Can 2023/Ruée vers les stades : Comment les femmes ont illuminé les tribunes

Des supportrices des Éléphants de Côte d'Ivoire. (Ph: Dr)
Des supportrices des Éléphants de Côte d'Ivoire. (Ph: Dr)
Des supportrices des Éléphants de Côte d'Ivoire. (Ph: Dr)

Can 2023/Ruée vers les stades : Comment les femmes ont illuminé les tribunes

Le 04/03/24 à 12:27
modifié 04/03/24 à 12:27
Tout comme les hommes, les femmes se sont appropriées la Can 2023 de l'hospitalité en envahissant les gradins des stades. On peut le dire, la communauté des supporters se féminise progressivement.
Elles ne se sont pas fait prier pour prendre d’assaut les stades à travers le pays dès le 13 janvier 2024, date de l’ouverture de la Can de l’hospitalité en Côte d’Ivoire.

Tous les six stades du pays répartis dans cinq villes hôtes ont eu leur dose de supportrices. Certaines ont retrouvé en cette compétition leurs premières amours quand d’autres ont simplement suivi la mouvance avec toute l’euphorie qu’engendre ce genre de tournoi.

« J’ai été ancienne footballeuse de mon bas-âge jusqu’en classe de Terminal. J’ai arrêté à cause de la religion. Les gens de mon église ont estimé que la pratique du football n’était pas compatible avec notre foi religieuse. Je me suis donc éloignée des stades. Mais la Can en Côte d’Ivoire a réveillé en moi cette passion que je croyais morte. Et cela m’a énormément fait du bien », a témoigné Lydie Zahi.

Celle qui évoluait au poste d’attaquante dans sa jeunesse a suivi quatre matchs : deux à Yamoussoukro, une demi-finale et la finale qui a vu le sacre de la Côte d’Ivoire.

« Je me suis promis de ne plus rater le match des Éléphants. Je vais vivre à fond ma passion pour le football. A chaque fois que les Ivoiriens disputeront un match à domicile, je m’organiserai pour y être », a ajouté cette jeune dame qui n’entend ménager aucun effort pour être présente à la Can 2025. « Je serai au Maroc l’année prochaine pour soutenir les Éléphants », a assuré Lydie Zahi.

Des supportrices dans les tribunes. (Ph: Dr)
Des supportrices dans les tribunes. (Ph: Dr)



Une décision également prise par Grâce Ouattara Mel. « Je compte prendre mes congés pendant la période de la prochaine Can. J’irai soutenir nos Éléphants en 2025 au Maroc. A cause de mon travail, je n’ai pas bien vécu la Can de chez nous comme je le souhaitais. Le peu que j’ai vu m’a éblouie. J’ai vraiment aimé l’architecture de nos stades, notamment celui d’Ebimpé où j’ai été. L’ambiance dans les stades est unique. Je ne m’y connais pas vraiment au foot, mais j’aime ce qui se passe dans les stades et je compte y aller à chaque fois que j’aurai l’occasion », a indiqué Mme Mel.

Elle n’est pas la seule à prendre cet engagement. « J’ai pris goût à venir au stade. J’adore l’ambiance et tout ce qui va avec. J’ai été deux fois au stade avec mon époux », a expliqué Mme Topé Déborah, encore sous l’émotion du triomphe des Ivoiriens. « Je n’étais jamais venue au stade auparavant. Je remercie mon époux. C’est sûr que je ne le laisserai plus aller seul au stade », a-t-elle ajouté.

A la question de savoir si elle y comprenait quelque chose, Mme Topé répond par l’affirmative. « Je connais de plus en plus le nom des joueurs ivoiriens. J’aime bien Adingra parce qu’il est très rapide. Il me rappelle Gervinho. J’apprécie beaucoup N’Dicka à la défense et surtout Kessié... Avant de me rendre au stade, je suivais beaucoup leurs matchs à la télévision et j’avais pour habitude de discuter football avec mon époux », a-t-elle affirmé.

Pour Mme Kouamé Sidonie, sa toute première expérience lui a permis de comprendre beaucoup de choses. « Mon mari a suivi tous les matchs des Éléphants. A Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké. Je l’ai suivi avec nos enfants à la petite finale au Félicia et je n’ai pas regretté. L’ambiance est bon enfant dans les stades », raconte-t-elle.

« Je comprends pourquoi mon mari aime tant le football. Il passe tout le week-end devant la télé lors des championnats européens. J’ai tout compris, je pense que je vais le laisser suivre tranquillement ses matchs à compter de maintenant. Le football est vraiment magique », a confié Mme Kouamé.

Un avis partagé par Mme Michelle Geu. « Ma passion pour le football a dépassé celle de mon époux actuellement. Je pense que nous allons suivre ensemble les matchs de football. Qu’ils soient ceux des Éléphants ou pas », a-t-elle soutenu.

