La chronique de Venance Konan : Les aventures de Superdupont

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La chronique de Venance Konan : Les aventures de Superdupont

Le 19/09/23 à 07:26
modifié 19/09/23 à 16:51
La catastrophe eut lieu à 23h11 minutes. A 23H 15 exactement, Superdupont avait déjà enfilé son costume de super héros, coiffé son béret basque, fait ses échauffements, et attendait, le téléphone à la main, l’appel au secours de ces mangeurs de couscous qui ne manquerait pas de venir. Jusqu’au petit matin, il n’y eut aucun appel. Superdupont ne comprenait rien. Problème de réseau ? Certainement, car il était impossible que l’on ne lui demandât pas de l’aide. Tout le monde le connaît, lui, Superdupont. Une catastrophe à côté ou au bout du monde ? Il était là ! Une guerre, un conflit, un coup d’État, une rébellion, parfois provoqué par lui-même dans un pays tropical de derrière les sables ? Il était là ! Prêt à secourir la veuve, l’orphelin, tous ceux qui avaient besoin d’aide et surtout ceux qui n’en avaient pas besoin.

Il attendit donc toute la journée, qu’ils se décidassent à l’appeler. Avait-il d’ailleurs besoin qu’on l’appelât, lui, le sauveur universel, inventeur breveté du droit d’ingérence humanitaire ? Oui, juste pour la forme. Il paraît qu’ils ont maintenant leur susceptibilité qu’il faut ménager. Il parait qu’il faut qu’ils écrivent désormais eux-mêmes pour demander de l’aide. Ainsi, avait-il dû, avec ceux qui dans le temps lui envoyaient les éboueurs, rédiger lui-même la demande d’aide, pour éviter les fautes de français, vu qu’ils parlent et écrivent sa belle langue comme des cochons, et ensuite, leur tenir la main pour qu’ils signent la lettre, pas d’une croix comme leurs parents au bon vieux temps des colonies, mais d’une vraie signature un peu civilisée.

Deux jours. Et toujours rien. Le téléphone marche pourtant bien. Superdupont ne comprenait plus rien. Et puis la nouvelle finit par tomber. Les mangeurs de couscous acceptaient l’aide des rosbifs, des massacreurs de taureaux, de deux autres mangeurs de couscous, mais pas celle de Superdupont ! Oui, vous avez bien lu ! ils ne voulaient pas de l’aide de Superdupont ! Il faillit faire une crise d’apoplexie. Il n’en revenait pas. Lui qui avait toujours fait la pluie et le beau temps dans cette partie du monde, lui que l’on appelait au secours pour organiser des élections, des festivals, réaliser des films, stopper des rebelles, soutenir quelques autres, même génocidaires, faire tomber des chefs d’État récalcitrants, boucler les budgets, s’endetter, construire des routes, des ponts, des péages, des Wc, gérer l’eau, l’électricité, la téléphonie, les programmes télévisés... lui, Superdupont ! On ne voulait pas de son aide ! Seigneur, dans quel monde sommes-nous ? Mais comment pouvaient-ils croire qu’ils pourraient exister, qu’ils pourraient s’en sortir sans lui, Superdupont ?

Il se renseigna et apprit qu’il lui était reproché d’avoir mal parlé un jour au roi de ces gens-là. Mal parlé, lui, à qui ? Mais pour qui se prend-il, ce roi ? Lui, Superdupont, ne parle-t-il pas aux autres chefs, les blacks, comme cela lui plaît ? Dira-t-il, ce roi, qu’il est au-dessus d’eux ? Entre eux, ils peuvent établir des hiérarchies, mais pour lui, Superdupont, blacks, beurs, rois, présidents, ils sont tous pareils sur ce continent. Mais voilà ! Ils ne se décidaient toujours pas à lui demander de l’aide. Et lui, Superdupont, que serait-il, s’il ne pouvait plus aider des malheureux ? Alors il supplia, chanta, même à l’oreille des sinistrés, cette sérénade, en pastichant Mike Brant: « laisse-moi t’aider, rien qu’une nuiiit. Laisse-moiiiii, rien qu’une nuiiit... »

Superdupont était au bord du désespoir. Mais « Dieu ne dort pas », comme on dit au pays des mangeurs d’attiéké. Il y eut une autre catastrophe naturelle, plus grave que la précédente, dans la même région, dans un autre pays de mangeurs de couscous qu’il connaissait bien, puisque c’est lui qui avait volé à leur secours, sans vraiment demander leur avis, et fait embrocher leur illuminé de dictateur. Certes, l’opération avait transformé ce pays en un cancer dont les métastases infectaient tous ses voisins, mais cela ne regardait plus Superdupont. Le service après-vente n’était pas inclus dans le contrat. Cette fois-ci, il n’attendra pas de coup de fil ou de message. Il n’y avait plus vraiment d’autorité dans ce pays, et personne ne pourrait protester.

Superdupont avait retrouvé des couleurs et le sourire. Il enfila sa cape, se coiffa à nouveau de son béret basque et s’envola vers cette terre de trous de m... comme le disait, avec sa délicatesse habituelle, un de ses anciens collègues super héros d’Outre-Atlantique .


Le 19/09/23 à 07:26
modifié 19/09/23 à 16:51