Dépigmentation infantile/Odile Pohan, psycho-pédagogue : "Les parents peuvent être poursuivis, si…"

Pour Odile Pohan, l’Etat doit interpeller les parents responsables. (Mélèdje Tresore).
Pour Odile Pohan, l’Etat doit interpeller les parents responsables. (Mélèdje Tresore).
Pour Odile Pohan, l’Etat doit interpeller les parents responsables. (Mélèdje Tresore).

Dépigmentation infantile/Odile Pohan, psycho-pédagogue : "Les parents peuvent être poursuivis, si…"

Le 15/11/23 à 11:00
modifié 15/11/23 à 11:00
Sujet tabou en Afrique noire, la dépigmentation infantile est un fléau qui existe en Côte d'Ivoire. Dans un entretien accordé à fratmat.info, Odile Pohan, psycho-pédagogue, a confié que cette pratique tue en silence.
Le phénomène de la dépigmentation infantile est-il nouveau en Côte d’Ivoire ? Quelles sont les motivations des parents ou des tuteurs qui s’adonnent à cette pratique ?

Parler de la dépigmentation est un tabou en Côte d’Ivoire. Parler de la dépigmentation chez les personnes adultes choque, chez l’enfant cela va plus choquer les mœurs. La motivation est multiforme. C’est une question d’esthétique, de charme, de mode... alors que la dépigmentation peut mettre en danger la santé d’une personne. Il faut donc faire attention. Parce que la mère s’est dépigmentée et pour qu’on dise que c’est son enfant, elle fait pareil à sa progéniture. Pour d’autres, c’est une question de complexe. Ils sont allergiques aux publicitaires. Ils trouvent que le bébé clair est plus beau que le bébé noir. Cela se voit également sur les poupées. Lorsque des poupées sont comparées, les gens soutiennent automatiquement que la poupée blanche est la plus belle. Ces personnes ont des problèmes avec la couleur noire qui est une identité, une fierté. Est-ce la couleur de peau qui donnera une valeur à l’enfant ? Est-ce que cela le rendra intelligent ? Être clair, avoir un beau teint, être joli...ne sont pas des valeurs.

Que doivent faire les parents ?

Aujourd’hui, nous allons au superflu qui est la peau. J’éprouve de la pitié pour des parents irresponsables de l’éducation, mais responsables d’un avenir de maladies pour leurs enfants. Ce sont des parents tête en l’air. Ils ne voient pas pour l’enfant d’autres valeurs que de l’exposer. Le bien-être d’un enfant passe par sa santé physique et mentale. La peau noire sert à quelque chose. La mélanine nous protège de certaines choses.

Qu’est-ce que l'on recherche en changeant la couleur de la peau ? D’un point de vue de la loi, est-ce que les parents ou auteurs de ces actes s’exposent-ils à des sanctions ?

L’Etat doit interpeller les parents ou responsables de ces actes pour leur dire d’arrêter, car la société a besoin des enfants qui ont des valeurs. Les parents n’ont pas tous les droits sur les enfants. Il appartient à chaque parent d’avoir connaissance des conséquences négatives de la pigmentation sur la peau, car les produits utilisés peuvent plus tard affecter la santé de l’enfant. Ce dernier a droit à la protection donc toute chose qui va en l’encontre de sa santé doit être proscrite. Si un dermatologue prouve que l’enfant qu’il a eu est malade à la suite des produits toxiques, les parents peuvent être poursuivis. Puisque l’enfant est vulnérable et a des droits. C’est parce que les médecins qui reçoivent n’attirent pas l’attention de l’État que certains parents continuent. Sinon, le parent répondra de cette destruction corporelle de l’enfant. Tout le monde peut attirer l’attention de l’État. Malheureusement en Afrique, l’on attend que cela se termine autrement avant d’agir.

Ces produits doivent-ils être interdits sur le marché ivoirien ?

Ces produits rapportent beaucoup en matière de finances et cela est difficile à combattre. L’Etat va initier la lutte, mais tant que cela va rapporter, vous aurez des personnes qui se cacheront pour les vendre.

Quelles peuvent être les conséquences de la dépigmentation chez l’enfant ?

Je m’interroge de savoir si ces personnes sont conscientes des conséquences des produits qu’elles appliquent sur leurs enfants. Cela fait froid dans le dos d’exposer un enfant aux cancers. Tout cela joue sur la sécrétion des hormones du tout-petit. Toute transformation involontaire amène une personne à se poser des questions. Si un enfant développe un cancer et apprend par la suite que sa mère est à l'origine, dans quel état psychologique sera-t-il ? Le dosage de ces produits est méconnu des parents. Qu’est-ce qui arrivera aux enfants avec toutes ces substances toxiques qu’ils en magasinent dans leurs corps ? Si après avoir subi une opération la peau d’un enfant n’a pas pu se refermer en raison de sa fragilisation due à la dépigmentation, l’on peut arriver au drame. Le parent plongera dans la détresse éternelle. Même si personne ne le condamne, ce dernier sera dans une prison mentale, il culpabilisera toute la vie. C’est pire que la prison de savoir qu’on est l’auteur du drame de son enfant.

Quelle solution proposez-vous pour lutter efficacement contre ce fléau ?

Cette thématique n’est pas abordée, mais elle tue les gens en sourdine. En parler permettra aux mamans d’avoir de la personnalité. Il faut qu’une sensibilisation soit entamée. L’adolescence, c’est la période de conduite à risque. La beauté n’est pas seulement être clair, elle est dans beaucoup de choses... Si nous commençons très tôt à dire aux jeunes que la couleur de la peau est une question d’identité et d’appartenance, une race qui doit être valorisée, il faut leur montrer le bien-fondé de demeurer dans cette race et montrer aux gens qu’on a autre chose à donner que de se recoloniser avec la peau du colonisateur. Nous avons autre chose à donner que la dépigmentation. Éduquons nos enfants avec des valeurs pour qu’ils soient utiles à la société. N’ayons pas honte d’avoir la peau noire. Malheureusement, nous avons cette race hybride. Ni noire, ni blanche.


Le 15/11/23 à 11:00
modifié 15/11/23 à 11:00