Une idée que ne partage pas Lorraine Kouakou. Elle est seulement fascinée par les Éléphants. Ici la fibre patriotique dépasse le jeu. « Moi, je suis seulement intéressée par les Éléphants. Je ne pense pas me rendre au terrain pour suivre le championnat national. Si je me suis rendue au terrain, c’est à cause de l’engouement suscité autour des Éléphants pendant la Can », a précisé la jeune dame.

A Yamoussoukro, Nadège Aya Oka, fonctionnaire, a vécu une expérience formidable. Elle a réussi à avoir des tickets pour le match contre le Sénégal.

« Je ne pourrai oublier la folle joie ce soir dans les tribunes. C’était magnifique. Vous voyez, c’est comme écouter une chanson sur CD ou en vidéo ou aller à un concert live où vous voyez non seulement votre idole, mais vous vivez toutes les vibrations et sensations naturelles en temps réel », s’est-elle rappelé.

Nadège Oka, fidèle chrétienne, a dû égrener plusieurs fois son chapelet, lors de la finale de cette Can, dimanche dernier, entre Ivoiriens et Nigérians. « Le Seigneur m’a entendue, car la veille j’ai même participé à une retraite », a-t-elle confié.

Les Ivoiriennes n'étaient pas les seules dames dans les gradins. Il y avait des Capverdiennes et bien d'autres encore derrière leurs équipes nationales. (Ph: Dr)
Les Ivoiriennes n'étaient pas les seules dames dans les gradins. Il y avait des Capverdiennes et bien d'autres encore derrière leurs équipes nationales. (Ph: Dr)



Si toutes ces dames ont effectué le déplacement dans les stades grâce aux Éléphants, Adélaïde Dogo, elle, a l’habitude des gradins. « Je suis une supportrice de l’Asec. Je connais donc l’ambiance des stades, raison pour laquelle j’ai suivi toutes les rencontres des Ivoiriens et bien d’autres oppositions que j’ai trouvées alléchantes », a indiqué Mme Dogo.

L’engouement des jeunes dames dans cette Can ivoirienne fera partie des points positifs de la 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations pour laquelle toutes les couches sociales et tous les sexes se sont sentis impliqués.

C’est évident que cela a forcément créé un autre type de supporters auréolé de la fibre patriotique pour le bonheur des Éléphants et du ballon rond.

SABINE KOUAKOU

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Comme au carnaval

Elles étaient d’âge mûr, jeunes et même adolescentes. Très bruyantes et très remuantes... Mais ce qui a marqué les uns et les autres chez les supportrices, c’est l’habillement de nombre d’entre elles, précisément les jeunes filles. Collant, shorts très shorts laissant apparaître le bas des fesses, maillots de bain... des tenues suggestives, très osées qui ont choqué plus d’un. Et quand elles se mettent à se trémousser, on se croirait au carnaval de Rio.

« C’était incroyable ! », s’écrie Melle B. Fanta, membre du groupe d’animation du Comité national de soutien aux Éléphants (Cnse). Habituée des stades, elle a constaté, effectivement, que les matchs de la Côte d’Ivoire ont drainé beaucoup de jeunes filles dans les stades aux côtés des jeunes hommes. « Elles étaient venues regarder du spectacle, mais beaucoup d’entre elles constituaient elles-mêmes du spectacle. Tant leurs tenues vestimentaires attiraient les regards. J’en ai vu en bikini carrément ».

Mais celle qui l’a le plus choquée, elle l’a vue à Bouaké. « Élancée, postérieur proéminent, collant blanc fendant les deux fesses et un teeshirt de couleur orange noué à la base pour ne rien cacher, elle avait une démarche spéciale pour bien se faire regarder. Et elle a été vraiment regardée », explique la jeune dame.

Et les regards sont passés le plus souvent par les objectifs des smartphones. D’où les nombreuses vidéos qui permettent de vivre le carnaval de la Can sur les réseaux sociaux.

Sur les raisons du déferlement des dames dans les stades, Mme Kouadio Claudine, vice-présidente du Comité national de soutien aux Éléphants, donc une habituée des matchs, pense que c’est parce que la compétition se déroulait en Côte d’Ivoire. « Nous n’avions pas besoin d’acheter un billet d’avion. Le problème d’hébergement ne se posait pas. L’événement était à portée de mains. Beaucoup de femmes voulaient vivre en direct la fête. D’où l’engouement pour les stades. »

De plus, elle observe que « le choc de la débâcle des Éléphants, puis la résurrection ont fait effet. L’appétit venant en mangeant, l’intérêt pour la suite s’est décuplé. Les femmes étaient encore plus nombreuses à se battre pour aller au stade ».

Pour Adeline Oulaï, la trentaine, cadre dans une grande compagnie aérienne et fervente supportrice des Éléphants, « c’est la grande ambiance qui a attiré les filles dans les stades grâce à la puissance des réseaux sociaux... ».

