Prostitution conjugale: Quand des couples "vendent" la femme pour vivre

Une femme mariée qui se livre à d'autres hommes moyennant de l'argent est passible de peine (Image Atsain Désiré)
Une femme mariée qui se livre à d'autres hommes moyennant de l'argent est passible de peine (Image Atsain Désiré)
Une femme mariée qui se livre à d'autres hommes moyennant de l'argent est passible de peine (Image Atsain Désiré)

Prostitution conjugale: Quand des couples "vendent" la femme pour vivre

Le 18/09/23 à 11:07
modifié 18/09/23 à 11:07
De nombreux couples pratiquent la prostitution conjugale depuis des années à Abidjan. Pour certains, réunir des moyens financiers pour une aventure européenne. D’autres, entretenir le train de vie du foyer.

Parmi ces couples, figure celui de celle qui répond au nom d’emprunt de Maria. Elle avoisine la quarantaine d’âge. Elle est légalement mariée à C.T depuis près de dix ans. Le couple habite un appartement au plateau Dokoui. Depuis bientôt trois ans, d’un commun accord, monsieur et madame ont décidé de « vendre » le corps de la femme pour ne pas mourir de faim, payer les factures et le loyer. Peut-être le temps que monsieur qui a perdu son emploi d’analyste de crédit dans une banque de la place, trouve un emploi. N’importe lequel d’ailleurs. Mais, en attendant, il faut vivre. Alors la beauté, de G. A, femme qui a toujours gardé ses belles rondeurs et sa poitrine (elle n’a pas d’enfant) sont utilisés pour se faire des sous.

C’est pourquoi, ce 14 mars de l’année 2023, dans un décolleté rouge brillant moulant qui met en valeur sa belle forme et laisse entrevoir sa belle poitrine ornée de seins qui ressemblent à ceux d’une jeune fille de 18 ans, Maria répond à une invitation après un coup de fil 2h plutôt.

Il est 20h 23 mn ce soir du 14 mars, quand elle répond au rendez-vous d’un client qui répond aux initiales de JB. Le lieu choisi est un Bar situé dans les environs de l’Allocodrome du quartier Dokoui dans la commune de Cocody. Maria est en face de JB. Ce dernier a eu du mal à contenir son admiration vu le charme, la beauté, le teint brillant à couper le souffle de la prostitué. « Vous êtes vraiment charmante, séduisante et très belle. Pourquoi une telle beauté n’est pas mariée et pratique le plus vieux métier du monde ? », Interrogea JB. Qui n’a pas eu le temps de terminer sa phrase qu’un homme bien bâti qui avoisine la cinquantaine d’âge fait son entrée.

« Si. Je suis mariée. Légalement d’ailleurs. Voici mon époux. Mais n’ayez crainte. Il n’est pas là pour faire des histoires. Plutôt pour assurer ma sécurité. Sait-on jamais », lance Maria. Qui, en poursuivant expliqua le pourquoi de cette situation. Donner son corps à un autre homme pendant que son époux n’est pas loin pendant des parties de « jambe en l’air ».

La connexion et différentes propositions

La connexion avec ces couples se fait par un site de libertinage. La cyberprostitution, nouvelle forme de marchandisation du corps humain. Sur ce site figure différentes propositions. Filles pour filles. Hommes pour hommes. Gnanhi (une femme âgée pour un jeune homme où la femme paie le jeune homme après des rapports). La partouze (Partie au cours de laquelle les participants dont le nombre excède généralement quatre, pratiquent l'échange des partenaires et se livrent à des activités sexuelles collectives et simultanées). Couple à couple (échange de femmes). La femme d’un couple. Massage exotique qui se termine par le sexe etc.

