le reste. En plus de cela, vous n’avez pas d’abonnement mensuel à payer.

Qu’est-ce qui vous donne cette assurance de non rupture quel que soit le temps de pluies et d’orages ?

Cela a scientifiquement été étudié pour qu’on puisse se différencier des autres ! C’est-à-dire avoir quelque chose de robuste et qui réponde bien aux aspirations de la population, tout cela a été étudié avant de proposer ce matériel.

Que répondez-vous aux populations qui optent pour les chaînes satellitaires à cause du nombre réduit de chaînes sur le bouquet Tnt ? Un bouquet qui ne compte que sept chaînes ?

Leur réclamation concernant le nombre restreint de chaînes est légitime. Effectivement en Côte d’Ivoire, c’est bien sept chaînes que nous avons sur le bouquet Tnt à savoir Rti 1, Rti 2, La 3, Nci, A+Ivoire, Life Tv, 7 Info. Mais c’est la Haca qui autorise les chaînes. Nous continuons aussi de réclamer auprès de la Haca la possibilité d’avoir d’autres chaînes. C’est la Haca qui donne les licences. Et il y a d’autres éditeurs qui tapent encore à la porte.

Les chaînes déjà présentes arrivent-elles à satisfaire leurs droits de diffusion, avant même d’aller à la conquête de nouvelles chaînes ?

En tout cas, c’est cela notre ressource principale. Malheureusement, depuis l’avènement de la Tnt avec ses chaînes, toutes ces factures sont restées impayées et cela nous fait un manque à gagner.

Que faites-vous donc face à ce manquement ?

Bien nous avons saisi la hiérarchie pour qu’on puisse trouver une solution, parce que ce qui nous revient de temps en temps, surtout à travers les réponses de la Haca, c’est que ce sont des éditeurs qui se sont installés avec beaucoup de charges et qui ont du mal à honorer nos factures.

Alors finalement, que gagne réellement la Côte d’Ivoire à s’inscrire dans le canevas de la Tnt ?

La Côte d’Ivoire n’avait pas d’autre choix que d’aller à la Tnt ! A partir du moment où l’ancien système, c’est-à-dire le réseau analogique n’existe plus, il n’y avait pas d’autre choix. Ce sont des accords au niveau de l’Union internationale des télécoms qui ont été signés. Donc tous les pays doivent muter, en passant du système analogique au système numérique. La Côte d’Ivoire a donc suivi, comme tous les autres pays. Ce n’est donc pas un choix délibéré. C’est quelque chose qui s’impose à tous les pays.

Si l’on comprend bien, cela impose aussi à la Côte d’Ivoire de remédier au problème de l’existence des zones blanches !

Oui, je vous l’ai dit ! Un programme est en place. Nous avons édité un document qui a été transmis à la hiérarchie et dès que nous avons l’accord, nous allons remédier à ces zones blanches. Elles seront équipées de la même manière que nous avons procédé pour le déploiement de la Tnt. Ce sont des zones isolées et qui ne reçoivent pas la Tnt. Nous allons donc trouver des solutions pour ces zones, cela peut être avec des antennes de relais.

Est-il possible de prendre un abonnement Tnt lorsqu’on a déjà un abonnement sur les chaînes satellitaires ? En quoi cela est-il salutaire ?

Cela peut être salutaire puisqu’en temps de désagrément causé par la pluie par exemple, vous restez connecté à vos images et vos informations. Cela est déjà un gain important. Et là, tout est clair que si vous n’êtes pas satisfait avec les chaînes satellitaires, la solution, c’est la Tnt. Il est vrai que nombreux sont ceux qui ont traîné les pieds depuis nos différentes campagnes de sensibilisation, mais la période de la Can 2023 a enregistré une flambée d’abonnés Tnt avec près de 13 000 kits vendus. Cela, pour dire qu’avec la Tnt, les Ivoiriens avaient une satisfaction. Beaucoup l’ont compris aujourd’hui et j’appelle les populations à continuer dans ce sens et à savoir qu’elles ont intérêt à s’équiper aujourd’hui de kits Tnt, surtout avec tous ces grands événements qui s’annoncent encore en Côte d’Ivoire.

Nous avons remarqué différentes tailles des antennes Tnt. Une grande et l’autre plus petite. Pourquoi ?

Le principe est que dans les régions, nous implantons des pylônes. Donc quand vous êtes proches d’un pylône, vous captez facilement les images et quand vous vous éloignez, vous commencez à les perdre. Donc vous comprenez qu’en s’éloignant, vous commencez à perdre les images, vous avez intérêt à prendre une grande antenne. Et bien sûr quand vous êtes proches d’un pylône, une petite antenne bien orientée suffit pour capter les images. Pour cela, nos techniciens formés sont toujours là pour informer et aider à poser les antennes. Si nous prenons le cas d’Abidjan, beaucoup de gens savent que le pylône se trouve du côté d’Abobo alors il faut simplement orienter l’antenne dans la direction d’Abobo.

Avez-vous, pour cela, formé des équipes de techniciens ?

Bien sûr, nous avons formé plusieurs jeunes techniciens. Le ministère de la Promotion de la jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique a participé à ces formations avec nos équipes de la communication. Ils sont aujourd’hui installés à leurs propres comptes pour le bien des populations.

Interview réalisée par



Le 29/03/24 à 11:57
modifié 29/03/24 à 11:57