Concernant la légèreté de leurs tenues vestimentaires, elle a pu le remarquer à la télé et sur les réseaux sociaux. Elle a une explication à ce propos : « Je pense qu’en s’habillant ainsi, elles avaient certainement un objectif... se faire draguer. »

Si tel était l’objectif de ces filles habillées très sexy, la drague n’était pas pour autant aisée pour nombre d’hommes qui étaient dans les tribunes. L’intensité des matchs était telle que les hommes étaient plutôt concentrés sur ce qui se passait sur le terrain, se souvient Jules Claver, responsable communication au District des Lacs. Du moins, en ce qui concerne les matchs auxquels il a assisté. A savoir les matchs de la Côte d’Ivoire contre le Sénégal, le Mali et la finale contre le Nigeria.

Mais, un fait insolite l’a tout de même intrigué dans son voisinage pendant la finale : un homme rouant de coups sa compagne. Certains se sont demandé si ce n’était pas une scène de jalousie. Mais, personne ne s’en est vraiment préoccupé. « Le match était trop chaud. Et les Éléphants étaient menés », note Jules. Donc, tant pis pour cette supportrice !

ALAKAGNI HALA

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Joie et amertume

Comme les hommes, elles sont des milliers qui tenaient à vivre l’ambiance des stades. Mais face à la difficulté d’avoir un ticket, elles se sont résolues à regarder les matchs à la télévision.

C’est le cas de Tata Berthé, la trentaine, agent dans une institution de microfinance, l’une de ces nombreuses jeunes femmes qui se sont passionnées pour la Can.

A chaque match de la Côte d’Ivoire, Tata dit avoir tenté en vain de s’acheter un ticket.

Elle voulait vivre les sensations des stades et pousser son équipe à la victoire, malheureusement, cela n’a pas marché.

Cela n’a pas marché non plus, quand, le 12 septembre 2023, elle a pu s’installer dans les tribunes du stade olympique d’Ebimpé, lors du match amical Côte d’Ivoire-Mali. La pluie ayant tout gâché en mettant fin à la partie juste après 45 mn de jeu. Tata espérait donc « prendre sa revanche » à la Can. Mais, hélas.

Hélas aussi pour Adeline Oulaï, la trentaine, cadre dans une compagnie aérienne, en poste à Abidjan. Celle-ci n’a jamais mis les pieds dans un stade. Emportée par la ferveur de la Can, elle espérait assister aux matchs de l’équipe nationale de la Côte d’Ivoire. Elle a vite déchanté quand elle a tenté en vain d’acheter un ticket en ligne.

Elle s’est donc contentée de vivre les matchs depuis son domicile. Et pour être de cœur avec les Eléphants, « à chaque match, je portais une tenue aux couleurs de ma patrie », dit-elle.

Comme Tata, Adeline éprouve une petite amertume... dans son immense joie de la victoire finale de son équipe.

A. H

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La passion des femmes pour les stades, une affaire qui date

Les femmes et les stades de football, ça ne date pas d’aujourd’hui », Berthe Adou, ancienne membre de la Fédération ivoirienne de football (Fif) qui jouit d’une longue expérience dans le milieu du football, l’affirme sans équivoque.

Pour elle, il y a bien longtemps que les femmes s’intéressent au football et vont effectivement au stade. Elle pense à toutes ces grandes dames qui ont marqué ce sport en Côte d’Ivoire pendant de longues années et qui ont entraîné, dans leurs sillages, des milliers de femmes vers les stades.

Mamie Koko de l’Asec, Tantie Marie, Kady Dieng, Caroline Achi (actuellement membre du conseil d’administration de l’Asec), Cécile Brou, Marcelle Wognin, Madeleine Wognin, sont, entre autres, des pionnières qui ont entretenu leur passion du football et y sont encore rattachées, pour certaines.

« Nous allions à 8 h au stade pour un match qui a lieu à 16h00 », soutient-elle, entre autres.

Cette passion conduisait même certaines au-delà des stades. Berthe Adou, qui était l’une des cadettes de ces pionnières, se souvient qu’il lui est arrivé d’accompagner l’équipe de l’Asec à l’extérieur du pays pour être parmi les dames chargées de faire la cuisine pour les joueurs. Cela a même failli lui coûter son travail, un jour. Tout simplement, parce qu’elle a effectué un déplacement sans autorisation d’absence de sa hiérarchie.

Voici l’anecdote à ce propos : « Nous devions aller au Ghana pour faire la cuisine. J’ai fait croire au travail que je ne me portais pas bien. Malheureusement, Ouattara Hegaud, journaliste à Fraternité matin, a cru bien faire en publiant un article sur nous qui faisions les repas au domicile de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire. A mon retour, mon chef m’a convoquée dans son bureau et m’a montré la coupure de journal avec ma photo... ».

Finalement, elle a pu sortir de cette impasse grâce au soutien d’un membre influent de l’Asec, explique-t-elle en riant.

En ce qui concerne la déferlante féminine constatée lors des matchs de la Can 2023, Berthe Adou pense que les réseaux sociaux y sont pour beaucoup. « Ce sont eux qui ont amplifié l’envie des filles d’aller vivre l’ambiance des stades », dit-elle. C’est une assertion largement partagée. On a vu comment Facebook et Tik Tok ont vendu l’événement.

A. HALA



Le 04/03/24 à 12:27
modifié 04/03/24 à 12:27