Amiral Ange Bernard Kessi Kouamé (Procureur militaire à la retraite) : « Le procès du général Guéi a été un challenge pour moi » (interview exclusive)

Amiral Ange Bernard Kessi Kouamé a déclaré ne pas avoir subi de pression. (Ph: Poro Dagnogo)
Amiral Ange Bernard Kessi Kouamé a déclaré ne pas avoir subi de pression. (Ph: Poro Dagnogo)
Amiral Ange Bernard Kessi Kouamé a déclaré ne pas avoir subi de pression. (Ph: Poro Dagnogo)

Amiral Ange Bernard Kessi Kouamé (Procureur militaire à la retraite) : « Le procès du général Guéi a été un challenge pour moi » (interview exclusive)

Le 21/08/23 à 18:33
modifié 21/08/23 à 18:33
L'Amiral Ange Bernard Kessi Kouamé a fait valoir ses droits à la retraite, en janvier 2023, après avoir été Procureur militaire durant 23 ans. Dans cette interview, l'ex-Commissaire du gouvernement soulève un coin du voile sur ces années passées au tribunal militaire d'Abidjan.
Quel est, en quelques lignes, votre parcours professionnel?

23 ans au service du tribunal militaire et en tout 38 ans au service des forces armées et de l’État. Puisque avant le tribunal militaire, j’étais à la marine où je servais en qualité de chef de service logistique. J’ai été formé à l’École d’administration de la marine de Cherbourg, en France, où j’ai obtenu le diplôme du cycle supérieur d’administration maritime, major de promotion.

Vous avez une maîtrise en économie des entreprises et un DEA en économie privée, option recherches opérationnelles. Comment le marin et l’économiste est-il devenu procureur ?

C’est au cours d’une rencontre avec le chef de la justice militaire, feu général Mockey Joseph, en 1993, que ce dernier m’a convaincu de faire la formation de magistrat militaire car l’armée en avait besoin.

Soutenu par le vice-amiral, chef d’état major des armées à cette époque, je suis entré à l’École nationale d’administration (Ena), section magistrature. Après deux années de formation, J’ai passé deux ans à l’agence judiciaire du Trésor, en qualité de fondé de pouvoir (1996-1998). J’ai fini l’école de magistrature en 1995 et en 1998, j’ai été nommé juge d’instruction. Le 1er avril 1999, j’ai été nommé commissaire du gouvernement par intérim, avant d’être confirmé, le 20 mars 2000, par feu le général Robert Guéi. Ensuite confirmé par le Président Laurent Gbagbo et, enfin, par le Président Alassane Ouattara jusqu’à ma retraite dans les forces armées.

Qu’est-ce qui explique cette longévité ?

Je ne suis pas exceptionnel. Je ne suis pas le plus intelligent, ni dans les armées ni des Ivoiriens. Ma longévité est due à un mélange de chance et de plusieurs facteurs. La chance, on ne peut pas la définir. Outre la chance, il y a d’autres facteurs parmi lesquels le travail. Il faut d’abord aimer le travail. J’ai vraiment aimé le mien et je me suis donné à fond. Autre chose, il faut connaître son travail. J’ai passé tout mon temps à lire. Il faut apprendre aux autres et apprendre soi-même. Comme le disait Napoléon Bonaparte, il n’y a pas plus stupide que quelqu’un qui ne sait pas, qui ne connaît pas son travail. Ensuite, il faut se concentrer sur son travail. Souvent, on me dit : ‘‘On ne vous voit pas dans la politique’’. Mais je suis militaire, je suis commissaire du gouvernement, je pratique ces deux métiers. Je suis procureur-militaire. J’ai les obligations de deux métiers institutionnellement exigeants. Un magistrat militaire est très pointu. C’est quelqu’un de très sérieux et soigneux. Je ne me concentre que sur mon métier.

Comment avez-vous appris votre départ à la retraite ?