Un moyen rapide d’avoir de l’argent et régler ses soucis financiers

Le couple C.T raconte qu’il s’est inscrit sur le site de libertinage, juste pour régler un souci de factures d’énergie, d’eau et de loyer. Il y a de cela trois ans, quand ils faisaient face à des difficultés financières et ne savaient plus vers qui se tourner. L’idée de mettre le corps de madame sur le marché est venue d’elle. Qui dit avoir été contactée par un homme sur sa page facebook personnelle. Cet homme lui avait proposé de payer pour avoir une relation intime avec elle. « Il m’a dit que je lui plaisait tellement mais qu’il est marié. Si je pouvais être sa maitresse. Je lui ai signifié que j’étais aussi légalement marié. Il m’a donc proposé de coucher avec moi juste une seule fois. En retour, il me donnera la somme de 500 000 Fcfa. Bien sûr avec des préservatifs. Vu nos difficultés, j’en ai parlé à mon époux qui a mis du temps a accepté. « Depuis lors, c’est la spirale infernale. Nous sommes tombés dans un cercle vicieux. C’est un moyen pour nous d’avoir de l’argent. Et ça nous aide à vivre en attendant », confie C.T.

Une femme au foyer prostitué qui veut aller s'occuper de son époux (Photo Atsain Désiré)
Une femme au foyer prostitué qui veut aller s'occuper de son époux (Photo Atsain Désiré)



La dignité et l’honneur de l’homme ont foutu le camp

« Mon frère, dans ce cas de figure, est-ce que j’ai encore une dignité, quand les jambes de ma femme me permettent de vivre, m’habiller, et de donner un peu d’argent à ma famille et régler mes autres charges ? », se questionne C.T. Qui, dit être gêné par cette situation qu’ils traversent lui et sa femme. « Si Dieu ne m’avait pas donné cette femme, qu’aurais-je fait. Nous vivons avec ce secret », raconte C.T. le visage triste.

Comme le couple C.T, plusieurs autres, même, si certains hommes et femmes ne sont pas légalement mariés, pratiquent la prostitution conjugale. Celui d’A.K (27 ans) est jeune. La dulcinée d’A K. aux initiales de M.B a 25 ans. A.K et sa fiancée (il a marié sa femme coutumièrement) vivent dans un studio à Gonzagueville dans la commune de Port-Bouet. Cela fait deux ans que M.B donne son joli corps à d’autres hommes. Rencontrés dans leur fief, M.B est venue répondre à l’invitation toute seule. D’une taille de miss (environ 1,80 m), d’un teint claire naturel et d’une forme de mannequin, M.B après les échanges et le marché conclu pour une pipe et un coup à hauteur de 10 000 Fcfa, les deux se dirigent vers un hôtel non loin du lieu du Rendez-vous.

C’est à ce moment que le téléphone de la prostituée sonne. Au bout du fil, son homme qui demande où se trouve sa chérie. Quelques minutes plus tard, un jeune homme de teint bronzé salut le client de sa chérie. M.B présente son copain à son client. Mais rien à craindre car, ce dernier est juste venu récupérer la clé de leur habitation. Avant que le client ne finisse son partie sexuelle avec M.B, le copain de la prostituée est revenu cette fois avec un autre client pour sa femme. Avant de se quitter, A.K a demandé au client qui vient de finir s’il est intéressé par une partouze. Si oui, qu’il n’existe pas. Lui et sa chérie adorent cette pratique sexuelle. Des ébats sexuels à plus de deux personnes.

Pour le jeune A.K, le corps de sa femme qui est livré aux hommes répond à un objectif. Celui de réunir une importante somme afin qu’ils partent en aventure en Europe. « Pour le moment, nous nous foutons de ce qu’on appelle dignité. Ce n’est pas dignité ni honneur on mange », déclare A.K avec un visage souriant.

Clients et recette

Combien de fois peuvent-ils recevoir de clients par jour ? Le jeune couple répond et lâche un chiffre d’une dizaine de passes. Parfois une quinzaine. Souvent plusieurs fois dans la journée avec le ou les mêmes clients.

