L'éditorial d'Adama Koné: Religion et société

La mosquéee Salam Nuit
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L'éditorial d'Adama Koné: Religion et société

Le 11/03/24 à 09:12
modifié 11/03/24 à 09:12
Lundi 11 mars 2024. Premier jour de jeûne pour les fidèles musulmans en Côte d’Ivoire. Ils rejoignent ainsi les chrétiens qui ont commencé le cheminement vers Pâques, le 14 février 2024. Cette année encore, ces communautés chrétienne et musulmane vont faire une partie du parcours ensemble. Tout un symbole de la grâce divine que reçoit le pays depuis la dernière Coupe d’Afrique des nations.

Les voies de Dieu sont insondables. Au 27e jour après le début du carême, la communauté musulmane débute aujourd’hui, lundi 11 mars, le Ramadan.

Pendant une vingtaine de jours, chrétiens et musulmans partageront chacun leur mois de pénitence pour demander pardon au Tout-Puissant pour leurs manquements et mauvaise conduite et implorer sa grâce dans leur vie pour l’avenir. Pour la Côte d’Ivoire, ce sont des moments significatifs. Le pays a vraiment bénéficié des largesses des Cieux. Il y a exactement un mois, le 11 février dernier, il remportait sa troisième Coupe d’Afrique des nations (Can 2023). Une édition qui a montré aux Ivoiriens que rien n’est impossible dans la vie avec Dieu et que lui seul a, au final, les cartes en main. A lui donc, la gloire.

Revenons au jeûne. Beaucoup de personnes se sont souvent demandé pourquoi ce temps de piété faisait « tant de bruit ». Il faut dire immédiatement que la Côte d’Ivoire est un pays laïc. Religieusement, c’est un pays pluriconfessionnel. Sociologiquement, il a pratiquement autant de chrétiens que de musulmans. Le Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph) de 2021 donne les principaux chiffres suivants : 42,5% de musulmans, 39,8% de chrétiens, 2,2% d’animistes et 12,6% de personnes « sans religion ». L’observation montre que le jeûne est plus visible pour plusieurs raisons.

On peut commencer d’abord par cette vieille habitude gênante, en voie de disparition. Cracher de manière indifférente dans la rue. Plusieurs publications dans la presse et des productions audiovisuelles comiques ont permis aux guides religieux de sensibiliser là-dessus. De sorte que la pratique n’est plus un signe identifiant du jeûneur. Sans le vouloir, cela a participé à la « promotion » du mois béni islamique. Aujourd’hui, la discrétion est de mise. Ensuite, il y a cette portée sociologique, quotidienne du jeûne : le défilé des jeunes filles dans les quartiers et entre les communes pour distribuer le « sounakari » ou rupture de jeûne. Enfin, il est remarquable de constater tout le changement qui s’opère dans l’alimentation.

Deux niveaux sont à considérer à ce propos. Le premier, dans le commerce. Les vendeuses saisonnières de galettes de mil et d’haricot, de bouillie, de jus de gingembre, de citron et de bissap, de dattes refont immédiatement surface. Toute une animation irrégulière est créée aux carrefours, coins de rue. Pendant un mois, il y a cette effervescence commerciale de denrées alimentaires pour la rupture de jeûne. Le deuxième niveau est celui de la consommation. Les habitudes alimentaires changent. Même les familles les plus modestes enrichissent leur menu de plats inhabituels. Créant, bien souvent, pendant cette période, une légère hausse des prix des céréales, des légumes, des fruits, de la pomme de terre... sur les marchés. La demande étant forte.

Parallèlement, maquis, restaurants et autres lieux de vente de nourriture affichent une grise mine. Les affaires sont en berne. Elles sont nombreuses, ces tenancières de maquis qui réduisent la quantité de leur production journalière. Certaines changent carrément de business, quand d’autres, les moins nombreuses, en profitent pour prendre du repos. L’autre observation qui est faite et de nature à chahuter les musulmans: c’est la baisse d’activité des supermarchés, maquis et bars, les soirs. L’explication est simple.

Le Ramadan est un mois de partage. Pendant ce temps, tout le monde est invité à partager la bouillie de rupture à la maison. Musulmans comme chrétiens. C’est une tradition. Combien sont-ils les collègues qui s’invitent autour d’une gamelle de bouillie à la rupture? Difficile de le dire. C’est toujours un plaisir de partager entre frères, amis et collaborateurs un repas de fin de journée. Par ailleurs, la solidarité fait que les groupes d’amis ont du mal à se retrouver sans leurs connaissances musulmanes, dans un maquis, pour partager un poulet ou un poisson braisé. Mieux, chrétiens et musulmans partagent des packs de rupture, faisant de ce mois un vrai business, pour ceux qui ont flairé le coup. De nos jours, cette pratique commence à gagner nombre d’entreprises et d’amis, pendant le carême.

Formidable pays de cohabitation religieuse et d’expérience du vivre-ensemble. Le Seigneur bénisse tous les chrétiens qui seront délivrés à Pâques. Amen ! Allah agrée tous les actes de dévotion du Ramadan. Amine !


Le 11/03/24 à 09:12
modifié 11/03/24 à 09:12