Qui m’a annoncé ma retraite ? On vous annonce que vous êtes admis à un concours, mais on ne vous annonce pas votre retraite puisque dès que vous entrez à la Fonction publique ou au privé, vous savez à quel moment vous allez en sortir. Je savais quand ma retraite allait arriver. Je m’y attendais. Je n’avais pas besoin qu’on me l’annonce.

Amiral Ange Kessi, procureur militaire à la retraite.
Amiral Ange Kessi, procureur militaire à la retraite.



L’ancien Président Laurent Gbagbo disait de vous : il est le seul que les Forces nouvelles et les loyalistes détestent. Les rebelles parce qu’il les traque, les loyalistes parce qu’il les poursuit quand ils violent les droits de l’Homme. Est-ce vraiment ce personnage qu’Ange Kessi incarnait dans sa fonction ?

Je comprends cette déclaration comme celui qui fait son travail sans parti pris. Parce que si vous êtes détesté par l’un et par l’autre, cela veut dire que vous n’avez pas d’amis. Et c’est cette image que je projette. Un jour de mars 1994, en classe, le président Koné Mamadou, ex-président du Conseil constitutionnel qui nous enseignait le parquet, nous a dit : ‘’ Un magistrat ne doit pas avoir d’amis.’’

Au début, j’avais été choqué parce que je n’avais pas compris. C’est après que j’ai compris, bien compris ce qu’il voulait dire : un magistrat, surtout quand il occupe une fonction sensible, doit faire beaucoup attention aux personnes qu’il fréquente. Il n’est pas interdit à un juge dans une ville d’aller danser dans une discothèque, mais qu’il ait à l’idée qu’il est le juge de la ville et qu’il doit faire attention quand il se détend. Néanmoins, j’ai des amis. Je ne suis pas un sociopathe. On fait beaucoup attention à ceux qu’on fréquente parce qu’il existe des métiers où vous aurez du mal à faire votre travail si vous avez une multitude d’amis. Dans la justice, on ne rend pas service, on applique la loi. Or, avoir des amis, cela demande souvent qu’on rende service. Si vous avez deux amis antagonistes dans une affaire et que vous êtes juge, allez-vous rendre service à l’un des deux ou rendre la justice ? Parce que dans une affaire de justice, c’est rarissime que deux personnes aient raison, forcément, un aura tort.

Avez-vous subi des pressions pendant ces 23 années passées au tribunal militaire en qualité de procureur ?

Pendant ces 23 ans, je n’ai jamais subi de pression. La loi militaire m’oblige à rendre compte au ministre de la Défense et à celui de la Sécurité. Il m’arrive donc de leur rendre compte et d’attendre leurs instructions sur certains dossiers très sensibles. Sinon, aucunement, je n’ai subi de pression dans l’exercice de mes fonctions.

Le Président de la République, Alassane Ouattara, a-t-il essayé d’interférer dans une affaire ?

Le Président Alassane Ouattara ne m’a jamais appelé pour interférer dans une affaire quelconque.

Pensez-vous que le racket a diminué, vous qui avez été étiqueté dans l’exercice de vos fonctions comme «la voix des sans voix» ?

J’ai toujours détesté le racket parce que le conducteur de taxi, s’il n’a pas été au travail pour quelque motif que ce soit, ne mangera pas parce qu’il n’aura pas de salaire. Et ce conducteur, de l’argent lui est soutiré sur la route par un agent des forces de défense et de sécurité qui, lui, a son salaire garanti chaque mois. Je trouve cela inadmissible. Je ne peux pas comprendre que vous ayez la force et vous exercez une pression sur que ceux qui n’en ont pas. On m’appelle la voix des sans voix ou celui qui protège le plus faible. Cela fait partie de mon métier et de mes attributions.

Quelle conséquence peut avoir le racket sur la cohésion sociale ?

