Vente d’intestins de poulet : Un commerce au goût savoureux (REPORTAGE)

Dame Ouattara  fait cuire les intestins de poulet. (PN)
Dame Ouattara fait cuire les intestins de poulet. (PN)
Dame Ouattara fait cuire les intestins de poulet. (PN)

Vente d’intestins de poulet : Un commerce au goût savoureux (REPORTAGE)

Le 21/09/23 à 22:27
modifié 21/09/23 à 22:27
Au marché de poulet du complexe sportif d'Adjamé ou encore à Djè Konan de Koumassi, la vente d'abats de poulet n'a plus de secret pour ces femmes. Depuis des décennies, elles achètent les boyaux des volailles et les commercialisent.
On a déjà humé le parfum d’un poulet rôti au feu de bois. On connaît aussi le parfum des Burger qui fleure bon le fromage et la viande hachée, et dont les senteurs de pain grillé taquinent les narines et invitent les passants à faire bonne chère. Mais le fumet d’intestins de poulets mijotés à des épices, puis frits à l’huile végétale, beaucoup d’amoureux de la gastronomie l’ignorent.

En dépit du temps maussade de ce mardi 12 septembre 2023, Françoise Yao, une consommatrice d’intestins frits, se présente devant l’étal de Mariam Ouattara situé au marché de poulet du complexe sportif d’Adjamé. Elle passe une commande de 500 FCFA de ce met particulier. Celle-ci fait le service dans un papier et le remet dans un sachet bio dégradable à sa cliente.

Satisfaite de l’achat et du service, c’est tout heureux qu’elle rejoigne son Vtc. Non sans manquer de dire un mot à l’équipe de reportage. «Je suis une cliente fidèle de Mariam. De passage à Adjamé pour mes courses, je ne manque jamais l’occasion d’acheter les intestins de poulet frits de Mariam. Depuis des années, j’en consomme avec plaisir», dit-elle d'un ton de fin gourmet.

Même constat à Koumassi. Il est 18h30 ce mercredi 13 septembre 2023, quand l’équipe de reportage arrive sur les lieux de vente d’intestins frits de poulet situés derrière le marché Dje Konan. Ami K, une jeune fille d'environ 17 ans et élève au lycée de la commune, est débordée par la clientèle. Tant et si bien qu'elle n'a pas une minute pour souffler.

Elle a fait de la vente d’intestins de poulet son ‘‘job de vacances’’ afin d'aider sa mère à faire face à ses dépenses pour l'année scolaire. Pour elle, le budget pour se lancer dans ce commerce est à la portée de tous et les bénéfices ne sont pas négligeables.

«C'est pour aider ma maman à payer mes études que j'ai commencé ce commerce depuis des mois, avant les vacances. J’en vendais les week-ends. Et les bénéfices étaient remis à ma maman. Elle les prendra pour financer ma scolarité », confie-t-elle.

Malgré la fine pluie qui s'abat sur la commune, Amy K. est bien installée derrière sa petite table. Ses clients, pressés, jouent des coudes pour se faire servir. «Amy, Amy, j'étais là en premier, sers moi. La pluie va me mouiller», lance chacun dans la cohue.

Un coût à la portée de tous...

Les intestins sont frits à l'huile végétale. (PN)
Les intestins sont frits à l'huile végétale. (PN)



À la question de savoir pourquoi ils en raffolent autant cette cuisine ? Kumba Diallo, une cliente, répond avec le sourire aux lèvres. «C'est délicieux et moins cher que les autres parties du poulet quand c’est bien fait », fait-elle savoir.

Quant à Affou Traoré, commerçante de légumes au marché Djè Konan, en plus du goût, c’est le coût qui l’attire le plus. « Avec la cherté de la vie, je ne me casse plus la tête pour manger quand je viens vendre. Avec 200 FCfa, plus une boule d’attieké, je suis rassasiée », mentionne-t-elle.

Aidée par sa mère et son petit frère, Amy se frotte les mains. Un « job » qui la pousse à se projeter. « Je compte continuer ce commerce malgré mes études. Maman prendra le relais quand j’irai à l’école afin de fidéliser mes clients», déclare-t-elle.

