Au sommet de la finance africaine à Lomé: Faure Gnassingbé appelle à une meilleure évaluation du risque africain

Faure Gnassingbé, le Président togolais. (Ph: Dr)
Faure Gnassingbé, le Président togolais. (Ph: Dr)
Faure Gnassingbé, le Président togolais. (Ph: Dr)

Au sommet de la finance africaine à Lomé: Faure Gnassingbé appelle à une meilleure évaluation du risque africain

Le 15/11/23 à 21:42
modifié 15/11/23 à 21:42
Le Président togolais, Faure Gnassingbé, n’est pas content de la sur-évaluation du risque africain par les agences internationales de notation.

Il l’a dit avec véhémence, ce 15 novembre à Lomé, à l’ouverture de la deuxième édition physique de l’Africa Financial industry summit (Afis), sommet annuel sur la finance africaine organisé dans la capitale togolaise par le Groupe Jeune Afrique et son partenaire, la Société financière internationale (Sfi, ou Ifc selon son acronyme anglais).

Après avoir énuméré, chiffres à l’appui, des raisons d’être optimiste pour l’Afrique subsaharienne dont les économies font preuve d’une grande résilience et d’un réel dynamisme face aux multiples crises ambiantes, Faure Gnassingbé s’est offusqué de la persistance des réflexes de sur-évaluation du risque africain par les agences internationales, qui affectent négativement la capacité des économies de la région à mobiliser les financements dont elles ont besoin.

L’exemple de l’Argentine parvenant à mobiliser des financements internationaux à des taux intéressants bien qu’ayant été plus d’une fois en défaut de paiement, pendant que l’Afrique du Sud et d’autres pays africains dont la solvabilité n’est pas en souffrance peinaient à trouver des financements à des taux raisonnables sur le même marché, constitue selon le leader togolais, un exemple des effets des biais négatifs de perception des risques souverains africains.

Pour ne rien arranger à une situation qui dure depuis plusieurs années, et comme le soulignait une récente étude du Fmi, le climat d’incertitude, ravivé par la pandémie et la guerre en Ukraine, a entraîné une réévaluation des risques dont les pays d’Afrique subsaharienne sont les premiers à pâtir, en raison de la faiblesse de leurs notes de crédit ; par conséquent, la quasi-totalité des pays pré-émergents ont perdu l’accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022.

Plus précisément, les émissions d’euro-obligations des pays de la région sont passées de 14 milliards de dollars en 2021 à 6 milliards de dollars au premier trimestre 2022.

Cela s’est traduit par un mouvement procyclique de très fort durcissement des conditions financières, qui a aggravé les sources de vulnérabilité préexistantes. « Les coûts d’emprunt ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, au point que la part des paiements d’intérêts dans les recettes a doublé pendant cette période. À un niveau de 11 % des recettes hors dons en 2022, les paiements d’intérêts dans le pays médian d’Afrique subsaharienne sont à peu près trois fois plus élevés que ceux de la médiane des pays avancés. »

La perception du risque jouant donc un rôle fondamental dans les décisions d’investissement en Afrique, et le plus souvent au détriment du continent, dont le potentiel est pourtant indéniable, il apparaît primordial de changer la donne, et d’améliorer la lisibilité du risque pour réduire le gap entre risque perçu et risque réel.

Selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), des « notations de crédit plus objectives » permettraient aux pays africains d’emprunter plus souvent et moins cher. De quoi leur faire économiser près de 75 milliards de dollars – l’équivalent de 80 % des besoins annuels d’investissements de l’Afrique –, selon les calculs du Pnud !

Pour le Président togolais, l’équation est claire : l’Afrique doit reprendre le contrôle. « Nous ne pouvons reprendre le contrôle du récit africain sans une action concertée. Je considère qu’il est crucial pour l’Afrique de regagner collectivement la maîtrise de son narratif. C’est dans cette perspective que le Togo s’engage depuis longtemps dans la construction et la concrétisation de l’Unité panafricaine. C’est à Lomé en 2000 que les accords fondateurs de l’Union Africaine ont été signés et c’est également dans notre capitale que se tiendra en 2024 le congrès panafricain », a notamment souligné M. Gnassingbé.

Devant un parterre d’acteurs de premier plan de l’industrie financière africaine (plus d’un millier selon les organisateurs), réunis à l’hôtel 2 Février de la capitale économique togolaise, le Chef de l’Etat togolais a souligné la nécessité d’informer davantage sur les nombreuses opportunités qu’offre l’Afrique.

Dans un panel q a suivi la cérémonie d’ouverture de l’Afis 2023, des capitaines d’industries financières africaines, tout en reprenant à leur compte les observations du Président Gnassingbé, ont indiqué quelques pistes nécessaires pour changer le récit africain : une meilleure gouvernance avec de la transparence et de lisibilité à long terme pour réduire les incertitudes qui rebutent les investisseurs, une meilleure qualité des institutions capable de mieux lever les ressources domestiques comme l’impôt ou l’épargne avec des instruments financiers adaptés, un environnement des affaires amélioré et une forte réduction du secteur informel, ainsi qu’une plus grande capacité de production de données sur les économies de chaque pays...

L’Afis 2023 s’achève ce 16 novembre, avec pour ambition de « construire une industrie financière africaine de classe mondiale », qui pourrait représenter jusqu'à 1 500 milliards de dollars. « Le thème des crises laisse place, cette année, à celui des opportunités. Le dynamisme économique en Afrique de l’Ouest a de quoi nous laisser optimiste. L’Afrique subsaharienne toute entière s’engage sur le chemin de la reprise. À plus long terme, la Zlecaf saura ancrer cette reprise dans la durée », a indiqué le Président togolais. Une note d’optimisme dans un forum où le réalisme et le pragmatisme sont de mise.


Le 15/11/23 à 21:42
modifié 15/11/23 à 21:42