Souvent, je vois des scènes un peu virulentes envers des forces de défense et de sécurité, des gendarmes et des policiers principalement. C’est d’eux qu’il est question principalement, lorsqu’il s’agit de rackets sur les routes. Je pense que beaucoup de choses ont évolué. Surtout leurs chefs ont pris conscience depuis longtemps de la situation. Ils ont compris que la meilleure arme, le meilleur char, le meilleur avion de chasse, le meilleur navire de guerre, ne peut rien devant et contre l’ennemi, si votre population, le peuple, n’est pas avec vous. Si votre peuple n’est pas avec vous, quelle que soit l’arme que vous avez, vous ne pouvez pas gagner une guerre. C’est pour cela que l’adhésion du peuple est extrêmement importante pour les armées. C’est pour cela que justement, le Président de la République, ainsi que ceux qui ont en charge les armées, s’attèlent à ce qu’il y ait moins d’infractions, de contentieux, de ‘’palabres’’ entre l’armée et la population. Et, je pense que nos chefs d’état-major l’ont compris.

Avez-vous reçu des menaces de mort dans l’exercice de vos fonctions ?

Ces menaces provenaient souvent des réseaux sociaux. Je me rappelle que c’était en 2004, où dans la chaleur de la crise, on m’appelait assez souvent des pays extérieurs. Mais, je vous assure que je n’en tenais pas compte. Sinon, je n’allais pas prendre ma voiture pour aller au village à Arrah et revenir tout seul.

Un commentaire sur le procès des assassins présumés du général Robert Guéi ?

Pour moi, toutes les affaires s’équivalaient. Le procès Robert Guéi, depuis l’enquête jusqu’à la fin, a été pour moi un challenge. Un challenge parce qu’il fallait juger des généraux, ensuite il fallait être précis pour s’assurer de ne pas se tromper. N’oubliez pas que cette affaire des assassins du général Guéi avait été jugée dans la période où l’ancien Président Gbagbo était jugé à La Haye. Donc, une pression supplémentaire.

Avez-vous subi des pressions des militaires que vous avez jugés ?

Il y avait certaines pressions, mais cela m’amusait. S’il y a une chose qui m’a marqué pendant mes 23 ans sous le drapeau, c’est que je me suis toujours amusé devant le danger. En effet, le danger ne m’a jamais fait peur. Lorsque vous êtes dans le vrai, Dieu vous protège toujours. Ne pratiquez pas l’injustice.

Si telle personne est votre ami, vous, garant de la justice, vous tordez le cou à la loi en sa faveur, cela est une erreur à ne jamais commettre. Si vous faites cela, vous n’allez pas durer dans une fonction comme celle de procureur ou de juge. Si vous êtes magistrat, soyez juste. C’est la seule condition pour que vous finissiez votre carrière dans de bonnes conditions et atteigniez les sommets.

Quels sont vos rapports avec le nouveau procureur militaire ?

Nous avons de très bons rapports. On ne peut pas faire autrement. Puisque quand j’étais commissaire du gouvernement, tous les matins, il venait me voir pour me saluer et prendre les consignes.

Après huit mois, il reste encore méconnu du public...

Laissons-le travailler, il vient juste d’arriver. Ma nomination en 1999 avait coïncidé avec le coup d’État, ensuite les mutineries de 2000, les tentatives de coup d’État de 2001, puis la rébellion de 2002 et la crise qui s’en est suivi, c’était mon baptême du feu.

J’ai passé plus de la moitié de ma jeunesse et de ma carrière de commissaire de gouvernement dans les règlements judiciaires des crises. Mon successeur, lui, est arrivé à un moment de paix, donc ce n’est pas la même chose. Je les ai formés, depuis deux ans, ils étaient déjà prêts à me remplacer et ils travaillent en équipe. Ce sont des jeunes talentueux et très intelligents.