A.K explique qu’il y a des nuits que sa femme reçoit ses clients dans leur studio. Pendant ce temps, il prend de l’air dehors, ou dans le maquis non loin de la maison devant une bière. « Le jour que nous recevons plus de clients, nous pouvons nous retrouver avec une recette de 100 à 150 000 Fcfa. A raison de 5000 pour une simple baise. 10 000 Fcfa pour une pipe et une baise (un coup). Et cela évolue selon le désir du client », explique A.K.

De l’argent ! Des risques ! Secours, traitement

« Une fois, un homme après un appel, nous avons conclu. Arrivé à l’hôtel, il paie une heure de temps. Et nous avons passé près de trois heures. Quand le réceptionniste a tapé à la porte pour nous signifier qu’il il est l’heure, le client a dit qu’il n’y avait pas de souci. Il paiera à la sortie. Après la partie, il est sorti. Il a pris sa voiture et il est parti. Je sors, il n’a ni payé les deux heures additionnels, ni mon argent. J’étais obligé d’appeler mon chéri pour qu’il m’envoie de l’argent afin que je paie la chambre », raconte M.B. Pour G.A, un jeune homme une fois dans la chambre d’hôtel a sorti un couteau. L’a menacé après avoir couché avec elle pour ce qu’il a payé, lui intimant l’ordre de lui faire une fellation pour une autre partie. Chose qu’elle n’a pas refusé. Mais à la sortie, ce jeune homme a été tabassé par son époux à qui elle a passé un coup de fil au moment où le jeune homme sortait de l’hôtel. « Une fois, un homme m’a forcé à coucher avec lui sans préservatif. Face à mon refus, il a sorti une arme. J’ai crié. Et mon époux qui était assis à la réception a couru et défoncé la porte pour me sortir de la chambre », a raconté Mme C.T.

Suivi médical

Chacune de ces prostituées déclare se faire suivre par un médecin. « C’est vrai, je suis belle et en forme. Mais, les ist et le Vih/Sida n’ont pas de visage en voyant la morphologie d’une personne. Je peux être séduisante, en forme, mais tant que la maladie ne s’est pas déclarée, si je ne me fais suivre médicalement, je ne peux pas le savoir. C’est pourquoi, nous sommes sensibilisées, au dépistage et à la prise en charge médicale et psychosociale. Nous avons des rendez-vous avec des médecins. Et c’est dans le secret », a expliqué Maria.

Idem pour M.B. A l’en croire, elle a rendez-vous chaque vendredi avec son médecin pour des examens médicaux. « Je débourse à moyenne 30 à 50 000 dans le mois pour me faire suivre. J’ai des gélules, comprimés et injections qui permettent à mon sexe de se rétrécir après plusieurs rapports. Des antidouleurs etc », a-t-elle relaté.

Que dit la loi face à cette forme de prostitution

Selon la législation ivoirienne, toute personne d'une quelconque manière, aide, assiste ou protège sciemment la prostitution d'autrui ou le racolage en vue de la prostitution est considéré comme proxénète.

Egalement celui qui partage les produits de la prostitution d'autrui et reçoit des subsides d'une personne si livrant habituellement à la prostitution ou vit sciemment avec une personne si livrant habituellement à la prostitution et ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie est considéré comme proxénète.

Aussi, toute personnes qui embauche, entraîne ou entretient, même avec son consentement, une personne même majeure en vue de la prostitution ou la livre à la prostitution ou à la débauche est un proxénète et puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de Fcfa.

Par conséquent, les époux, fiancés, amis homme de prostitués comme C.T et A.K sont passibles d’une peine allant de 1 à 5 ans d’emprisonnement ferme, toutefois qu’ils seront dénoncés. Tous ceux comme eux, qui « vendent » ou « livrent » leur épouse, conjointe, amie vivant sous le même toit, et bénéficient des fruits de la prostitution de leur partenaires sont exposés à cette même peine.

Seront-ils dénoncés un jour ? Par qui ? La question reste posée pace que ça ne pourrait être leurs conjoints ou ami ou époux.



Le 18/09/23 à 11:07
modifié 18/09/23 à 11:07