À quelques mètres d’elle, une autre vendeuse. La même ambiance chaleureuse malgré la pluie. L’affluence est à son comble et là aussi chacun tente du mieux qu'il peut pour attirer l'attention de la vendeuse. Protégée par un imperméable, Adjaratou Koné, la trentaine révolue, peine à satisfaire ses clients. Aujourd’hui, elle est seule et doit tout faire.

Nettoyer, faire frire et servir les clientes. Fatiguée et quelque peu agacée par l'insistance de certains clients, elle commence à perdre son sang-froid : «Je suis seule et la pluie est en train de tout gâcher. Hier, à cause de la pluie, je n'ai pas pu vendre normalement. Je ne peux satisfaire mes clients qui sont pressés de rentrer chez eux».

Lorsque l'affluence baisse en intensité, elle consent de bonne grâce à répondre à nos questions, sa bonne humeur retrouvée. Pourquoi avez-vous opté pour cette vente parmi tant d’autres dans le domaine de la restauration ? Sa réponse est sans ambages. «Je n'avais pas un fonds de commerce consistant pour vendre autre chose».

Puis d'ajouter « J’ai toujours été dans la restauration. Avant mon mariage, je vendais du «tchep» à la zone industrielle de Koumassi. Après mon mariage, ça continué puis, j’ai dû arrêter, car, je portais une grossesse à risque. Mon mari a dépensé et mon fonds de commerce a été épuisé dans les soins médicaux. Dieu merci, mon enfant est né et se porte bien. Mais, je ne pouvais plus reprendre mon commerce à la zone par faute de moyens. Je me suis donc lancé dans la vente de pattes de poulet, ça marche bien et j’ai ajouté celle des intestins par pur hasard. Grande fut ma surprise de voir que cette vente me rapportait plus que les autres parties du poulet», explique-t-elle.

Mme Koné soutien que ses bénéfices l’aident à faire le marché pour nourrir sa famille et subvenir à ses besoins sans recourir à l'aide de son mari.

Ella Konan, l’une des fidèles clientes de dame Koné, incite les autres à en acheter chez elle, car, « elle prend le soin de bien nettoyer et assaisonner correctement avant la cuisson. C’est frit à sec et le piment en poudre qui l’accompagne est bien assaisonné ».

On se bouscule pour acheter les intestins de poulet frit. (PN)
On se bouscule pour acheter les intestins de poulet frit. (PN)



Un nettoyage en amont...

Assise sur un tabouret et tenant son bébé au bras gauche, Ami T., habillée dans un tee-shirt un peu défraîchi, le pagne noué à la hanche, étire les intestins des volailles pour en extraire les excréments.

Pendant ce temps, des poêles posées sur des fourneaux à charbon servent à frire ces parties déjà nettoyées. Elle achetait les abats de volaille le kilogramme à 700 FCfa, il y a deux jours de cela. Mais depuis quelque temps, le prix du kilogramme de l’abat est passé à 800 FCfa. Soit une majoration de 100 FCfa. «Les prix ont augmenté. Nous sommes surprises», rapporte-t-elle le 12 septembre 2023 dans un français approximatif.

«Mon travail consiste à nettoyer les intestins de poulet avant de donner à Mariam Ouattara. Nous prenons le soin de bien les laver», note-t-elle. Elle en achète donc en grande quantité pour réaliser de bonnes affaires. « Je fais ce commerce depuis 10 ans. À la fin de chaque vente, je peux m’en sortir avec un chiffre d’affaires de 25 000 FCfa par jour. C’est ce qui me permet de m’occuper de mes enfants », rapporte Mariam Ouattara.

Cette cuisine se fait souvent dans un environnement qui laisse à désirer, eu égard aux conditions d’hygiène déplorables.

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Encadré 1

Une cuisson minutieuse

Comment faire cuire des intestins de poulet ? Ces femmes ont le secret afin qu'ils soient agréables à consommer.

Pour en faire un plat savoureux, ils doivent passer une heure à bouillir. Ils sont ensuite frits pendant dix minutes. Le sel intervient à la fin de la cuisson.

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Encadré 2

Les boyaux riches en protéines

Les intestins sont très utiles, ils contiennent du fer, de nombreuses vitamines, y compris la vitamine E, ont même du sélénium.

Dans les plats, ils sont souvent combinés avec des cœurs, des gésiers, des ventricules et du foie de poulet.



Le 21/09/23 à 22:27
modifié 21/09/23 à 22:27