Je leur fais toujours savoir qu’ils sont assez forts pour se débrouiller seuls, sans moi, à condition qu’ils ne soient pas divisés et qu’ils travaillent avec l’esprit d’équipe. Plus ils sont unis et travaillent ensemble - et les magistrats savent très bien le faire -, plus ils vont gagner le défi des pressions et autres intimidations. Lorsqu’un chef s’en va et laisse un héritage et on a toujours recours à lui, c’est qu’il fut un mauvais chef. Un bon chef, c’est celui que son successeur remplace sans problème parce qu’il a été bien formé. Je ne me réjouis pas quand je lis ou entends les gens dire : «Ange Kessi est parti, on a l’impression que le Tma est fermé». Cela m’attriste et ne me plaît guère parce que cela veut dire que je n’ai pas été capable de former de bonnes personnes pour me remplacer. Un bon chef, c’est celui qui s’en va et laisse derrière lui un solide héritage qui ne s’écroule pas après lui et qui, au contraire, se porte de mieux en mieux. Patientez, vous verrez qu’il est plusieurs fois mieux que moi, donnez-lui un peu de temps, vous allez le voir sur le terrain comme moi et il fera des meilleures choses que moi.

Aviez-vous des regrets en quittant votre fonction ?

Des regrets ? Un peu quand même. J’aurais voulu avant de partir, faire installer par le ministre d’État, ministre de la Défense, au moins deux tribunaux militaires à l’intérieur du pays pour décentraliser et rapprocher la justice de ses justiciables. Mais je crois que cette procédure ayant été initiée ensemble avec mes collaborateurs, ils vont le faire quand le temps viendra.

En 2021, vous étiez parmi les 10 personnalités ivoiriennes les plus dynamiques. Parmi ces personnalités, il y avait, entre autres Cissé Bacongo, la ministre Harlette Badou, l’ex-Miss Olivia Yacé et le ministre Amedé Kouakou. Un commentaire ?

Cela faisait la 2e fois que je gagnais cette estime des Ivoiriens. En 2021, j’étais devant le célèbre ministre Cissé Bacongo et tout cela m’étonnait. Mais ce sont les Ivoiriens qui décident qui ils choisissent, qui ils veulent. Franchement, je suis très reconnaissant envers toutes ces personnes qui ont reconnu ma valeur, qui ont reconnu le travail que je fais. Qu’ils sachent que c’est pour eux que je suis là. La Côte d’Ivoire est peuplée d’hommes vaillants. Et, c’est pour eux que j’ai consacré toute ma vie à lutter contre l’injustice, contre le racket, contre la corruption. Je pense que s’ils m’ont attribué ce titre, je leur suis vraiment reconnaissant.

Dans l’ombre, vous avez offert plusieurs infrastructures à votre localité. Est-ce que vous l’avez fait sur fonds propres ? Le budget de vos services n’atteignait même pas, semble-t-il, 5 millions de F Cfa par an...

5 millions ? Faut plutôt dire 3 millions (rires). Mais attendez, que croyez-vous ? Même avec 10 milliards de F Cfa de budget, pensez-vous que c’est ce fonds que j’utiliserais pour faire des réalisations chez moi, à titre privé ? Ce serait maléfique. Je ne peux pas être un farouche partisan de la lutte anti-corruption et infractions similaires comme le racket, le détournement et autres et utiliser l’argent de l’État pour faire des réalisations à titre privé ! Non ! D’ailleurs, pour ceux qui connaissent mes fonctions, ils savent très bien que je ne gère pas de fonds publics. Tout est gratuit, rien n’est payant là où j’ai exercé mes fonctions pendant plus de 22 ans. Ce que j’ai fait, n’importe quel cadre peut le faire dans sa région, ce n’est pas sorcier. Il n’y a pas besoin de prendre l’argent public pour le faire, s’il veut le faire à titre personnel. Si un cadre d’une région se prive de certains plaisirs, de certaines dépenses luxueuses, il peut faire mille fois ce que j’ai fait dans ma région et que je n’ai même pas encore achevé.

Comment avez-vous procédé ?

