Duékoué : Un abattoir à l’abandon (Enquête express)
Nous sommes en plein bas-fond. Et c’est carrément en pleine broussaille.
Menacée par des bambous de Chine, une petite installation de fortune délabrée surgit. C’est pourtant là que tout se passe. C’est là que les animaux sont abattus. Il y a des traces de sang sur l’installation traversée de trous au sol envahis d’asticots où circule de l’eau sale, verdâtre et boueuse.
Une dizaine d’employés parmi le petit personnel s’active pour laver des peaux de bœuf, pour ôter le cuir de la carcasse d’un mouton tué ou pour l’échauder. Tout à côté de l’installation, d’autres ouvriers s’occupent à braiser des queues ou des têtes de bête.
L’espace où ils travaillent est boueux. Attention, à ne pas glisser ! Tous sont unanimes : les conditions de travail sont exécrables. Indignes de la ville, chef-lieu de la région du Guémon.
Combien de bœufs sont tués et traités là, pour la consommation ? « Cela dépend, il y a des jours, ce sont 10 bœufs, il y a des jours, ce sont 15 bœufs. Parfois aussi, on descend à 9. Cela dépend du marché. Pendant les fêtes, par exemple, "le coin est gâté" », soupire Moudi Touré, dit Moudi boucher. La quarantaine, l’ouvrier fait office de responsable des lieux.
« Voici les cordes, voici les couteaux, c’est avec ça on travaille. On fait tomber les bêtes et on les attache pour les abattre », décrit-il.
Ces conditions insalubres et archaïques n’ont rien à voir avec celles qu’il a connues quand il était à Korhogo. « Cela n’a rien à voir avec celles de Korhogo où j’étais. Là-bas, c’est «le lass» (les conditions sont plutôt excellentes). L’abattoir est éclairé. L’eau est propre. On partait à l’abattoir à 1 heure du matin. Ici, cela n’a rien à voir vraiment. Même l’abattoir de Bangolo n’a rien à voir avec le nôtre. C’est pour cela on leur dit de venir arranger l’abattoir », plaide-t-il dans un français approximatif.
Selon Moudi Touré, « tout Duékoué et ses (12) villages environnants sont ravitaillés par cet abattoir ». Tous sauf le village de Guéhiébly qui, lui, dispose d’un lieu pour abattre et traiter les bêtes.
« Souvent, il n’y a pas d’eau ici. Il est arrivé qu’on coupe l’eau pendant trois semaines. C’est pour ça on a fait un puits », renchérit Seydou Traoré qui montre une fosse dans la broussaille.
« Il n’y a même pas de lumière. Or, tout ici là est rempli de varans », ajoute Guy Serge Mokey Alain 22 ans, tête baissée, occupé à laver une tête de bête braisée.
« On vient à 2 heures du matin quand c’est le 31 décembre ou le 1er janvier. On est obligé de venir avec des torches », déplore Konaté Dramane.
Depuis 2008 que ce boucher fréquente les lieux, les conditions n’ont pas vraiment changé. Pourtant, ils payent une redevance de 1 000 FCfa pour chaque mouton abattu. Et 1 500 FCfa pour un bœuf.
A leurs risques et périls, des élèves tentent, malgré tout, d’y trouver des jobs de vacances. C’est le cas de Doué Ange, 16 ans, en classe de 3e au collège Legbedji. Profession : laver ou braiser des peaux ou des têtes de bêtes abattues.
Un peu lugubre, très insalubre, l’abattoir de Duékoué attend une action de salubrité.