Chaque mois, je mettais 300 mille francs de côté. C’était la moitié de ma prime de magistrat militaire, pour cela j’évite des sorties dispendieuses. Je ne connais aucun night-club ni restaurant à Abidjan ni ailleurs. Je n’ai jamais passé de vacances à l’extérieur du pays depuis que je suis en activité en 1986, et je n’ai jamais eu de vacances depuis que je suis commissaire du gouvernement. Et pourtant, les vacances judiciaires j’en faisais profiter à mes collaborateurs. Pour moi, un samedi n’est pas différent d’un mardi ou d’un jour férié ; je travaille et je me couche toujours à 21h. Donc, il y a des économies, des épargnes qu’on peut faire pour redistribuer à sa population et c’est ce que j’ai fait.

Pourquoi un tel sacrifice pour ces populations ?

On peut aider la population avec peu. Tenez, un jour des élèves du lycée moderne d’Arrah sont venus me voir pour être leur parrain et ils m’ont présenté un devis de 4 millions. Je leur ai dit que si j’ai de l’argent, c’est pour réaliser des œuvres durables, et non pour des réjouissances éphémères : construire des salles de classe ou des latrines parce que les latrines j’en ai construit huit pour le lycée moderne d’Arrah dont quatre pour les filles et quatre pour les garçons. J’ai demandé l’effectif total du lycée, ils m’ont dit à peu près 4000 élèves. J’ai dit ceci : si le président de votre promo, une fois élu, venait voir chaque élève pour cotiser 1000 f par an soit 100F par mois et par élève ça vous fera les 4 millions qui vous sont nécessaires pour votre bal de fin d’année et vous n’auriez plus besoin de vous fatiguer. Souvent, vous vous humiliez pour chercher l’argent pour vos bals de promo. 100F par élève par mois : si chaque élève, un seul jour de l’année scolaire, s’abstient de prendre le taxi et marcher pour aller à l’école, ou s’abstient de boire une bière et mettre cet argent de côté pour le remettre pour la promo, vous vous rendez compte de ce que vous pouvez avoir dans votre caisse sans déranger des aînés qui ont d’autres problèmes à régler ! Ils ont compris et ils sont venus m’exprimer leur gratitude l’année suivante quand les élèves des autres promotions ont suivi les conseils que je leur ai donnés.

Pour la construction des 4 classes du lycée moderne d’Arrah, et les huit latrines par exemple, j’avais arrêté les travaux pendant un an. Lorsque le Directeur départemental de la construction d’Arrah m’a demandé pourquoi cet arrêt, cela m’a vexé. Je lui ai répondu que je construisais à mon rythme étant donné que je prélevais la somme nécessaire à la construction sur mon salaire. A ce moment, mon fils avait été renvoyé du tronc commun et j’avais arrêté momentanément les travaux pour pouvoir payer ses études de pharmacie à Conakry (Guinée).

Avez-vous mené des actions sociales dans d’autres villages ?

C’était pareil pour une cantine que j’ai construite lorsque madame la ministre, Kandia Camara, venait l’inaugurer à Kouadiokro, deux jours avant, les carreaux n’étaient pas encore posés, c’était le 24 février 2020 et le Covid s’annonçait déjà en Europe. Il fallait faire vite. J’ai été obligé de m’endetter à la banque pour poser les carreaux de la cantine. Donc, c’est mon argent que j’ai utilisé pour faire toutes ces réalisations et j’en suis fier. Aujourd’hui, j’ai appris que deux élèves de la terminale C du lycée moderne d’Arrah qui ont fréquenté les classes que j’ai construites, sont boursiers de l’État dans des écoles d’ingénieur au Maroc ; c’est une fierté pour moi ! Récemment, j’ai aperçu en allant à Bongouanou, l’ambulance du centre de santé qui porte mon nom à Anékro, j’avais la chair de poule : qui l’ambulance transportait-elle ? un malade qui sera certainement guéri ? une femme qui va accoucher ? une chose est certaine, permettre à l’être humain de se soigner et à un autre de donner la vie, il n’y a rien de plus exaltant et cela n’a pas de prix. C’est pourquoi quand on me demande combien ces réalisations m’ont coûté, je n’ai aucune réponse à donner.

Combien toutes ces réalisations ont coûté ?

Je ne m’en souviens même pas et si c’était le cas, je n’allais pas le dire parce que même si j’en suis fier, je ne m’en enorgueillis pas. En effet, on ne quantifie pas sa contribution à la santé ou à l’éducation des enfants ; ce sont des choses sacrées donc ici, les chiffres n’ont pas leur place. Si j’en avais les moyens, j’en ferai bien d’autres, par exemple construire dans ma région une banque uniquement pour les nouveaux diplômés qui viennent de terminer leurs études et qui rembourseront après.

Si je peux comprendre par exemple qu’un étudiant qui a le Bts cherche du boulot, je ne comprends, en revanche, pas pourquoi un étudiant qui vient de sortir de l’Escae Inp-HB de Yamoussoukro puisse faire’’’ j’ai l’honneur» parce que dans cette école, on forme les étudiants, les meilleurs de leurs promotions de bachelier, à être des employeurs après 5 à 6 ans d’études, c’est-à-dire des futurs patrons d’entreprise privée ou semi-privée, et non des employés.

Tout comme les pharmaciens, ils doivent sortir nantis de toutes les capacités pour créer leur propre entreprise, individuellement ou par groupe ou par associés, c’est mon point de vue. Hélas, je n’ai pas les moyens de le faire, je ne peux que les encourager.

Vous êtes auteur de plusieurs ouvrages. Vous avez écrit : « L’impact des décisions de justice sur la gestion des ressources humaines dans les forces armées de Côte d’Ivoire ». Pourquoi la publication de ce livre ?

Lorsque vous avez accumulé certaines expériences dans une fonction et que vous partez, vous devez laisser un héritage, si vous pouvez. Ce n’est pas une obligation. J’ai écrit un livre sur les plus grands procès du tribunal militaire que je dois publier. Les procès de ‘’Guéi Robert’’, ‘’du Cheval blanc’’, ‘’du charnier’’, ‘’du journaliste Jean Hélène’’... Il y a au moins sept grands procès sur lesquels je suis en train de travailler pour des publications. Ces procès m’ont vraiment marqué. Je tiens à vous dire que le livre « L’impact des décisions de justice sur la gestion des ressources humaines dans les forces armées de Côte d’Ivoire », je l’ai offert à l’armée. Merci encore au chef d’état-major général des armées, qui m’a encouragé à publier ce livre.

Ange Bernard  Kessi Kouamé
Ange Bernard Kessi Kouamé



A quand la sortie de votre prochain livre ?

Le prochain livre, c’est « La responsabilité pénale du chef ». Lorsque vous êtes un chef, et que vous allez sur le terrain, et que ça dégénère, par exemple si l’un de vos éléments tire sur quelqu’un, en quoi êtes-vous responsable ? C’est sur ce sujet que j’ai écrit.

Pensez-vous un jour faire de la politique ?

Je ne peux rien dire pour le moment. Laissez-moi vivre ma retraite et si un jour, Dieu veut que je sois appelé quelque part, son vœu se réalisera.

Amiral, que pensez-vous des différents Chefs d’État avec lesquels vous avez travaillé ?

Merci à tous les Chefs d’État qui m’ont fait confiance, particulièrement au Président de la République Alassane Ouattara qui m’a maintenu jusqu’à la fin de ma carrière militaire et qui a beaucoup fait pour le Tribunal militaire d’Abidjan (Tma). Le Président Houphouët a institué le Tma en 1974 et, en 2017, le Président Ouattara a décrété des dispositions particulières pour organiser la fonction judiciaire militaire de sorte à susciter des vocations chez les jeunes et à rendre la juridiction militaire plus indépendante et plus efficace.

Merci à la rédaction de Fraternité Matin qui m’a donné l’occasion de réaliser cette interview. Je remercie également la population ivoirienne et même les étrangers de m’avoir soutenu durant toutes ces années. Que Dieu nous garde.



Le 21/08/23 à 18:33
modifié 21/08/23 à 18:33